ESPACES MARITIMES DROIT ET LÉGISLATION

le 06/11/2018 publié dans le N°281 de Subaqua
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Philippe Rousseau
par Philippe Rousseau

L’instructeur national Philippe Rousseau est bien connu des lecteurs de Subaqua pour ses articles sur l’histoire de la plongée dont il dévoile des pans totalement méconnus. Au-delà du collectionneur passionné, c’est également un ancien officier de Police judiciaire qui a eu en charge la formation des plongeurs de la Police nationale avant d’intégrer la Police aéronautique de la DCPAF où il a été pilote d’avions et d’hélicoptères. Cet expert près les tribunaux en techniques et investigations subaquatiques se penche en juriste et en plongeur sur l’espace maritime qui nous entoure. Photos DR.

Les mers et les océans recouvrent les 7/10es de la surface de la planète, soit environ 350 millions de kilomètres carrés. Les fosses les plus profondes connues actuellement dépassent les 11 000 mètres. En répartissant sur une profondeur uniforme les 1 milliard 300 millions de kilomètres cubes d’eau salée que contiennent les océans, on obtiendrait une profondeur moyenne d’environ 4 000 mètres. Les parties accessibles aux plongeurs autonomes sur le sommet des plateaux continentaux sont donc infimes !

La France est la seconde puissance maritime mondiale, juste après les États-Unis d’Amérique, avec des espaces maritimes de près de 11 millions de kilomètres carrés, principalement outre-mer. Dans un futur proche, cette superficie pourrait encore augmenter d’un million de kilomètres carrés avec les demandes déposées au titre de l’extension du « plateau continental ». Dans ces espaces maritimes, les enjeux géostratégiques sont divers et considérables : ressources énergétiques et minérales, nodules polymétalliques, ressources halieutiques, circulation et protection du littoral et de l’environnement, sûreté maritime et portuaire, lutte contre la piraterie, le contre-terrorisme maritime, contrôle de l’immigration, etc. D’ailleurs, la France a été l’un des acteurs majeurs dans la négociation de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer.

Le droit de la mer constitue l’une des branches les plus anciennes du droit international public. Le principe de la liberté de la haute mer remonterait au XVIIe siècle avec l’ouvrage « Mare Liberum » (« De la liberté des mers ») de Hugo Grotius (1583 – 1645), juriste des Provinces Unies (Pays-Bas). Plus récemment, la judiciarisation de la société française s’est évidemment étendue aux activités en mer. Les procédures de police judiciaire se sont ainsi multipliées, la police judiciaire s’inscrivant dans le prolongement répressif de la police administrative et des polices spéciales.

La logique zonale de principe

Juridiquement, les espaces maritimes sont constitués :

> des « eaux maritimes intérieures » : baies, rades, ports, estuaires, lagunes. Le droit y est le même que sur la terre ferme ;

> de la « mer territoriale » (MT) : ce sont les 12 milles nautiques* (environ 22 kilomètres) depuis la côte, c’est-à-dire depuis la « laisse de basse mer » ou la « ligne de base droite ». Cette zone est sous la souveraineté complète de l’État, mais libre de droit de passage inoffensif pour tous les navires civils et militaires ;

> de la « zone contiguë » (ZC) : elle va de la limite de la « mer territoriale », soit de 12 milles nautiques, jusqu’à 24 milles nautiques (environ 44 kilomètres). L’État n’y exerce qu’une souveraineté partielle : sécurité, répression des trafics, droit de poursuite, domaine douanier, domaine fiscal, domaine sanitaire, contrôle de l’immigration ;

> de la « zone économique exclusive » (ZEE) : elle s’étend depuis la côte, c’est-à-dire depuis la « laisse de basse mer » ou la « ligne de base droite », jusqu’à 200 milles nautiques (environ 370 km). Elle offre une liberté totale de navigation mais son exploitation économique est réglementée par l’État riverain (eaux, fonds, sous-sols). Une extension de la ZEE est possible de 200 à 350 milles nautiques, à condition que les fonds marins soient un « plateau continental », ou jusqu’à 100 milles nautiques de l’« isobathe » (courbe de profondeur joignant des points d’égale profondeur) 2 500 m ;

> de la « haute mer » (HM) ou espace maritime international : elle n’appartient à personne et est insusceptible d’appropriation.

L’action de l’État en mer (AEM)

espaces maritimes 3

Cela pourrait sembler simple, mais les problématiques sont particulièrement complexes. Pour faire face à ses obligations régaliennes, l’action de l’État en mer est basée sur la coordination étroite entre le ministère de la Défense (Marine nationale et Gendarmerie nationale) et plusieurs administrations (Affaires maritimes, Douanes françaises, Police nationale/Direction centrale de la Police aux frontières, Sécurité civile).

Dans la continuité de l’Ancien Régime, le Consulat a créé en 1800 la fonction de préfet maritime, confiée à l’autorité militaire et dotée de pouvoirs définis par l’Ordonnance de 1828. Les préfets maritimes sont aujourd’hui des officiers généraux de la Marine nationale (habituellement un vice-amiral d’escadre/4 étoiles), placés directement sous l’autorité du Premier ministre, via le secrétariat général de la Mer, sans dépendre hiérarchiquement du ministre de la Défense. Ils sont, pour leur part, l’autorité unique de la coordination administrative et opérationnelle de toutes les administrations concernées par l’action de l’État en mer. Ils ont même la capacité d’agir, si besoin est, en haute mer, en dehors des eaux sous juridiction française. Une fonction beaucoup plus récente de « préfets de façade » est censée coordonner les actions conjuguées des préfets territoriaux et des préfets maritimes lors du déclenchement d’opérations de très grandes envergures, notamment en matière de catastrophes.

La « fonction garde-côtes »

La République française ne dispose pas d’une administration spécifique de garde-côtes, comme beaucoup d’autres pays s’en sont dotés. Elle remplace cette carence par une « fonction garde-côtes » qui s’articule autour de la mutualisation des moyens humains et matériels avec une coordination en mer des actions. Chaque administration participe, avec ses spécificités, à la « fonction garde-côtes » dans le cadre de l’action de l’État en mer, sous l’autorité des préfets maritimes. Mais la multiplication des acteurs est pourtant un frein évident à la cohérence de l’ensemble du système.

Cinq domaines prioritaires ont néanmoins été définis : ……………

Si vous voulez en savoir PLUS

Retrouvez ici toutes les références et commentaires des textes relatifs à cet article. Leur contenu intégral est disponible sur un portail informatique du type « legifrance ».

LES ESPACES MARITIMES: LIens utiles

Voici les références des textes qui ont servi à l’écriture de l’article sur les espaces maritimes de Philippe Rousseau. Vous pouvez facilement retrouver le contenu intégral de chacun de ces textes en passant par un portail informatique du type « legifrance ».

- Loi n° 71-1060 du 24.12.1971 relative à la délimitation des eaux territoriales françaises (J.O. du 30.12.1971),

- 5e version de la Convention internationale pour la sauvegarde de la vie humaine en mer du 1.11.1974,

- Décret n° 78-272 du 9.03.1978 relatif à l’organisation des actions en mer de l’État (J.O. du 11.03.1978),

- Convention des Nations-Unies sur le droit de la mer, signée le 10.12.1982 à MONTEGO BAY (Jamaïque), la France ayant ensuite ratifié cette Convention en 1996,

- Instruction du 15.03.1984 sur la sûreté et la sécurité des ports maritimes de commerce,

- Loi n° 89-874 du 1.12.1989 relative aux biens culturels maritimes et modifiant la Loi n° 41-4011 du 27.09.1941 relative à la réglementation des fouilles archéologiques (J.O. du 5.12.1989),

- Loi n° 94-589 du 15.07.1994 relative aux modalités de l’exercice par l’État de ses pouvoirs de contrôle en mer (J.O. du 16.07.1994),

- Arrêté du 4.01.1996 portant création et organisation du département des recherches archéologiques subaquatiques et sous-marines (J.O. du 11.01.1996),

- Arrêté du 8.02.1996 relatif aux biens culturels maritimes (J.O. du 20.02.1996),

- Arrêté du 16.12.1998 érigeant le département des recherches archéologiques subaquatiques et sous-marines en service à compétence nationale (J.O. du 30.12.1998),

- Décret du n° 2004-112 du 6.02.2004 relatif à l’organisation de l’action de l’État en mer (J.O. du 7.02.2004),

- Décret n° 2005-1514 du 6.12.2005 relatif à l’organisation outre-mer de l’action de l’État en mer (J.O. du 8.12.2005),

- Arrêté du 22.03.2007 établissant la liste des missions en mer incombant à l’État dans les zones maritimes (J.O. du 24.03.2007),

- Décret n° 2010-130 du 11.02.2010 relatif à l’organisation et aux missions des directions interrégionales de la mer (J.O. du 12.02.2010),

- Décret n° 2010-834 du 22.07.2010 relatif à la fonction garde-côtes (J.O. du 23.07.2010),

- Loi n° 2011-13 du 5.01.2011 relative à la lutte contre la piraterie et à l’exercice des pouvoirs de police de l’État en mer (J.O. du 6.01.2011),

- Conseil interministériel de la Mer du 10.06.2011,

- Décret n° 2011-919 du 1.08.2011 relatif au centre opérationnel de la fonction garde-côtes (J.O. du 3.08.2011),

- Arrêté du 27.09.2011 relatif à la composition et au fonctionnement des conseils maritimes de façade (J.O. du 7.10.2011)

- Décret n° 2012-166 du 2.02.2012 portant désignation des autorités administratives compétentes en matière d’accueil dans les ports des navires ayant besoin d’assistance (J.O. du 3.02.2012),

- Décret n° 2012-210 du 16.02.2012 relatif à la stratégie nationale pour la mer et le littoral et aux documents stratégiques de façade (J.O. du 17.02.2012),

- Décrets n° 2015-1180 à 2015-1183 du 25.09.2015 fixant les limites extérieures du plateau continental de la France (J.O. du 17.09.2015),

- Ordonnance n° 2016-1687 du 8.12.2016 relative aux espaces maritimes relevant de la souveraineté ou de la juridiction de la République française (J. O. du 9.12.2016),

- Article L. 532-1 du Code du Patrimoine : « Constituent des biens culturels maritimes les gisements, épaves, vestiges ou généralement tout bien qui, présentant un intérêt préhistorique, archéologique ou historique, est situé dans le domaine public maritime ou au fond de la mer dans la zone contiguë. »,

- Article L. 532-2 du Code du Patrimoine : « Les biens culturels maritimes situés dans le domaine public maritime dont le propriétaire n’est pas susceptible d’être retrouvé appartiennent à l’État. Ceux dont le propriétaire n’a pu être retrouvé, à l’expiration d’un délai de 3 ans suivant la date à laquelle leur découverte a été rendue publique, appartiennent à l’État. Les conditions de cette publicité sont fixées par décret en Conseil d’État. »,

- Article L. 532-3 du Code du Patrimoine : « Toute personne qui découvre un bien culturel maritime est tenue de le laisser en place et de ne pas y porter atteinte. Elle doit, dans les 48 heures de la découverte ou de l’arrivée au premier port, en faire la déclaration à l’autorité administrative. »,

- Article L. 532-4 du Code du Patrimoine : « Quiconque a enlevé fortuitement un bien culturel maritime du domaine public maritime par suite de travaux ou de toute autre activité publique ou privée ne doit pas s’en départir. Ce bien doit être déclaré à l’autorité administrative dans le délai fixé par l’article L. 532-3. Il doit être déposé auprès de celle-ci dans le même délai ou tenu à sa disposition. »,

- Article L. 532- 12 du Code du Patrimoine : « Les articles L. 532-3 à L. 532-5 et L. 532-7 à L. 532-9 sont applicables aux biens culturels maritimes situés dans la zone contiguë comprise entre 12 et 24 milles marins mesurés à partir des lignes de base de la mer territoriale, sous réserve d’accords de délimitation avec les États voisins. »,

- Article L. 544-5 du Code du Patrimoine : « Le fait, pour toute personne, d’enfreindre les obligations de déclaration prévues au 2e alinéa de l’article L. 532-3 ou à l’article L. 532-4 est puni d’une amende de 3.750 euros. Est puni de la même peine le fait, pour toute personne, d’avoir fait auprès de l’autorité publique une fausse déclaration quant au lieu et à la composition du gisement sur lequel l’objet déclaré a été découvert. »,

- Article L. 544-6 du Code du Patrimoine : « Le fait, pour toute personne, d’avoir fait des prospections, des sondages, des prélèvements ou des fouilles sur des biens culturels maritimes ou d’avoir procédé à un déplacement de ces biens ou à un prélèvement sur ceux-ci en infraction aux dispositions du 1er alinéa de l’article L 532-3 ou des articles L. 532-7 et L. 532-8 est puni d’une amende de 7.500 euros. »,

- Article L. 544-7 du Code du Patrimoine : « Le fait, pour toute personne, d’aliéner ou d’acquérir un bien culturel maritime enlevé du domaine public maritime ou du fond de la mer dans la zone contiguë en infraction aux dispositions des articles L. 532-3, L. 532-4, L. 532-7 et L. 532-8 est puni d’un emprisonnement de 2 ans et d’une amende de 4.500 euros. Le montant de l’amende peut être porté au double du prix de la vente du bien. La juridiction peut, en outre, ordonner la diffusion de sa décision dans les conditions prévues par l’article 131-35 du Code Pénal. »,

- Article 224-6 du Code Pénal : « Le fait de s’emparer ou de prendre le contrôle par violence ou menace de violence d’un aéronef, d’un navire ou de tout autre moyen de transport à bord desquels des personnes ont pris place, ainsi que d’une plate-forme fixe située sur le plateau continental est puni de 20 ans de réclusion criminelle. »,

- Article 224-6-1 du Code Pénal : « Lorsque l’infraction prévue à l’article 224-6 est commise en bande organisée, la peine est portée à 30 ans de réclusion criminelle. »,

- Article 224-7 du Code Pénal : « L’infraction définie à l’article 224-6 est punie de la réclusion criminelle à perpétuité lorsqu’elle est accompagnée de tortures ou d’actes de barbarie ou s’il en est résulté la mort d’une ou de plusieurs personnes. »

Ceci est un extrait du Dossier paru dans le numéro 281 Abonnez-vous

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