ARTHUR GUÉRIN-BOËRI : 175 M SOUS LA GLACE EN VIDÉO !

le 21/08/2017
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En parcourant 175 m sous la glace du lac finlandais de Sonnenen le 11  mars dernier, Arthur Guérin-Boëri a pulvérisé le record de 152,4 m (500 pieds) détenu par le Danois Stig Severinsen depuis 2013. Ces 22,6 m supplémentaires arrachés au prix d’un redoutable effort et qui vont faire l’objet d’un film, confirment ce que l’on savait déjà : le multichampion du monde est désormais une figure majeure du panthéon de l’apnée. Propos recueillis par Pierre Martin-Razi. Photos Alex Voyer. Vidéos sous-marines, Pascale et François Cêtre.

3min40 de vidéo… en attendant « Second souffle »

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Subaqua Comment t’est venue l’idée d’établir un record sous glace, un environnement bien éloigné de ton quotidien d’apnéiste ?

Arthur Guérin-Boëri Précisément pour cette raison ! J’ai eu l’envie de quelque chose de nouveau, d’une performance éloignée des carreaux habituels des bassins et de la mer, même si je connais encore assez peu l’eau salée ! Je voulais quelque chose de moins rébarbatif, de plus onirique. Pour moi, et pour que les gens me suivent, j’ai eu besoin de mettre du piment. Ce record, même s’il fait l’objet d’une double homologation par la CMAS et le Guiness Book of records, c’est quelque chose hors circuit, hors compétition. Je n’avais à me mesurer qu’avec le froid, la glace et avec moi-même. Je reconnais que j’ai découvert quelque chose…

Subaqua C’est un projet qui remonte à loin ?

Arthur Guérin-Boëri Pas vraiment. L’idée est née voici un an environ et la mise en place a nécessité six mois. Je profite de l’occasion pour remercier toute l’équipe de Quad Production parce que sans son aide et son appui, rien n’aurait été possible. On ne mesure pas l’énergie qu’il faut déployer en amont pour parcourir 175 m sous la glace !

Subaqua Justement, pourquoi 175 m ?

Arthur Guérin-Boëri Parce que j’ai été un peu naïf… En fait, le Danois Stig Severinsen avait parcouru 152 m. Je trouvais mesquin de n’ajouter qu’un ou deux petits mètres à cette performance alors comme j’avais fait 300 m en piscine, je me suis dit que 175 m devraient être à ma portée… Une balade, une promenade de santé. Je vais faire une confidence aux lecteurs de Subaqua: j’ai compris sur place qu’en l’état actuel de mon entraînement, ce que j’avais fixé de manière intuitive constituait une limite…

Subaqua Tu n’as pas suivi un entraînement spécifique ?

Arthur Guérin-Boëri Non, même pas… Bien sûr je m’entraîne en dynamique mais si l’on excepte un stage à Morzine, d’ailleurs effectué grâce à l’appui de la FFESSM, et qui a surtout consisté en une mise au point du matériel, combinaison, ajustement du lestage, rien de particulier du côté du froid. Jusqu’à la veille du record, j’ignorais ce qui m’attendait…

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Subaqua Quelles sont les raisons qui t’ont fait choisir un lac finlandais ? Après tout, à cette période de l’année, nous avons des lacs gelés en France.

Arthur Guérin-Boëri Oui mais ils sont en altitude et ça change la donne ! La Finlande, elle, possède des lacs gelés au niveau de la mer… De plus, l’apnée sous glace est là-bas une activité très pratiquée ce qui suppose des compétences et toute une logistique qui va avec. J’ai pu bénéficier du soutien local de l’apnéiste Antero Joki, mon contact sur place et, grâce à lui, j’ai pu constituer l’équipe d’apnéistes de sécurité qui m’a accompagné par tranches de 25 m sur les 175 m du record… C’est inestimable.

Subaqua Tu évoques la logistique… De quoi s’agit-il ?

Arthur Guérin-Boëri Le matériel pour préparer la glace, un sauna mobile, ce genre de choses. Et l’habitude. Car moi, vraiment, je découvrais…

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Subaqua La malchance a fait qu’un de tes sacs s’est perdu au cours du voyage aller. Tu as été privé de ta monopalme habituelle… Comment as-tu vécu ce handicap ?

Arthur Guérin-Boëri Pas très bien ! J’ai dû faire appel à la solidarité des apnéistes et, heureusement !,  le vendredi, j’ai reçu une palme envoyée par le Russe Alexey Molchanov. Un changement de matériel, c’est une perte de sensation, une modification des repères et cela ajoute au stress. Personne n’a besoin de ça avant une tentative de record… La veille seulement, grâce à Alexey, j’ai donc pu m’immerger et parcourir 75 m. C’est là, que j’ai pris conscience que cela serait très dur !

Subaqua Le stress, comment le négocie-t-on ?

Arthur Guérin-Boëri On fait avec ! Pour moi, à Sonnanen, il était de deux ordres. Il y avait le stress psychologique, le contexte lui-même, le toit de glace, la perte de repères, les centaines de personnes qui vont te suivre en direct sur Facebook… Il y a aussi le poids de l’investissement que représente l’aventure, toutes les personnes mobilisées autour de moi à qui, moralement tu dois rendre des comptes… Le film du record… Et puis il y a le deuxième aspect du stress, physiologique celui-là avant tout lié au froid… J’en ai vite pris la mesure !

Subaqua Ce stress lié au froid, comment se manifeste-t-il ?

Arthur Guérin-Boëri Le lac de Sonnanen est à zéro degré… Du reste, nous devions rouvrir chaque matin les trous de la veille. On voit bien que l’eau gèle sur les images vidéo du record. Or, c’est un fait connu, en apnée le froid change beaucoup de choses… Nous disposons de capteurs, notamment autour des yeux, qui réagissent à la température. Ainsi, en eau froide le réflexe d’immersion apparaît beaucoup plus tôt que dans une eau tempérée. Avec une bradycardie et une vasoconstriction plus immédiates, le corps se protège contre cette agression et c’est très bien ainsi. Seulement voilà : la conséquence de cette adaptation accélérée est que le besoin de respirer apparaît beaucoup plus tôt et que ce besoin s’exprime de manière graduelle contrairement à l’apnée en piscine où il est paroxystique mais beaucoup plus tardif…


Mentalement, sous la glace, le combat est énorme. À Sonnanen, j’ai eu besoin d’air dès 50 m. Alors, il m’a fallu lutter… De plus, la vasoconstriction est beaucoup plus profonde en eau froide avec une charge en acide lactique bien plus importante. J’ai eu les jambes lourdes dès 100 m alors qu’en piscine, je n’en ressens les effets que vers 250 m.

Subaqua Pourtant ton apnée n’a duré « que » 2 minutes et 35 secondes environ et tu disposais d’une bonne protection isothermique…

Arthur Guérin-Boëri Oui. J’étais équipé d’une combinaison deux pièces avec capuche de 5 mm Epsealon coupée dans du Néoprène Daïwabo refendu et lisse extérieur, excellent. Globalement, le froid était supportable d’autant plus que j’ai pu bénéficier du sauna avant et après ma performance. En vérité, bien plus qu’un refroidissement général, ce sont les mains, les pieds et le visage qui posent problème dans ces situations avec la survenue accélérée du réflexe d’immersion dont je viens de parler…

Subaqua Tu évoquais les apnéistes de sécurité tout à l’heure. Comment s’est déroulé pratiquement ton record ?

Arthur Guérin-Boëri Nous avions établi un parcours linéaire de 175 m avec des trous tous les 25 m et, par sécurité, un trou intermédiaire entre 150 et 175 m. Deux lignes, fixées sur deux pieux plantés dans le fond du lac 12 m plus bas, balisaient le parcours. La première était à 5 m, en dessous de moi, et me servait de repère visuel et la seconde était au dessus. J’y étais relié par une longe. Les apnéistes m’ont suivi chacun sur 25 m en se relayant d’un trou à un autre. Les cadreurs Pascale et François Cêtre ont filmé le record en scaphandre ouvert et combinaison étanche…

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Subaqua Malgré ton absence de préparation spécifique et une seule semaine sur place, tu as atteint l’objectif fixé… On cherche le secret… La nourriture ?

Arthur Guérin-Boëri Heu… J’ai mangé ce qu’il y avait là-bas… Beaucoup de saumon, pas beaucoup de légumes comme on s’en doute. En plus, j’avais prévu quelques compléments alimentaires mais ils étaient dans le même sac que ma palme ! Non, je dois cette réussite à mes capacités, mon entraînement et le soutien d’une formidable équipe de près de 25 personnes sans oublier bien sûr mes parrains que sont Mercedes-Benz, la CMAS, la FFESSM, Epsealon et l’Ocean Club de Marbella. L’envie de réussir est le moteur de ce genre de défi car sans une volonté viscérale, ce n’est même pas la peine de s’aligner… C’est ce que j’ai compris à Sonnanen. Si je veux progresser dans cette voie, je vais devoir m’entraîner de manière vraiment spécifique, préparer mon organisme à ce type de contraintes très particulières…

Subaqua As-tu des projets dans ce sens ?

Arthur Guérin-Boëri Oui. J’ai trois projets en cours pour cet été et pour l’hiver prochain mais il est encore un peu tôt pour les dévoiler. Pour l’instant je suis dans la période d’après record, la médiatisation, la sortie de mon livre dans les jours qui viennent (cf. encadré, N.D.L.R.), celle du film « Second souffle » à l’automne. Cela fait partie intégrante de cette belle aventure !

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> Pour suivre Arthur :

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Le réalisateur Sébastien Moreau et Nicolas Méliand, le producteur, sont en passe de finaliser leur film sur Arthur Guérin-Boëri commencé voici plus d’un an et magistralement clôturé par la performance finlandaise. Récit.

Parce que la discipline se marie à l’humeur du temps, l’apnée et les apnéistes inspirent les cinéastes. Depuis Le Grand bleu, la liste des films sur les exploits et les démarches de ces champions d’un nouveau genre serait trop longue pour être citée ici. Pelizzari, Pipin, Bandini ou, plus jeunes, Leferme, Frolla, Néry, Nitsch pour ne citer que ceux qui me passent par la tête, ont vu leurs plongées célébrées sur les écrans. Il était donc assez logique que le physique, les capacités et le charisme d’Arthur Guérin-Boëri en fassent le sujet d’un film qui célèbre tout à la fois l’esthétique d’un sport et le dépassement de soi.

C’est précisément cette réflexion qui a conduit le réalisateur Sébastien Moreau, ami de longue date d’Arthur, et Nicolas Méliand de Quad production, à s’associer pour réaliser «Le Second souffle » qu’ils qualifient eux-mêmes de « portrait d’exception » parce que, disent-ils, « la matière est simplement géniale! ».

Pendant plus d’une année, Sébastien et Nicolas ont donc suivi Arthur dans ses déplacements, ses entraînements et dans son quotidien. Ils ont été les témoins des réussites comme des échecs, des périodes de doute comme celles d’un formidable besoin de vaincre et de se dépasser. C’est ainsi que la question de la motivation, omniprésente, va bien au-delà du seul portrait de l’apnéiste champion du monde pour atteindre une sorte d’universalité…

Une facilité hallucinante

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Bien sûr, le record des 300 m en apnée dynamique à Lignano restera pour eux l’un des moments forts de ce tournage. Arthur donnait une telle impression de facilité, il semblait tellement survoler la discipline qu’ils avouent « avoir halluciné ». Pourtant, c’est peut-être l’exploit finlandais qui les a le plus marqués. Primo parce que le cadre était à l’échelle de la performance programmée : grandiose. Deuzio parce que jusqu’à l’ultime seconde, le doute sur la faisabilité a perduré. Nicolas et Sébastien (comme Arthur…) le confessent volontiers. Pour eux, ces 175 m qui dépassent de 23 m le record du Danois Severissen démontrent de manière éclatante qu’Arthur se refuse à la petitesse et que « c’est précisément ce qui rend le personnage sympathique: cette générosité dans l’effort, à la fois courageuse, réfléchie et malgré tout audacieuse». Ce record rêvé au début du tournage et finalement réalisé conclut logiquement une histoire qui ne manque pas de rebondissements. Et il constitue une aventure en soi : celle d’une équipe internationale de 25 personnes réunie pour un unique objectif, celle des difficultés de tournage surmontées, celle du froid et des tonnes de glaces déplacées…

En cours de montage, le film devrait être construit pour une diffusion cinématographique, ce qui impose à la fois une grammaire visuelle spécifique ainsi qu’une durée minimale de 70 minutes. La musique originale sera composée par Sébastien qui reviendra ainsi à son premier métier alors que la voix off, entrecoupée d’interviews, sera celle d’Arthur lui-même.

Sébastien et Nicolas tiennent à ajouter que ce film n’aurait pas pu se faire sans l’appui de partenaires comme Epsealon, Pull-in ou encore Mercedes-Benz. Ils ajoutent que l’apport de la FFESSM et de la CMAS a été déterminant pour leur avoir fait connaître Pascale et François Cêtre et pour les avoir soutenus dans la production.

La sortie est prévue pour la fin de l’année. Nous l’attendons avec impatience car ce « Second souffle» prometteur devrait nous donner la force de traverser l’hiver !

Pierre Martin-Razi

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