Devenez Espion des Grands Fonds et des sources hydrothermales profondes

le 22/12/2017 publié dans le N°276 de Subaqua
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Stephan Jacquet
par Stephan Jacquet

Le Laboratoire Environnement Profond de l’Ifremer a développé une application en ligne, ludique, qui permet à tout citoyen volontaire d’aider les chercheurs du laboratoire à annoter des images provenant des grands fonds et ainsi contribuer à une meilleure compréhension de ces écosystèmes. Marjolaine Matabos, chercheuse en écologie marine, est à l’origine de ce projet original. Elle répond à nos questions.

Subaqua C’est quoi l’Ifremer ?

Marjolaine MatabosM. Matabos L’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer est un institut de recherche dédié à la connaissance des océans et de leurs ressources. Il assure le suivi du milieu marin pour un développement durable des activités maritimes.

Subaqua Pourquoi s’intéresser aux grands fonds ?

M. Matabos Parce qu’ils existent ! Les grands fonds représentent la dernière frontière de notre planète. Ils en couvrent 66 % et représentent plus de 90 % de la biosphère ! Pourtant nos connaissances sur ces milieux sont encore infimes puisque seulement 5 % en ont été cartographiés et moins d’1 % échantillonné… Nous connaissons à peine la biodiversité associée au plus grand biome (ou macro-écosystème) de la planète ! L’océan régule notre climat et chaque compartiment a son rôle. Seule une vision intégrée de ce grand domaine, y compris l’océan profond, nous permettra de prédire les changements globaux à l’échelle de la planète. De plus, les grands fonds recèlent nombre de ressources biologiques, minérales et énergétiques convoitées par de nombreuses industries. Nous n’avons, à ce jour, aucune idée de l’impact de leur exploitation.

Subaqua Qu’est-ce qu’une source hydrothermale ?

M. Matabos Les sources hydrothermales sont des grands geysers sous-marins qui abritent une faune unique qui a su s’adapter à des conditions environnementales particulières. Découvertes en 1977, elles sont principalement localisées le long des dorsales océaniques, mais aussi dans des zones caractérisées par des évènements tectoniques et volcaniques importants.

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Subaqua Comment cela fonctionne-t-il ?

M. Matabos Au niveau de ces zones actives, l’eau de mer s’infiltre par des fissures dans la croûte océanique, et se transforme par percolation dans la roche chaude et au contact de la chambre magmatique. Il en résulte un fluide hydrothermal très chaud (jusqu’à 400 °C), dépourvu d’oxygène, riche en éléments réduits tels que le sulfure, le méthane ou le dihydrogène, et en métaux. La précipitation du sulfure métallique au contact de l’eau de mer est à l’origine de grandes cheminées qui peuvent mesurer jusqu’à 60 m de hauteur. Leur découverte, à 2 500 m de fond le long de la dorsale des Galápagos, a été surprenante d’un point de vue biologique puisqu’elle a permis de mettre en évidence toute une faune à des profondeurs que l’on croyait dépourvues de vie en raison de l’absence de lumière et de ressources alimentaires limitées. Les premières études à la fin des années 1970 ont rapidement montré que la vie ne reposait donc pas uniquement sur la photosynthèse. Les chercheurs avaient découvert un écosystème dont la chaîne alimentaire est basée sur un processus encore peu connu, la chimiosynthèse. Dit autrement, les micro-organismes présents dans ces lieux sont capables de produire de la matière organique à partir de carbone inorganique en utilisant l’oxydation d’éléments réduits tels que le sulfure d’hydrogène (H2S) ou le méthane (CH4), comme source d’énergie. Ces micro-organismes vivent sous formes libres, dans le fluide ou sous forme de tapis (on parle de biofilms), mais aussi en symbiose avec des macro-organismes comme des vers tubicoles, des moules ou des crevettes.

Subaqua La vie abonde donc dans les abysses ?

M. Matabos Oui ! Cette découverte et les expéditions qui vont suivre vont clairement révéler une biodiversité unique et inconnue avec la description de centaines de nouvelles espèces pour la majorité endémiques (c’est-à-dire juste présentes là).

Ceci est un extrait du Dossier paru dans le numéro 276 Abonnez-vous

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