PLONGER SOUS LES ÉTOILES AVEC LES ENFANTS DE LA LUNE

le 06/01/2020 publié dans le N°288 de Subaqua
Moussa entreprend des exercices de relaxation et de respiration - Moussa is doing relaxation and breating exercises
Stephan Jacquet
par Stephan Jacquet

Estéban était le fils du Soleil dans le magnifique dessin animé « Les mystérieuses cités d’or », Noah, Faralay, Ismael, Ibrahim, Ezzedine, Rayan, Fatih et Moussa, eux, sont les filles et fils de la Lune. Je les ai rencontrés grâce à Vanessa Grouiller (voir Subaqua n° 283) lors d’un événement exceptionnel, organisé les 23 et 24 août derniers, intitulé « Plonger sous les étoiles » Par Stéphan Jacquet. Photos Stéphan Jacquet et Pascal Kobeh.

Une maladie rare et sans traitement

Tout le groupe des enfants de la lune - The whole group of the children of the moon

Si je vous parle de Xeroderma pigmentosum, quèsaco, allez-vous me dire ? Les plus érudits d’entre vous auront sûrement traduit ces mots latins par « derme sec et pigmenté » et ils auront raison. De là à dire de quoi il s’agit ! Mais, peut-être êtes-vous plus familiers d’un autre vocable, plus joli, plus poétique, celui des « enfants de la Lune » (voir encadré ci-contre). Les enfants de la Lune sont exceptionnels. Ils sont moins de 100 en France, tous porteurs d’une maladie génétique rare, qui rend leur peau si sensible qu’ils ne doivent en aucun cas être exposés aux rayonnements ultraviolets du soleil ou d’autres sources lumineuses qui en contiendraient. Mais de quoi parle-t-on exactement ?

Je ne vous apprends rien, vous le savez déjà, certains rayons du soleil, les ultraviolets (UV), sont nocifs, car ils sont capables de produire des lésions de l’ADN dans les cellules de la peau exposée, ce qui favorise le vieillissement prématuré de notre peau et l’apparition de cancers. Mais l’organisme est bien fait et sait se défendre face aux agressions externes. Ainsi, la peau contient-elle, chez la plupart d’entre nous, son propre système de  réparation des lésions de l’ADN, notamment via la fabrication de protéines protectrices et réparatrices, qui contre-attaquent certains méfaits de notre environnement et les corrigent. Cela nous permet de vivre au soleil et de bronzer l’été, même s’il est indispensable de se protéger au maximum.

Chez les enfants de la Lune, le système de réparation évoqué ci-dessus n’existe pas ou ne fonctionne pas. Les lésions de l’ADN provoquées par le soleil et les UV ne sont pas réparées, ce qui entraîne un vieillissement prématuré de la peau, l’apparition de cancers cutanés très tôt chez les enfants et des lésions des yeux. Le risque de développer un cancer de la peau est d’ailleurs 10 000 fois plus élevé chez les enfants de la Lune que dans la population générale.

Pour lutter contre cette maladie, qui se traduit notamment par une hyperpigmentation caractérisée par des taches (on parle alors de photo dermatose), le seul moyen de prévention aujourd’hui reste de fuir le soleil. Cette photoprotection obligatoire consiste alors à utiliser des vêtements spéciaux qui couvrent l’ensemble du corps (mains incluses), des casques qui filtrent les rayons ennemis et des écrans solaires en grande quantité. Les fenêtres des maisons, des salles de classe, des salles de sport, des piscines, les vitrages des automobiles doivent également être équipés de filtres adaptés pour bloquer le passage des rayons UV.

Pour le moment, seule une équipe de l’Inserm a testé une molécule sur des souris porteuses de la maladie avec des résultats qui semblent très encourageants. Cette molécule est en cours de développement par la biotech ProGeLife (voir encadré ci-dessous) sous la forme d’une crème différente d’un filtre solaire classique. Les premiers essais cliniques chez l’Homme pourraient commencer en 2021. Si cette crème s’avère efficace dans la prévention des lésions de la peau induites par les UV, elle pourrait être commercialisée d’ici cinq ans. La solution à terme pour ces enfants pourrait être la thérapie génique qui consiste à introduire des acides nucléiques (ADN ou ARN) dans les cellules pour y corriger une anomalie, comme une mutation, à l’origine d’une pathologie. Il s’agirait donc ici d’apporter le gène normal et fonctionnel dans les cellules où le gène présent est altéré ou absent. À ce jour, toutefois, on ne dispose pas encore de la technologie qui permette de corriger le gène anormal dans l’ensemble des cellules de la peau chez les enfants de la Lune.

Et la plongée dans tout cela ?

Les deux Ryan s'équipent - Both Ryans are getting ready

Plonger sous les étoiles est le nom d’un projet qui existe depuis 4 ans. Cette année il a été porté par Vanessa Grouiller (coordinatrice du projet, monitrice fédérale et Bathysmed, responsable de la section « jeunes » AURA). Lors de sa formation Bathysmed en mars 2019,

PasK-10862Vanessa a rencontré Frédéric Bénéton, un des co-fondateurs de Bathysmed mais aussi directeur général de ProGeLife une biotech qui développe des médicaments candidats pour lutter contre les maladies rares, en particulier le Xeroderma pigmentosum.

Le protocole Bathysmed, de son côté, a été mis au point entre 2015 et 2019 par des chercheurs, des médecins, et des plongeurs au cours d’essais cliniques menés avec des rescapés d’attentats et des militaires en état de stress post-traumatique. Les résultats, dont certains sont publiés, ouvrent une nouvelle voie thérapeutique dans le domaine de la gestion du stress.

>  Entretien avec Vanessa Grouiller

20190824_193833Comment est née cette initiative de faire plonger les enfants de la Lune ?

Très simplement ! En 2016, Wafa, une amie nous présente son association Enfants de la Lune et le projet de faire plonger ces enfants naît très vite. Depuis trois ans, le partenariat bat son plein avec le CS Bellegarde (CSB), dont je remercie du fond du cœur le bureau et les moniteurs pour leur soutien sans faille. En tant que responsable de la section « jeunes » pour le Codep 01 et le comité Aura, je demande et reçois immédiatement un autre soutien, celui de Bathysmed, afin d’enrichir l’évènement.

Quelques mots justement sur le protocole de plongée Bathysmed ?

Il permet d’acquérir des outils pour réduire le stress, canaliser les émotions envahissantes au moyen de la sophrologie, la méditation de pleine conscience, la PNL ou encore la cohérence cardiaque afin d’apprendre à se connaître et gérer au mieux ses émotions. On arrive alors très rapidement à réconcilier son corps et son esprit, identifier ses sensations, se reconnecter à ses sens. La plongée accompagnée de sophrologie est un outil merveilleux pour se retrouver face à soi-même et de manière équivalente aux autres. C’est aussi ce que j’applique dans ma structure ZEN&O dans laquelle j’accueille enfants et adultes pour les réconcilier avec le milieu aquatique et leur en faire découvrir les bienfaits.

Que proposez-vous aux enfants ?

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S’émerveiller, s’amuser, rencontrer d’autres enfants, vivre des expériences inouïes, venir goûter au monde du silence. Beaucoup n’ont jamais été en contact avec le milieu aquatique avant de venir nous voir, certains ne savent même pas nager. Nous leur proposons la découverte d’un nouveau milieu et la possibilité d’expérimenter de nouvelles sensations en acquérant des outils pour gérer les émotions, le stress, et l’anxiété, afin de vivre plus sereinement au quotidien.

Des adaptations particulières sont-elles nécessaires ?

Il faut, bien sûr, s’assurer de toute la logistique pour que les enfants soient protégés physiquement (en testant toutes les vitres et lumières par exemple) et mentalement (pour faire diminuer au mieux cette hypervigilance qui fait partie de leur quotidien).

Selon le handicap moteur ou sensoriel (malvoyant ou malentendant), il faut un masque facial ou mettre en place des explications spécifiques visuelles ou tactiles.

Une suite est-elle prévue ?

Une 5e édition est d’ores et déjà programmée pour 2020. Tout le monde est très motivé, enfants, partenaires comme moniteurs. D’ailleurs, la plongée est désormais entrée dans la vie de certains des Enfants de la Lune, qui souhaitent continuer l’aventure sans attendre ce prochain rendez-vous comme Fatih ou Noah, la fille de Wafa.

Ceci est un extrait du Dossier paru dans le numéro 288 Abonnez-vous

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