Les couleurs de la mer blanche

le 30/08/2018 publié dans le N° 280 de Subaqua
Un plongeur à faible profondeur sous la glace - A diver under the ice pack in shallow water
Pascal Kobeh
par Pascal Kobeh

Accessible depuis la Finlande, la mer Blanche se trouve en République de Carélie, pays membre de la fédération de Russie. Là, l’Arctic Circle Diving Center propose de découvrir des fonds d’un autre type, faits de kelp et d’anémones plumeuses où évolue une faune à laquelle nous ne sommes pas habitués. Cela se passe bien sûr sous une solide couche de glace de décembre à avril… Un reportage de Pascal Kobeh.

La mise à l'eau des plongeurs par le trou- The divers are getting in the water through the hole

« Rien n’est facile », me dit Sébastien, mon binôme, en sautillant sur un pied (afin de ne pas tremper l’autre) pour enfiler sa combinaison étanche dans une petite cabane, posée au milieu d’une étendue, blanche qu’un poêle à bois chauffe à bloc. Cette phrase deviendra assez vite notre adage et un bon sujet de rigolade, entre nous, une fois rentrés au centre de plongée, bien au chaud. Elle rend à la fois très mal compte d’une expédition plongée en mer Blanche et reflète assez bien certains moments furtifs de notre séjour sur place.

Une expédition plongée en mer Blanche passe par la Finlande. Même si cela n’a rien à voir avec ce qu’ont pu vivre les explorateurs du passé, le mot expédition n’est pas superflu quand on enregistre les bagages à Paris. Entre le matériel photo, le matériel de plongée auquel se rajoutent combinaisons étanches et vêtements indispensables pour supporter le grand froid, l’amoncellement des sacs me donne déjà des frissons. Et pour l’instant le froid n’y est pour rien. Mais le vol Finnair qui nous a autorisé un bagage supplémentaire en tant que plongeurs se déroule admirablement bien jusqu’à notre destination finale, Kuusamo, ville du nord-est de la Finlande, et notre première étape vers la Carélie qui borde la mer Blanche.

Les 6 à 7 heures de route sur un désert blanc le lendemain, nous permettent d’admirer un paysage de taïga (le plus septentrional) d’Europe. Là où l’état de la route (avec la neige parfois épaisse qui la recouvre) aurait provoqué une paralysie complète de la circulation en France, c’est allégrement à 120/130 km/h que notre véhicule venu de Russie (et muni de pneus à clous il est vrai), attaque indifféremment virages et lignes droites. Ainsi, le poste-frontière de Salla est notre voie d’accès à la Russie, et à Nil’moguba, petit patelin qui abrite le Arctic Circle Diving Center and Lodge, notre destination ultime.

UNE PLONGÉE QUI NE S’IMPROVISE PAS

Un plongeur sous la glace - A diver under the ice pack

Si les bungalows, ou plutôt « isbas » pour rester dans l’air du pays, sont surchauffés, c’est par un gentil -28 °C que nous nous rendons le lendemain matin à notre briefing plongée. La plongée sous glace, sur une mer gelée où ça et là ont été tronçonnés des triangles équilatéraux d’un mètre et demi environ de côté, nécessite des instructions complètes quant à l’équipement et les procédures à suivre. Le centre de plongée, qui se targue d’être à l’avant-garde de tout ce qui concerne la plongée sous glace a mis au point ses propres normes qui font référence dans le domaine. L’emplacement des deux seconds étages sur les premiers étages des détendeurs, le processus de mise à l’eau, la manière dont les plongeurs sont reliés à la surface et entre eux, les façons de communiquer entre la surface et les plongeurs à l’aide du fil d’Ariane, les vérifications nécessaires (ou check-list pour faire plus technique) avant de disparaître sous la surface…, tout est vérifié et répété plusieurs fois. Rien ne s’improvise, car, sous un plafond de glace, dans une eau à -1,3 °C, le moindre incident peut vite tourner à la panique et au drame.

Multiplier les gestes de secours (en cas de givrage du détendeur par exemple) dans l’eau l’après-midi est une autre paire de manches. Ce n’est que lorsque les automatismes sont acquis et maîtrisés, au prix de lèvres insensibilisées tant les échanges d’embouts ont été nombreux, que l’on peut commencer l’exploration. Au risque de casser le suspense, autant annoncer d’emblée que les bélougas (captifs, il faut le préciser), une des grandes attractions du centre, ne sont plus là. Aucune chance d’en voir. Le dernier qui était en dépôt dans le centre a été vendu il y a 3 ans. Alors, il reste l’ambiance sous la glace et la faune (vraiment) sauvages que l’on peut rencontrer.

Le pays des anges

Un papillon de mer

Outre des poissons, tapis çà et là sur un fond de kelp, de nombreux invertébrés, rarissimes pour certains, font le spectacle. Parmi eux, évoluant en pleine eau le petit ange de mer (Clione limacina), un graal de photographe.

Ceci est un extrait du Dossier paru dans le numéro 280 Abonnez-vous

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