Rodrigue,  l’île authentique

le 23/06/2017 publié dans le N°273 de Subaqua
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Henri Eskenazi
par Henri Eskenazi

Tout commence sur une île, une plage déserte face au grand large. Un endroit magique, sauvage et protégé. De l’autre côté de l’horizon, un autre monde ! Loin et profond. Un reportage d’Henri Eskenazi.

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Rodrigue, comme de nombreuses îles proches ou lointaines, nourrit l’imaginaire des hommes. Quelles sont les singularités de ces espaces insulaires ? De la nature à l’état pur. Ce sont des mondes que l’on atteignait jadis au risque de la mer, où le naufragé échoué devait tout imaginer pour survivre. Aujourd’hui, leur approche est facile en avion et ces petits bouts de terre entourés d’eau sont devenus des pays d’insouciance où le dépaysement invite désormais à l’émerveillement. Peut-être grâce à l’immensité de la mer et le ciel bleu qui l’enveloppe. Ou bien la volonté de vaincre les forces qui nous attirent vers les profondeurs alentour. Aussi parce qu’il y a quelque chose, autour des îles, qui nous pousse à y débarquer. Avec l’envie incessante de se fondre dans les eaux bleues, partageant ainsi, pour l’éternité, le destin des grands voyageurs. Un océan de destins.

Heureusement, le monde recèle encore des spots incroyables. Des plages esseulées, préservées, abritées. Cachées parfois. L’île Rodrigue est un fabuleux concentré d’authenticité, très facile d’accès en avion. On peut y retrouver un art de vivre ancestral, comme une philosophie réinventée chaque jour. Telle une invitation à la langueur. D’origine volcanique, elle est baignée d’un immense lagon peu profond et riche en coraux. Elle présente un relief montagneux avec des routes serpentant le long de ses flancs escarpés et croisant les scories de volcans éteints. On y coule des jours heureux en totale harmonie avec la nature et les habitants. Apprécier un paysage, c’est avant tout lié à une disposition de l’âme. Être prêt. Des espaces lumineux, des lieux intimes et paisibles avec l’océan de toute part… Car à Rodrigue, c’est bien d’isolement qu’il s’agit et en même temps, de liberté sans limite, loin du rush des grandes villes, au centre d’une mer sans fin que le tourisme international a laissé en paix. Pour combien de temps ? Ici, l’on peut arpenter les chemins, parcourir les plages isolées, admirer les vagues vivantes. Ralentir le temps.

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Nul ne peut résister à l’attraction de cette île. Paradisiaque est le seul mot pouvant rendre compte de sa merveilleuse nature même si les arbres sont devenus plus rares…

Le Rodrigue de l’intérieur n’a rien à voir avec le Rodrigue des côtes et des plages. Ici, c’est l’univers de la forêt avec sa végétation particulière, ses villages typiques, ses cultures de maïs. Une petite école au bord de la route, des villageois assis à même le sol, des enfants jouant devant une boutique au toit de tôle peint avec des couleurs vives et agrémenté de dessins naïfs, une « tabagie » en créole. Deux pailles-en-queue dessinent le ciel.

Le tourisme qui a connu un essor ces dernières années trouve maintenant son équilibre entre l’implantation d’un tourisme de luxe et une forme de tourisme dont toute la population locale est partie prenante et en sort gagnante. Le « tourisme vert » est apparu à Rodrigue il y a plus de vingt ans. Ce concept permet de dynamiser la vie rurale et d’encourager la participation des Rodriguais.

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LE TEMPS DES PLONGÉES

Le club de plongée Jacky diving est idéalement situé à Ponte longue entre l’anse Ally à gauche et la superbe plage de Saint-François, juste en face de la passe éponyme. Jacky m’accueille en me précisant qu’il a une trentaine de sites entre cinq minutes, dans le lagon et une heure de navigation en pleine mer, le long du récif mais dix-sept lieux de plongée restent ses favoris. Nos plongées se déroulent bi quotidiennement le matin, au rythme de la mer qui « s’ouvre ou se ferme », comme disent les locaux, marée montante ou marée descendante.

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Notre bateau sort vers le grand océan Indien (face à nous, l’Australie à 6 000 kilomètres, sans aucune terre en chemin !) par une fausse passe au niveau de la pointe Coton. Au lieu-dit Karlanne, l’eau est à 30 °C, plus qu’à 29 °C à vingt mètres de profondeur. Une tortue s’enfuit devant mon appareil photo dès les premières minutes d’immersion. Un grand banc de balistes immobiles attend notre palanquée. Les magnifiques formations coralliennes, arches, ravins sculptés par des siècles d’érosion, forment des allées sur le sable où se mêlent de nombreux poissons chirurgiens colorés. Le retour surface, après soixante minutes de plongée, se fait au milieu d’une pullulation de milliers de cténaires, un « troisième type de rencontre ». Surréaliste. Intervalle d’une heure et rebelote à Camélérou où l’intérêt principal réside en l’observation tranquille de nombreux poissons papillons masqués, jaune et noir, fidèles à leur position au-dessus d’une patate de corail. Seul un beau spécimen de thon à dent de chien vient troubler mes prises de vues et je ne vais pas m’en plaindre. Ici, un petit surplomb, là un effondrement à l’origine d’une petite grotte, véritable refuge pour quelques poissons soldats rouge vif.

Aujourd’hui, la météo est exceptionnelle. L’océan est plus calme que l’intérieur du lagon. Un véritable lac. Du rarement vu ! Avec un minimum de nuages au loin. Le départ se fait sur les « chapeaux de roue », dans le courant sortant de la passe Saint-François. Dès les premiers instants, plusieurs dizaines de carangues gros yeux viennent à notre rencontre, avec quelques beaux pompaneaux lune ou Trachinotes de Bloch en prime. Trois superbes platax se mêlent à la danse. Point n’est nécessaire ici d’aller toucher le fond de sable à trente mètres. Mon binôme Bertrand est sur réserve, il est alors temps de limiter cette sympathique balade d’un kilomètre, portés par la mer. Le palier nous permet de côtoyer toute la faune de l’océan Indien : perroquets, mérous, papillons, anges, rougets, trompettes, lutjans et quelques trop rares nudibranches.

Sur le tombant externe à droite de la passe en regardant l’horizon, nous plongeons sur le Sec des tortues. Élisabeth m’appelle dans son détendeur pour me montrer une tortue en pleine eau, tandis que je suis en train d’en photographier une autre, bien calée sous un gros corail tabulaire.

Des sites remarquables

Puis, je tiens absolument à décrire ma plongée à la Basilique, car elle porte bien son nom. J’ai l’impression ici de pénétrer un lieu saint avec tous ces rayons de lumière venant des cieux et inondant les grandes cavités à travers les multiples puits ou tunnels qui perforent le récif de corail. Des dessins venus d’en haut décorent le sable. Jacky se plaît à presque nous perdre dans ce véritable dédale. Une grotte par ci. Une arche par là.

Ceci est un extrait du Dossier paru dans le numéro 273 Abonnez-vous

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