Luc Vanrell :  « Nous avons redonné à Saint-Exupéry sa place de héros »

le 22/12/2017 publié dans le N°276 de Subaqua
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Pierre Martin-Razi
par Pierre Martin-Razi

La récente sortie du livre « Saint-Exupéry, révélations sur sa disparition », cosigné François d’Agay, Bruno Faurite, Lino Von Gartzen et Luc Vanrell, nous a incités à rencontrer ce dernier pour l’interroger sur toutes ces années de recherches et d’immersions, autant dans l’eau salée que dans les archives. Cette enquête de longue haleine, une des plus belles histoires de plongée jamais écrite (avec, peut-être, la grotte Cosquer dont Luc Vanrell est le responsable scientifique depuis 2001), a enfin permis de faire toute la vérité sur la disparition de l’auteur du « Petit Prince ». Et s’il reste encore aujourd’hui une toute petite part d’incertitude, elle nous est apparue comme un clin d’œil venu des nuages… Propos recueillis par Pierre Martin-Razi.

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Subaqua Après la sortie en 2008 de « Saint-Éxupéry, l’ultime secret » cosigné avec Jacques Pradel, qu’apporte cet opus sous-titré « Révélations sur sa disparition » ?

Luc Vanrell Quand nous avons bouclé le premier livre avec Jacques, il restait encore beaucoup de zones d’ombre sur toute cette affaire. Aujourd’hui, nous avons la certitude que les vestiges du Ligthning F-5B de Riou, que j’ai retrouvés puis déclarés en 2000, sont bien ceux de l’appareil que pilotait Saint-Exupéry lorsqu’il a disparu le 31 juillet 1944. Nous apportons également un faisceau de preuves qui attestent que l’avion a bel et bien été abattu. Cette certitude lève les derniers doutes sur les causes de la mort de l’auteur du « Petit Prince » que certains, par ignorance ou malveillance, ont pu associer à un suicide ou une erreur de pilotage. L’hypothèse de la panne est également écartée. Non, Saint-Ex est mort en pilote de guerre, en homme engagé, en combattant. D’une certaine manière, nous rétablissons Saint-Ex dans une dimension de héros que l’après-guerre et ses luttes politiques féroces lui avaient ôté. J’avoue qu’avoir contribué à ce rétablissement me rend très fier. À tous ces éléments, il faut ajouter un dernier point tout aussi important à mes yeux. Toute l’enquête sur Saint-Ex et ses extraordinaires rebondissements ont masqué une seconde affaire, peut-être moins médiatique quoique toute aussi importante sur le plan humain…

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Subaqua De quoi s’agit-il ?

Luc Vanrell En recherchant les restes de l’avion de Saint-Ex au large du Grand-Congloué, dans le nord-est de Riou, j’ai repéré un moteur très proche des débris du F-5B qui s’est avéré ne pas être celui du Ligthning. Avec l’aide de Lino von Gartzen et Philippe Castellano, nous avons pu établir qu’il s’agissait de celui d’un Messerschmitt Bf 109 et plus précisément celui que pilotait Alexis, prince de Bentheim et Steinfurt lorsqu’il a été abattu le 2 décembre 1943. Mais l’histoire ne s’arrête pas là !

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Il faut savoir que l’île de Riou, au cœur du parc des Calanques aujourd’hui seulement peuplée de lapins, de gabians et de cormorans, a été habitée par deux pêcheurs et un enfant durant la dernière guerre. Cet enfant était Raoul Amari, devenu à l’âge adulte un champion international de pêche sous-marine et un ami de la famille. Je l’ai évidemment très bien connu. Et je me suis souvenu qu’à la fin des années quatre-vingt, il m’avait raconté que tous trois avaient failli être tués par la chute d’une verrière de cockpit d’avion alors qu’ils pêchaient. Il m’avait également raconté la singulière trouvaille d’un pilote de chasse qui flottait mort, accroché à sa Mae West, derrière le Grand-Congloué. Quand je me suis remémoré cette histoire de corps récupéré, j’ai d’abord fait le rapprochement avec Saint-Ex, évidemment… Les dates étaient floues et, après tout, cela pouvait tout à fait être lui. Reste qu’un cadavre ne disparaît pas comme ça…

Subaqua Depuis la découverte fortuite de la gourmette de Saint-Ex, toutes ces histoires apparaissent étonnamment imbriquées avec les personnes qu’il faut, au moment et à l’endroit où il faut. C’est juste incroyable…

Luc Vanrell Je crois que l’Histoire entre parfois en résonance. Je raconte dans le livre la façon dont je rêve mes dernières pensées avant de m’endormir et j’évoque ce matin où, en me réveillant, j’ai eu la vision d’une photographie de squelette mis à jour sur l’île de Riou… Mais comment retrouver cette image remontée à la surface de mes souvenirs ? Alors, j’ai fouillé dans la masse de ma documentation jusqu’à retomber sur la photographie publiée dans un livre « Du Côté des Goudes depuis cent millions d’années » écrit par le docteur Lucien Bachelard et édité par le comité du Vieux Marseille en 1986. Cette image illustre la brève évocation de la découverte d’un squelette lors d’une fouille archéologique effectuée par le docteur Georges Albert qui y voyait la dépouille d’un corsaire turc mort au début du XVIe siècle lors d’un assaut de la vigie située en haut de l’île…

Subaqua Rien à voir donc avec le squelette d’un pilote de la dernière guerre, Saint-Ex ou pas ?

Ceci est un extrait du Dossier paru dans le numéro 276 Abonnez-vous

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