SERPENTs de mer calédoniens

le 27/08/2015 publié dans le N°262 de Subaqua
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Pierre Larue
par Pierre Pierre Larue

Sources de craintes le plus souvent justifiées, les serpents de mer sont le quotidien des plongeurs et chasseurs sous-marins qui fréquente les eaux de Nouvelle-Calédonie. L’apnéiste Jacques Berthomier s’est fait une spécialité de les photographier. Il a confié à Pierre Larue le récit d’une de ses rencontres assez extraordinaire. L’occasion pour notre collaborateur des antipodes de faire un petit tour d’horizon des différents serpents que l’on peut croiser autour du Caillou.

LE SERPENT DE OUEMO

Jack Berthomier, photographe sous-marin animalier de talent, a été le témoin privilégié d’une scène rarissime de prédation d’un serpent marin, dans le lagon de Nouvelle-Calédonie. Récit de Pierre Larue.

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Abrité du fort vent d’ouest qui souffle ce jour-là, Jack Berthomier longe, en palmant, le littoral de la presqu’île de Ouémo, située à l’est de Nouméa. Il remorque une petite planche de sa conception, surmontée du drapeau Alpha pour se signaler aux embarcations qui croisent à grande vitesse dans le lagon. Au milieu, une mini-glacière encastrée contient un appareil photo compact de secours et une bouteille d’eau potable. Sécurisé par une dragonne passée à son poignet droit, un compact Canon Ixus 870 is dans son boîtier étanche est paré. C’est parti pour une traque photographique de plusieurs heures en parfaite autonomie.

Après trente années de compétition de chasse sous-marine au plus haut niveau, sous toutes les latitudes du Pacifique Sud, Jack s’est reconverti à la photo sous-marine animalière. Il connaît sur le bout des « palmes » les différents biotopes de son lagon calédonien. Il ne se lasse pas d’observer, pour mieux les décoder, les mœurs surprenantes des nombreuses espèces marines. Ses qualités d’apnéiste, sa ténacité et sa patience sont des atouts indéniables pour repérer, mettre en confiance puis approcher les acteurs du plus beau lagon du monde afin d’enregistrer leurs comportements singuliers. En seulement trois ans, il a constitué une banque d’images de la faune aquatique locale exceptionnelle, tant en qualité qu’en quantité.

OLYMPUS DIGITAL CAMERAIl survole un relief, entre 3 et 5 mètres de profondeur, légèrement accidenté, décoré de nombreuses colonies d’alcyonaires du genre Sarcophyton. Çà et là, quelques patates de corail concentrent une vie marine plus importante. Les yeux de Jack « scannent » aussi bien les sargasses portées par le courant en surface où se dissimulent par mimétisme des hôtes insolites, que les moindres anfractuosités du relief sous-marin. Il piste un élégant serpent de mer de l’espèce Hydrophis major, peu commune parmi les 14 recensées en Nouvelle-Calédonie. Sa longueur approche 1,30 m. Il possède une superbe livrée jaunâtre, décorée d’une série de selles dorsales sombres disposées régulièrement sur son dos, intercalée avec une ligne de points sombres du plus bel effet sur chaque côté de son corps. Deux petites carangues juvéniles, jaunes à bandes noires verticales, de l’espèce Gnathanodon speciosus l’escortent. Propulsé par sa queue tigrée aplatie verticalement, il maraude au-dessus du fond. Jack suit le reptile à distance, sans brusquerie, jusqu’à faire partie intégrante de son environnement. Avec sa légèreté discrète d’apnéiste, le photographe réussit à se faire oublier pendant cette patiente filature. Soudain le serpent s’immobilise, il vient de détecter une proie potentielle qui se croit protégée dans une tanière.

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Il s’engage à l’intérieur avec précaution. L’animal comprime les ondulations de son corps, tel un ressort adapté à la seule direction d’appui qu’il puisse prendre, grâce à sa forme de lanière. Il attaque par une détente latérale explosive. Sans perdre une miette de ce spectacle fascinant, Jack, plaqué au fond, cherche le meilleur angle de prise de vue. Le corps du prédateur est animé de tremblements. Il apparaît enfin avec sa prise, saisie fermement derrière la tête par sa mâchoire. Il s’agit d’un gros poisson-chat de l’espèce Plotosus lineatus, cousin du silure d’eau douce.

Ceci est un extrait du Dossier paru dans le numéro 262 Abonnez-vous

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