Le mystérieux U-Boot de Penmarc’h

le 22/10/2021 publié dans le N°298 de Subaqua
Willy Stöwer
Jean-Louis Maurette
par Jean-Louis Maurette

Nul besoin d’aller au bout du monde pour découvrir des épaves historiques remarquables. Nos côtes en recèlent encore une quantité insoupçonnée, souvent à portée de palmes. Jean-Louis Maurette et les membres de l’expédition Scyllias sont justement partis en chasse d’un de ces fameux U-Boote, ces sous-marins allemands qui ont mené la vie dure aux convois alliés dans l’Atlantique dans la première partie de la Seconde Guerre mondiale. C’est cette enquête de longue haleine, menée à la fois à grande profondeur et dans les archives, que raconte ici Jean-Louis Maurette sous la forme d’un passionnant récit. Images Expédition Scyllias (www.scyllias.fr)

La mer est un fabuleux espace dans lequel se dresse un magnifique cabinet de curiosités englouties dont les pièces maîtresses sont des milliers d’épaves toutes aussi remarquables les unes que les autres, tant par leur histoire que par le charme particulier qu’elles dégagent. Encore faut-il trouver leurs adresses qui figurent rarement sur l’annuaire de l’océanographe en herbe !

Panneau d'embarquement arrière des torpilles (2)

Les plongeurs de l’Expédition Scyllias, association dédiée à la localisation de sites présentant un intérêt culturel ou historique, s’intéressaient depuis quelques années déjà à l’existence possible, non loin de Penmarc’h dans le Finistère sud, d’une épave de sous-marin allemand de la Seconde Guerre mondiale.

/// Quelque part au fond de l’Atlantique

Son existence était d’ailleurs confirmée par le SHOM(1) qui indiquait sur une fiche épave datant de 1954 qu’il s’agissait de l’U-618, couché sur le côté par – 80 mètres. La position donnée, précise à plus ou moins 100 mètres, impliquait des recherches pouvant s’avérer fort longues avant de pouvoir localiser l’épave, si tant est qu’elle existait vraiment, ce genre de prospection pouvant réserver bien des déceptions. Que le matricule U-618 était mentionné interpellait également. En effet, les archives précisaient bien que cet U-Boot, un type XII, avait sombré en 1944 avec ses 61 hommes d’équipage, victime de deux frégates britanniques. Mais la position indiquée, N 47° 22’ – W 04° 39’, est assez éloignée de l’épave nous intéressant. Pourtant compétents, les marins du roi George avaient-ils pu mal relever leur position ? Ou peut-être que l’U-618, bien que très endommagé, avait continué à naviguer quelques milles en immersion avant de disparaître à jamais ? Une hypothèse peu probable car les Alliés déclaraient les U-Boote coulés en se basant sur des faits avérés (taches d’huile ou d’essence, objets divers remontant en surface en lien avec la victime). Dans le doute, Alain Gautron, le responsable technique de l’association, questionnait un ami patron-pêcheur au Guilvinec, Mick Quiniou. Il confirmait bien la présence d’une épave près de la position donnée. Ne restait plus qu’à vérifier sur place ce qui se cachait exactement sous les flots de l’Atlantique…

/// À – 84 mètres dans l’obscurité totale…

Alain Gautron prêt à saluer l'U84 photo 2Le 20 juillet 2014 une petite équipe de l’Expédition Scyllias est réunie au port de Saint-Guénolé : Hugues Priol venu de Brest avec son bateau, Alain Vincent Gautron, Jacques Hellec et l’auteur de ces lignes. Les conditions météo sont excellentes, belle mer, peu de vent et un beau soleil. Une journée parfaite pour voguer vers l’aventure. Quelques minutes plus tard nous sommes sur site et un bel écho apparaît immédiatement sur l’écran du sondeur.

Nul doute, une épave de forme allongée repose sur le fond, par – 80 mètres. La gueuse est lancée pour marquer précisément l’endroit de notre descente. Alain dirigera l’explo, Jacques filmera avec une petite caméra et je ferai des photos. Hugues gérera la sécu surface. Qu’allons-nous trouver au fond de l’océan ? Qui se cache derrière cette silhouette fuselée ? Nous basculons vers l’inconnu pour répondre à ces questions, utilisant un trimix pour la partie fond, un nitrox pour la déco et de l’oxygène pur pour le dernier palier.

La descente commence dans le bleu et augure d’une belle plongée. Mais dès – 30 mètres la luminosité baisse, l’eau se charge fortement en particules, puis vers les – 50 mètres, passe au marron. La profondeur augmentant, je finis par n’apercevoir que le bout des palmes du plongeur qui me précède et le bout nous amenant à la gueuse que nous atteignons dans une obscurité totale, à – 84 mètres. Alain fixe le fil d’Ariane et quelques secondes après nous sommes sur l’épave.

/// L’inconnu de Penmarc’h

Une agréable surprise nous attend car nous constatons aussitôt qu’il s’agit bien d’un sous-marin ! Très vite nous arrivons sur le kiosque dont la forme et des détails architecturaux permettent immédiatement d’établir qu’il ne s’agit pas d’un Type VII. Exit l’U-618 !

La trappe d’accès ouverte interpelle et suggère que des hommes auraient pu tenter de s’échapper. Les périscopes sont rentrés dans leurs puits et l’un d’eux est recouvert d’un morceau de filet. Nous tournons rapidement autour de cette partie et continuons notre progression vers ce qui s’avère être l’avant du submersible. Nous passons un panneau circulaire fermé puis tombons en arrêt devant un grand canon à poste sur son affût. Un chalut, dont une grande partie remonte à la verticale tirée par des flotteurs, s’est enroulé sur sa culasse et son frein de recul. Seul le long tube est clairement visible. Plusieurs containers à obus reposent au pied de cette impressionnante pièce d’artillerie dont l’aspect inquiétant est renforcé par la turbidité de l’eau. D’ailleurs, l’absence de luminosité et la mauvaise visibilité, moins de deux mètres, ajoutent une note surréaliste à cette singulière équipée subaquatique. Nous palmons jusqu’au panneau d’embarquement des torpilles avant, survolant les vestiges du pont. Mais à cette profondeur le temps est compté, et nous devons stopper cette première visite.

2 Claus Bergen

Bien entendu, priorité est donnée à l’identification de ce U-Boot. Mais, surprise de taille, l’analyse des images vidéo montre sans conteste que, s’il s’agit bien d’un sous-marin allemand, celui-là date non pas de la Seconde Guerre mondiale, mais de la Première !

Le mystère s’épaissit autour de l’inconnu de Penmarc’h. Si cette découverte n’intéresse pas en France, en Allemagne la nouvelle interpelle. Juergen Weber, ancien commandant d’U-Boote et vice-président d’une association de sous-mariniers allemands, nous contacte pour nous aider. En diffusant l’information autour de lui, peut-être des informations capitales seront obtenues, permettant d’identifier notre sous-marin.

/// Des plongées difficiles

Été 2015. L’Expédition Scyllias reçoit une délégation allemande et organise à Saint-Guénolé une action mémorielle franco-allemande. Il s’agit d’aller déposer en mer une couronne de fleurs à la mémoire de l’équipage allemand disparu et d’apposer sur l’épave une plaque mémorielle, ce qui sera fait le samedi 22 août.

Pour identifier formellement ce U-Boot, de nouvelles plongées d’investigation sont nécessaires. Or l’affaire s’avère difficile car certaines conditions doivent être impérativement réunies.

Ceci est un extrait du Dossier paru dans le numéro 298 Abonnez-vous

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