Les virus marins sont-ils les régulateurs de l’écosystème et du climat océanique ?

le 23/06/2017 publié dans le N°273 de Subaqua
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Stephan Jacquet
par Stephan Jacquet

Encore mal connus des scientifiques et encore plus du grand public, les virus marins sont pourtant les entités biologiques les plus abondantes de notre planète. On sait aujourd’hui qu’ils ont aussi un rôle prépondérant dans l’état et le devenir des populations planctoniques. En interagissant avec la base de la chaîne alimentaire marine, c’est-à-dire avec le phytoplancton ou les bactéries, c’est finalement tout l’écosystème marin qu’ils régulent. Aujourd’hui on pense même que ces virus peuvent impacter le climat. Éclairage sur ce monde invisible si important par David Demory, Margaux Gobert & Stéphan Jacquet.

La lyse virale : un facteur de mortalité microbienne très important

La plongée est souvent décrite comme l’activité permettant à Homo sapiens de découvrir et d’admirer la diversité des écosystèmes marins. Pourtant, la majorité de la vie océanique n’est pas visible à l’œil nu. En effet, elle est dominée par des organismes microscopiques. Cette communauté microbienne (on parle aussi de microorganismes), bien qu’invisible aux yeux des plongeurs, a pourtant un rôle essentiel dans le fonctionnement des océans et du climat. Elle influence considérablement les cycles de tous les éléments (comme le carbone, l’azote, le phosphore, etc.). Une partie de cette population microbienne est en effet constituée d’organismes photosynthétiques, le phytoplancton, capable d’absorber le CO2, puissant gaz à effet de serre et une cause majeure du réchauffement climatique. Le phytoplancton est donc un acteur clef de la régulation du climat en participant à la « pompe biologique », c’est-à-dire à l’absorption du CO2 par l’océan et le transfert de ce carbone vers les fonds océaniques. On comprend alors l’intérêt d’étudier ces micro-organismes et de comprendre ce qui impacte leur croissance ou leur mortalité.

Margaux Gobert

gaubertAu cours des trois dernières décennies, grâce au perfectionnement des techniques d’observation et d’analyse du monde microscopique, les scientifiques ont mis en évidence l’importance de l’action des virus marins (mais aussi d’eau douce) au sein de la communauté microbienne.

& David Demory

demoryTout d’abord, leur incroyable abondance, qui est en moyenne de 10 milliards de particules virales par litre d’eau de mer (soit à l’échelle de l’océan mondial l’équivalent de 1 030 particules) ! Ils représentent environ 90 % de l’ensemble des particules organiques et leur contenu en carbone équivaudrait à celui de plusieurs centaines de milliers de baleines bleues ! Mis bout à bout à la manière d’un collier de perles, le « bijou » ainsi formé par l’ensemble des virus présents au sein des mers et océans, et en considérant une taille moyenne de 50 à 100 nanomètres par particule, aurait une longueur de 10 millions d’années-lumière (100 fois le diamètre de notre galaxie). Pour rappel, une année-lumière c’est presque 10 milliards de kilomètres ! Que dire aussi de leur incroyable diversité morphologique (Figure 1) et/ou génétique avec, dans certains cas, plusieurs milliers de virus différents présents dans quelques litres d’eau seulement.

Les virus sont vraiment des entités biologiques singulières : ils doivent toujours infecter un ou plusieurs hôtes, une cellule, dont ils vont exploiter la machinerie pour se multiplier et reproduire leur matériel génétique. Ce processus de colonisation s’achève souvent par la mort de la cellule hôte, et la libération dans le milieu environnant de débris divers, de matière organique sous forme de petites particules ou sous forme dissoute, pouvant être réutilisée par d’autres micro-organismes. C’est ce qu’on appelle la lyse virale. Après la mort de leur hôte, le cycle recommence, de nouveaux virus sont libérés, prêts à infecter d’autres cellules. On comprend donc que la lyse virale est un facteur de mortalité du plancton très important et intervient dans la structure et diversification des communautés, si bien que les virus sont considérés comme des acteurs majeurs du fonctionnement des écosystèmes océaniques dans leur ensemble.

L’impact des virus marins sur le climat

Ceci est un extrait du Dossier paru dans le numéro 273 Abonnez-vous

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