J’observe la vie marine et je m’interroge « Voir, comprendre, aimer, respecter » épisode 6

le 29/08/2019 publié dans le N°286 de Subaqua
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Jacques Dumas
par Jacques Dumas

Jacques Dumas observe la vie marine. Dans ce sixième épisode, il s’interroge sur ce que sont les salpes, les comatules, les méduses, l’œil de Sainte-Lucie ainsi que sur la reproduction de certaines espèces.

>  Mon moniteur m’a dit que ce sont des salpes, mais c’est quoi des salpes ?

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Pegea confoederata… © V. Maran

Ces animaux font partie des tuniciers appelés parfois communément ascidies. Les salpidés sont des tuniciers pélagiques (c’est-à-dire qui vivent en pleine eau) dont l’unique famille de l’ordre est appelée salpe. Ces étranges masses gélatineuses transparentes pompent l’eau afin de filtrer le plancton nourricier. Ne nous laissons pas abuser par les apparences : ce ne sont pas des méduses mais leur complexité les apparente bien plus aux vertébrés : en effet, ils disposent d’un cœur et d’un système nerveux primitifs, et surtout leur larve possède une ébauche de colonne vertébrale. Parmi nos rencontres de palier, voyons quelques représentants de cette famille :

• La salpe Thétys (Thetys vagina) est la plus grande des espèces, avec sa forme de tonnelet elle peut atteindre 30 cm de long. On remarquera le siphon buccal à l’arrière du dos avec deux lèvres et les deux appendices terminaux dans le prolongement du corps.

• La salpe Pégée (Pegea confoederata) se distingue par ses siphons en forme de fentes diamétralement opposés, siphon buccal inhalant en haut et siphon exhalant plus petit en bas. Mais ce que le plongeur verra le plus par transparence est la boule orange correspondant au système digestif. Celui-ci comprend à la fois l’estomac, l’intestin et les glandes digestives. C’est grâce à des bandes musculaires le long du corps que l’animal contracte son corps afin de créer un courant d’eau lui permettant de se déplacer. La pégée existe en forme individuelle libre ou en forme de double chaîne en spirale.

Pourquoi des formes individuelles et des chaînes ? Cela correspond au cycle de vie. Après le développement de l’œuf de façon sexuée, la première génération est solitaire (taille 8-12 cm), et c’est ensuite par bourgeonnement le long d’un stolon (tige rampante qui se fixe sur le fond par diverses protubérances) que sont produits les individus de deuxième génération qui restent agrégés en chaînes (taille de chaque individu 10-15 cm). Ils grandissent formant alors des chaînes simples, repliées ou en spirale de plusieurs dizaines de centimètres de long. Chaque individu sera lors capable de se reproduire de façon sexuée, etc. Ils changent de sexe au cours de leur vie et débutent par le stade femelle. Une chaîne est facile à dissocier, certainement l’avez-vous déjà remarqué lors d’un coup de palme malencontreux…

Ce mode de reproduction asexuée est réputé le plus rapide du monde vivant car tout se passe en quelques jours. Nombre de méduses, arthropodes amphipodes, poissons, tortues, oiseaux se délectent de ces mets gélatineux.

>  C’est un bar ou c’est un loup ?

Il s’agit de l’espèce Dicentrarchus labrax. Mais nous observons des bars en Atlantique et des loups en Méditerranée, aussi bien dans la mer que chez le poissonnier alors certains affirment qu’il s’agit de deux espèces différentes et d’autres non. Qui a raison ?

Il y a bien deux populations : l’une, « le bar » vivant en Atlantique et l’autre « le loup » vivant en Méditerranée. Les chercheurs ont démontré qu’il y a bien une différence génétique entre les deux populations. Mais, malgré cette différence, on ne peut pas dire que ce sont deux espèces différentes. Mais pourquoi ? Parce que ces deux espèces peuvent s’hybrider ensemble tout en maintenant leur identité propre car leurs patrimoines génétiques sont partiellement incompatibles. Une étude chromosomique fine des gènes des deux populations a démontré que certaines zones du génome sont quasiment identiques alors que d’autres sont très différenciées. Les zones différenciées représentent un tiers du génome soit des gènes qui ne peuvent se combiner entre bar et loup car elles seraient non compatibles et sont donc éliminées par sélection génétique naturelle, alors que les deux tiers des autres gènes peuvent circuler librement entre les deux populations.

Conclusion : ni une ni deux espèces mais deux « semi-espèces », « deux espèces en une »…

> À quoi servent les barbillons que possèdent certains poissons ?

Rougets_barbillons

Ces filaments, appelés « barbillons » placés de chaque côté de la bouche permettent aux poissons qui en sont dotés de disposer d’organes sensoriels équivalents un peu à nos papilles gustatives, mais pas uniquement. Ils sont aussi tactiles et sensibles aux mouvements d’eau et aux variations de température. Et des cils positionnés en surface des cellules sensitives déclenchent l’excitation des cellules lorsqu’il y a un courant, comme c’est le cas de la ligne latérale, dont on imagine qu’ils seraient une sorte de prolongement. Rougets, mostelles, grondins, poissons-chats, morues, silures… de nombreux poissons vivant sur le fond et tout spécialement sur les fonds sédimentaires en sont pourvus. Il est commun de voir les rougets utiliser leurs barbillons pour remuer les sédiments superficiels à la recherche de leur nourriture.

>  C’est quoi une comatule ?

Les comatules sont des crinoïdes au squelette articulé avec des bras flexibles utiles pour capturer les micro-algues, larves et crustacés du plancton dont elles se nourrissent. Leur apparence les rapproche des étoiles de mer avec beaucoup plus de bras très fins et des sortes de griffes en dessous. Elles s’en distinguent car au minimum au stade larvaire elles possèdent un pédoncule, puis une fois adultes elles peuvent nager. Mais aussi, le corps est en forme de calice entouré de cinq bras primaires et des bras terminaux ramifiés. Vous l’avez compris parmi les six cent cinquante espèces de crinoïdes, les comatules font partie de celles qui perdent leur pédoncule à l’âge adulte. Cette attache perdue, elle est remplacée par des griffes mobiles que l’on nomme cirrhes, qui leur permettent de s’accrocher sur les roches, gorgones, algues… Ces bras peuvent se sectionner entre les articulations, un peu comme font les lézards volontairement pour fuir un prédateur. Rassurez-vous, ils se régénèrent très vite, en quelques semaines. La structure très calcifiée de ces animaux les rend presque impropres à la consommation, ce qui fait que peu de prédateurs s’y intéressent. Néanmoins ceux qui ont la « dent dure » comme les balistes, sars, daurades, tétrodons, crabes… en consomment parfois faute de mieux. La reproduction de type sexuée se fait par rencontre des gamètes dans l’eau pour former une larve qui se fixera au substrat par le pédoncule. Des changements morphologiques mèneront plus tard à la séparation du pédoncule.

En Méditerranée nous rencontrons communément différentes espèces dont la comatule de Méditerranée (Antendon mediterranea), la comatule profonde (Leptometra phalangium), et la comatule commune (Antedon bifida). Bien sûr, on en trouve des espèces différentes dans presque toutes les mers de l’espace médian aux abysses. Notez que les formes purement fixées vivent plutôt dans les profondeurs inaccessibles aux plongeurs en scaphandre, au-delà de 200 mètres de profondeur.

>  Est-ce que les méduses nous voient ?

Méduse rhopalies taches blanches bordure d’ombrelle.© J. Dumas

méduse_rhopalies_tâchesblanches_bordured'omrelle_JDumasOui et non. Chez les méduses, les scientifiques qui ont étudié les cuboméduses ont trouvé différents types d’yeux. Certains sont relativement simples et servent essentiellement à capter la lumière.

Ceci est un extrait du Dossier paru dans le numéro 286 Abonnez-vous

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