Témoignage – Pierre Martin-Razi rédacteur en chef de Subaqua de 1996 à 2019

le 23/12/2021 publié dans le N°300 de Subaqua
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Pierre Martin-Razi
par Pierre Martin-Razi

Lorsque le rédacteur en chef actuel de Subaqua, m’a proposé d’écrire un article afin d’accompagner la sortie du numéro 300, ma première réaction, je le confesse, a été négative. J’avais alors l’esprit occupé par d’insolvables problèmes de girouette électronique et je me moquais bien qu’un Petit Prince (c’est une image inspirée par le décor désertique qui m’entoure…) me demande de dessiner un mouton ! Et puis, ajoutai-je, pour dire quoi ? Si je n’ai pas eu l’opportunité d’exprimer ce que j’avais envie d’exprimer en presque quarante ans de journalisme, c’est à désespérer ! « Mais ce que tu veux ! » a rétorqué l’habile tentateur. J’ai réfléchi (trois secondes). Certes… La possibilité d’écrire sans contrainte un papier afin d’accompagner le 300e opus d’un bimestriel ne se croise pas tous les jours. Cela revient un peu à célébrer une vieille amie très chère – toujours belle ! – et à qui la vie a souri. Quand on a tenu le bras de cette séduisante (quoiqu’exigeante) personne pendant vingt-quatre ans, croyez-moi, l’opportunité prend alors une saveur toute particulière. C’est vrai, j’ai pensé tout ça en trois secondes. Et, j’ai dit oui…

Trois centaines de numéros à raison d’une publication tous les deux mois, cela fait six cents mois, soit exactement un demi-siècle d’édition. En vérité beaucoup plus, comme cela est précisé dans cet article, puisque Subaqua est la continuation de la première publication fédérale, Études et Sports sous-marins, née en avril 1958.

COUV 149 copieL’objectivité nous y oblige : reconnaissons que ces premiers numéros avaient un air grave et tristounet, genre tante Odette, robe grise et coiffure terne. Reconnaissons encore, et l’avenir allait nous le démontrer, que la tantine cachait assez bien son jeu… Influence des Swinging sixties ? Assez vite, la forme a changé. Les jupes ont raccourci, les joues ont pris des couleurs et la belle s’est émancipée. Subaqua, c’est comme les combinaisons de plongée. Ça débute avec un Néoprène noir, raide comme la justice, pour devenir extra-souple, avec empiècements gris perle, fuchsia et zips de tous les côtés. Logique. La revue, sous l’angle particulier que lui vaut sa mission, retrace l’évolution de la plongée comme de ses pratiquants.

Genèse chaotique, périodicité aléatoire… Nous n’y reviendrons pas, Olivier ayant rappelé, avec élégance, ma contribution à retracer l’histoire de la revue fédérale. Pourtant, en cette période lance-flamme pour la presse papier, ce numéro 300 atteste de la volonté – désintéressée, motivée, stratégique, passionnée, qu’importe…- des différents directeurs de publication qui se sont succédé.

SUB COUV 199Évoquant une mission, dois-je rappeler que Subaqua, revue à part entière, dotée d’un numéro de commission paritaire, distribuée par abonnements et en kiosques par les Messageries lyonnaises de Presse (bénie soit cette décision !), demeure le bulletin de liaison officiel de la FFESSM ? Le président national en est, de fait, le directeur de publication. Il m’est plaisant de savoir que Frédéric Di Meglio en assume aujourd’hui la responsabilité. C’est un collaborateur de Subaqua de longue date avec qui j’ai eu le plaisir de travailler. Ses reportages de voyages, ses articles médicaux, la régularité de ses interventions alors qu’il était secrétaire général prouvent depuis longtemps l’intérêt et l’affection qu’il porte à la revue. Décidément, mes successeurs sont des bienheureux ! Je dis « mes » car pour des raisons d’organisation, Subaqua compte désormais un rédacteur en chef, Olivier donc, ainsi qu’une rédactrice en chef adjointe, Véronique Lhuissier, Véro, mon ancienne secrétaire de rédaction, justement promue.

Vingt-trois ans à la barre de Subaqua (auxquels il me faut ajouter onze autres années de collaboration démarrées en 1982 avec une revue de plongée défunte) constituent un poste d’observation exceptionnel. Rencontre après rencontre, voyage après voyage, article après article, page après page, j’ai vu la plongée grandir et se transformer. Témoin et trait d’union, j’ai ainsi, sinon vécu une époque pionnière, au moins rencontré les pères fondateurs, côtoyé les noms entrés dans l’Histoire. J’ai assisté aux changements, j’ai noté (avec amusement, nostalgie, colère ou plaisir) les évolutions. Une plongée marginale, rugueuse et, finalement, innocente* est entrée, en moins de quatre décennies, dans l’univers mondialisé de la finance et de la grande distribution. Il est en effet symptomatique de constater qu’une entreprise tricolore, racine de l’activité, est désormais propriété d’un fonds de placement britannique, qu’un organisme fleuron du RSTC l’est d’un groupe chinois ou qu’une grande marque sportive a, par le biais de son fonds d’investissement, acquis (pas toujours sur le long terme, hélas !) des entreprises souvent pionnières et emblématiques dans différents secteurs de l’activité. Je pourrais citer d’autres exemples… Cela écrit, qu’on ne se méprenne pas sur la teneur de mon propos : à l’image de la revue nouveau-née, la plongée n’était pas mieux avant. Elle était seulement différente. On ne plonge jamais dans le même fleuve, affirmait le philosophe d’Ephèse, il ne croyait pas si bien dire !

J’ai donc regardé puis aidé Subaqua à descendre ce fleuve au fil des numéros, embarquant ou laissant çà et là sur la berge une petite sœur moins aimée (ou moins soutenue…). De temps à autre, au gré des changements d’équipe dirigeante, un petit coup de rame à droite ou à gauche l’orientait différemment. Parfois un banc de sable la freinait puis un courant porteur lui redonnait de l’erre. Depuis soixante-trois ans, la revue accompagne les comités, les clubs, les commissions, les plongeurs, les plongeuses mais aussi, part essentielle, tous les sportifs et sportives qui composent la FFESSM. L’équilibre est délicat, la revue possède les qualités de ses défauts : la pluralité du monde fédéral, doublée d’un contenu issu exclusivement de collaborations bénévoles. C’est sa spécificité, sa grandeur et son talon d’Achille. La quotidienne difficulté, aussi, de sa rédaction en chef. Pourtant, malgré ces obstacles et grâce à cette force, on ne mesurera jamais assez le poids de Subaqua lorsqu’il s’agit de faire valoir les actions de la fédération et de ses membres auprès des décisionnaires politiques. Que voulez-vous ? Subaqua se touche, se palpe, se sent. Existe. Demeure. J’ose croire que c’est irremplaçable.

Couv 287-2.inddEn ce numéro si particulier de la revue fédérale, que lui souhaiter à l’orée de cette nouvelle centaine ? Longue vie ! bien sûr, dans un contexte difficile et compliqué mêlant crise de la presse, crise sanitaire, et soubresauts économiques éternels. Souhaitons-lui également, quelle que soit sa forme devenue, de conserver cette capacité de synthétiser et, à sa manière unique, d’écrire une Histoire. Notre Histoire. Bon anniversaire !

Pierre Martin-Razi Playa Francesa, Isla Graciosa, août 2021

(*) J’en vois certains qui s’étonnent (s’insurgent ?) devant l’emploi de l’adjectif « innocente ». La place me manque mais si d’aventure elle m’est un jour à nouveau offerte, je pourrai volontiers développer !

Ceci est un extrait du Dossier paru dans le numéro 300 Abonnez-vous

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