Accident de décompression en plongée subaquatique

le 28/06/2019 publié dans le N°285 de Subaqua
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Jean-Michel Pontier
par Jean-Michel Pontier

En mer comme en eau douce, le retour vers la surface du plongeur expose ce dernier au risque de survenue d’un accident de décompression, appelé également accident de désaturation. Les formes neurologiques de ce type d’accident de plongée peuvent être à l’origine de séquelles neurologiques invalidantes, et ce malgré une prise en charge thérapeutique adaptée et précoce. Si la présence de bulles circulantes constitue le pivot central de la pathologie, les manifestations biologiques et tissulaires vont accompagner l’accident bullaire initial. Dans ce premier volet (sur trois) Jean-Michel Pontier MD, PhD, médecin fédéral national détaille les mécanismes à l’origine d’un accident de désaturation.

Partie  I : de la théorie des noyaux gazeux à l’accident bullaire initial

Avant d’aborder dans une deuxième partie les grands principes de la prise en charge médicale d’un accident de désaturation, puis de s’intéresser dans une troisième aux moyens de prévenir sa survenue, il est avant tout nécessaire d’en détailler les mécanismes physiopathologiques. Ainsi, l’objectif de cet article est d’évoquer les théories et les hypothèses en lien avec l’accident de désaturation, en particulier pour sa forme neurologique la plus sévère.

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Phénomène bullaire lors de la décompression et théorie des noyaux gazeux

Si la relation entre accident de désaturation et phénomène bullaire s’impose à partir de la fin du XIXe siècle avec Paul Bert, il est depuis admis que la formation des bulles lors de la décompression n’est pas simplement la conséquence d’une sursaturation du gaz diluant mais est liée à l’existence de noyaux gazeux.

> Notions de saturation et de sursaturation

Le mélange gazeux inhalé par un homme séjournant en ambiance hyperbare est composé d’oxygène et d’un gaz qui n’est pas métabolisé par l’organisme appelé aussi gaz diluant. Il s’agit d’azote lorsque le mélange gazeux est de l’air ou encore de l’hélium. Lors de la remontée vers la surface, le gaz diluant se trouve en sursaturation à des degrés divers dans les tissus de l’organisme et peut donner lieu à la présence de bulles circulantes. Si la sursaturation en gaz diluant semble jouer un rôle important dans la genèse des bulles, elle n’est pas suffisante. Ainsi dès les années 1940, Harvey constate que le gradient de sursaturation nécessaire à l’apparition de bulles dans un liquide est variable en fonction du liquide considéré, du gaz diluant utilisé et de son coefficient de solubilité.

> Théorie des noyaux gazeux et facteurs influençant leur croissance

Les données expérimentales en laboratoire ont montré que dans le cas d’un liquide homogène au repos contenant du gaz dissous dans un récipient en verre aux parois sans aucune impureté, il était nécessaire d’appliquer des variations de pression de l’ordre de 100 à 1 400 atmosphères pour obtenir une phase gazeuse. Chez l’animal et chez l’homme la formation de bulles survient pour des variations de pression bien inférieures. Lors d’étude in vivo chez l’homme, il a été montré la formation de bulles circulantes après des expositions hyperbares prolongées (48 heures) à des pressions à peine supérieures à la pression atmosphérique (de l’ordre de 1,3 ATA) et donc pour des gradients de sursaturation faibles (expérience des maisons sous la mer).

• Théorie des crevasses hydrophobes

Des expériences réalisées avec de l’eau gazeuse dans un récipient de verre montrent que les bulles se localisent préférentiellement sur les parois qui possèdent des propriétés hydrophobes. Pour Harvey et ses collaborateurs, de petites quantités de gaz pourraient être piégées dans des anfractuosités ou des crevasses présentes au sein des parois vasculaires. Ces crevasses siègent au niveau des jonctions entre les cellules qui tapissent la paroi interne des vaisseaux sanguins (endothélium vasculaire des veines pulmonaires, des ventricules cardiaques, de l’aorte, de l’artère pulmonaire en autres). En l’absence de mécanisme de stabilisation, les noyaux devraient être rapidement dissous par la diffusion du gaz sous l’effet des forces de tension superficielle.

Ceci est un extrait du Dossier paru dans le numéro 285 Abonnez-vous

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