Jacques Bréchaire : le goût du palet !

le 02/02/2013 publié dans le N°246 de Subaqua
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Pierre Martin-Razi
par Pierre Martin-Razi

Notre interview de Jacques Bréchaire tombe au quart de poil : l’équipe de France masculine de hockey subaquatique dont il est l’entraîneur rentre tout juste d’Afrique du Sud où elle a fait carton plein en remportant l’ensemble des matchs. Et vaincre par deux fois l’équipe d’une nation vice-championne du monde constitue un heureux présage pour les prochains championnats du monde organisés en Hongrie du 23 août au 1er septembre prochains. Alors que la question de l’accession du hockey subaquatique au statut de sport de haut niveau est plus que jamais d’actualité, évoquer l’un des athlètes parmi les plus emblématiques de la discipline est une évidence. Le portrait d’un des kings de la crosse par Pierre Martin-Razi.

Disons le tout net : dans la famille Bréchaire, on place la pratique du sport et, de manière concomitante, la FFESSM, au plus haut de ses préoccupations !

  • Dans la catégorie ”grand frère” je demande Joël, le président de la commission nationale de pêche sous-marine à laquelle il a su redonner une indéniable dimension respectueuse et contemporaine après la suppression des compétitions en 2008… 

  • Dans la catégorie cadet, je demande Jacques, actuel entraîneur de l’équipe masculine tricolore de hockey subaquatique, joueur toujours en activité, dont les titres en championnat de France, championnat d’Europe et championnat du monde constituent, comme nous le verrons, une vraie litanie. Le plus simple serait plutôt d’évoquer ce qu’il n’a pas eu : un titre de champion du monde master. Mais il garde l’espoir ! 

Que Joëlle, son épouse, ait elle-même été championne d’Europe de hockey en 1993 ne fait que confirmer notre propos. Bon sang ne sachant mentir, leurs trois filles lorgnent également les podiums. Certes en judo… Mais après tout, n’est-ce pas le père de la plongée sportive, le cdt Yves le Prieur qui en a introduit la pratique en France au début du siècle dernier ?

À 16 ans, l’aînée Marine a rejoint le pôle France et terminé 3e au championnat de France. À 14 ans, la cadette Manon est déjà championne du Morbihan et vice-championne de Bretagne. Reste Margaux, la petite dernière qui devra confirmer l’adage de jamais deux sans trois !

Laissons le temps au temps et revenons à Jacques et à sa longue et protéiforme carrière dans le hockey subaquatique tricolore…

Ne fais pas comme papa !

 

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Jacques est né à Rennes le 15 juillet 1965, la veille de l’inauguration du tunnel sous le Mont-Blanc et deux jours précisément après qu’une loi ait autorisé les femmes françaises à travailler sans avoir le consentement de leur mari. Cela n’a strictement aucun rapport avec le hockey sub, évidemment, mais l’on gagne toujours à resituer l’époque…

En grandissant et comme bien des enfants de son âge, Jacques pratique la natation durant l’année scolaire. Puis, les grandes vacances venues, toute la famille se retrouve à Noirmoutier pour le long congé estival. Là, entre les journées à la plage et la pêche à pied, papa décide que la mer est un peu fraîche et qu’une combinaison, tout de même, c’est un peu mieux… Voici donc notre patriarche dignement équipé d’un vêtement Spiro doublé moquette…

L’essai n’est pas concluant (Jacques évoque une presque noyade) et voilà Joël et Jacques dépositaires du précieux accessoire voué aux gémonies par papa. Un signe du ciel ! Joël s’habille (la veste est un peu grande…) et se lance dans la pêche sous-marine avec le succès que l’on sait. Jacques le suit en grelottant des heures durant. Les crabes n’y trouvent peut-être pas leur compte mais lui y gagne une bonne nature, une solide santé, un rude entraînement, une excellente connaissance du poisson et une apnée qui trouveront à pleinement s’appliquer dans les années futures…


  • La découverte du hockey sub

    Outre la natation, Jacques pratique également le judo. Il entrevoit même la section sport études mais préfère finalement rester dans sa bonne ville bretonne. À 16 ans, il intègre le Rennes sports sous-marins où il découvre le hockey sub. Le club est alors présidé par Yannick Morin qui sait insuffler à cette activité naissante un air porteur. Notons au passage que Yannick est l’actuel président de la commission nationale de hockey sub…

    Pendant quatre ou cinq ans, Jacques reste au RSSM. Il participe même au 1er championnat de France organisé en 1982 et obtient, toujours avec l’équipe bretonne, une prometteuse 4e place lors du championnat national à Nantes en 1986. C’est à cette période qu’il intègre les pompiers de Paris et se retrouve champion de France de… rugby en Fédérale 1.

    Les titres ne font que commencer et, sans connaître la maison de Jacques, nous pouvons y supposer de longs rayonnages accueillant un certain nombre de coupes ! Car, avant d’évoquer les places magistrales en hockey, il convient de citer en passant un titre de champion de France en double de pêche sous-marine, obtenu avec Jean-Pierre Juges à Saint-Malo en 2001 ou encore deux victoires consécutives (dont de l’aveu même de Jacques, il est très fier) dans la traversée de l’Oise à la nage. Comme la compétition se déroule en maillot de bain juste avant Noël, on peut supposer que les séances de pêche passées à grelotter derrière Joël ont payé !

  • Une incroyable collection

    En 1986, Jacques intègre le club d’Asnières alors en 3e division. Trois ans plus tard, le club est en 1re division et termine bientôt vice-champion de France.

    Dans le même temps, l’équipe de France accueille Jacques dans son rang. Il participe au championnat d’Europe de 1991 qui a lieu à Charleroi en Belgique. La France est troisième… Déménageant dans les Yvelines, Jacques rejoint alors le club de hockey du Chesnay. Il y reste 7 ou 8 ans et glane 4 ou 5 titres (sic !) de champion de France, une place de troisième au championnat d’Europe de 1991 à Sheffield et deux titres européens en 95 à Amersfoort en Hollande puis en 97 à Reims. En 1998, à San José aux USA, c’est la consécration. L’équipe de France est championne du monde ! Jacques Bréchaire en est le vice-capitaine… Devenu coach, il décrochera de nouveau l’or en 2008 à Durban…

    Étonnamment modeste, franchement pragmatique, Jacques Bréchaire, reconnaît ”qu’à cette époque, le hockey subaquatique n’avait pas encore la maturité qu’il possède aujourd’hui. Une ou deux individualités brillantes pouvaient facilement faire gagner une équipe…” ce qui n’est plus exactement le cas à l’heure où nous bouclons ces lignes, surtout chez les hommes…

    Après son passage à Asnières, Jacques revient au Rssm pour deux années. Le club remonte en 1re division et se classe 4e au championnat de France à Villejuif en 2001.

    Puis le club de Fontenay-Trésigny l’accueille après ces deux années en pays rennois. Il y est encore aujourd’hui. Depuis lors, l’équipe de Fontenay a remporté cinq titres nationaux… Le club est également 8 fois champion d’Europe en coupe d’Europe des clubs… Une paille !

    Un break entre 98 et 99 et Jacques se colore d’argent lors des mondiaux à Hobart en 2000. Petit constat en passant : à la triste exception de 2010, une année sombre pour les équipes nationales qui finissent toutes deux quatrième, l’équipe de France masculine n’est jamais restée au pied des podiums lors des championnats du monde…

  • Le temps des semailles

    De toutes ces années passées à jouer, Jacques en a conçu une vraie passion doublée d’une analyse critique affûtée. Devenu assistant entraîneur puis entraîneur, il s’occupe de l’équipe de France masculine dès 2002. Mais il lui arrive encore souvent d’intégrer une équipe comme joueur pour se maintenir au niveau. C’est notamment ce qu’il fait en 2002 à Calgary, lors du mondial pour remplacer au pied levé un joueur blessé…

    Après le succès masculin aux Mondial de Durban en 2008, il s’occupe de l’équipe nationale féminine puis revient en 2012 à l’équipe masculine… Son but ? Les championnats du monde en Hongrie cet été. Sa recherche ? La tactique, le choix du jeu. Le hockey sub est un sport de contact puissant qui a aujourd’hui beaucoup évolué. Désormais, les hockeyeurs évitent de conserver le palet et l’on s’appuie davantage sur le jeu collectif même si le façonnage des joueurs constitue l’une des tâches essentielles de l’entraîneur. Sa pratique du rugby est, de ce point de vue, déterminante. Mais Jacques regarde aussi vers d’autres sports collectifs comme le hockey sur gazon. Son credo ? ”Il faut sortir !

    Ainsi, le débat autour de l’accueil des étrangers dans les équipes est-il pour lui un faux problème. Les échanges ne peuvent être qu’enrichissants et si nous accueillons des joueurs étrangers (2 sur 12 au maximum), les Français vont également jouer avec des clubs hors de nos frontières. Lui-même a intégré l’équipe de Leeds pendant deux ans et fini vice-champion d’Angleterre ! En outre, Jacques considère que l’apport de joueurs étrangers évite la fragilisation des clubs qui ont parfois du mal à conserver leurs meilleurs éléments. Il a toutefois conscience que, si ces joueurs possèdent effectivement un passeport européen, ils ne travaillent pas dans le pays d’accueil comme le voudrait l’arrêt Bosman. ”Mais ajoute-t-il, la balle n’est pas dans mon camp !« 


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Une implication totale

  • Le hockey est, pour Jacques, un sport comparable au squash : des efforts intenses, répétitifs, très dynamiques. Son entraînement s’effectue sur quatre séances hebdomadaires, deux de hockey pur, une de nage et une dernière consacrée au vélo ou au jogging. 

  • En haut niveau, ces quatre séances doivent être complétées par deux de musculation. Si l’on ajoute à cela son activité d’entraîneur, l’emploi du temps de Jacques, s’apparente à celui d’un ministre ! Qu’on juge un peu.

Chaque année, quatre ou cinq stages d’équipe de France sont organisés. Il faut y ajouter deux à trois semaines de déplacement à l’étranger pour les championnats internationaux sans oublier le championnat de France et une dizaine de week-ends consacrés à la région et à la formation (nous avons oublié de mentionner que Jacques est également arbitre régional…).

Bref, il convient pour cela d’être l’époux d’une femme très conciliante… Jacques Bréchaire en convient et apparaît comme un homme heureux !

Le hockey français privilégié

Initiateur d’apnée, moniteur de pêche sous-marine, N4 de plongée scaphandre, les sports sous-marins sont pour Jacques Bréchaire une ligne de vie, une source d’équilibre essentielle. Ils sont aussi indissociables d’une pratique fédérale. Et cette appartenance à la FFESSM lui donne le sentiment d’être un privilégié.

Il a conscience que le déplacement des équipes nationales représente pour tous les licenciés un effort financier considérable et que les hockeyeurs tricolores doivent s’en montrer dignes.

Ainsi, confie-t-il, lorsque l’on voit les Africains du Sud ou les Anglais financer leurs déplacements en faisant des crédits personnels, nous ne pouvons que nous réjouir d’appartenir à une fédération forte. Il n’y a pas en France de sélection par la richesse…

Alors l’idée d’un hockey subaquatique devenu sport de haut niveau ne peut que le séduire ”à la condition précise-t-il qu’il ne soit pas pourri par l’argent. Cela déboucherait, peut-être, sur un mini-pôle espoir et, en tout cas serait un moyen pour Yannick Morin et Laurent Dubosc de structurer mieux encore la discipline”.

En attendant, l’objectif d’Eger cet été en Hongrie, est pour Jacques Bréchaire d’humblement faire un podium. Nous le soupçonnons malgré tout de lorgner fortement vers la plus haute marche… Bon vent !

P. M.-R.

Ceci est un extrait du Dossier paru dans le numéro 246 Abonnez-vous

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