ustica la discrète

le 22/12/2016 publié dans le 270 de Subaqua
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Pierre Martin-Razi
par Pierre Martin-Razi

Trouver le titre d’un article de plongée est toujours un moment délicat pour le journaliste. Un titre passe-partout avec un peu de bleu dedans ? Un jeu de mots facile ? Une accroche descriptive ? Tout à la fois ? Pour qualifier la petite île italienne d’Ustica, à quelques dizaines de milles de la ville sicilienne de Palerme, la discrète s’est pourtant immédiatement imposé. Parce que le qualificatif lui va comme un gant : à l’écart du monde, tranquille, Ustica est la minuscule mouche posée au-dessus du menton italien, celle que précisément les élégantes du XVIIIe nommaient discrète et qui cachait pourtant bien des trésors… Par Pierre Martin-Razi. Photos de l’auteur et de Mathias Blaettler/Profondo Blu.

On sait le goût des Italiens pour la plongée, inscrite dans l’histoire contemporaine de la botte comme elle l’est chez nous, de ce côté du Pô. Avec plus de 7 000 km de côte et toutes les îles qui les entourent, nos collègues transalpins, héritiers directs de Luigi Ferraro, ont de quoi se mettre sous la palme… Ustica est l’une de ces poussières d’île où la plongée constitue l’activité principale. Elle est nichée à moins de quarante nautiques dans le nord-ouest de Palerme que l’on rejoint en quelques heures depuis la France, le plus souvent après une escale à Rome. Les compagnies low cost proposent l’agglomération sicilienne à moins de 200 euros l’aller-retour depuis toutes les grandes villes hexagonales avec, selon la période de l’année, des promotions proprement sidérantes. Une fois à Palerme, un aliscafo (bateaux à foil qui sillonnent ce coin de Méditerranée) rejoint Ustica en une heure et quart environ. On peut également choisir de venir depuis Naples en juillet-août seulement.

Notons que Profondo Blu, le centre de plongée qui nous a accueilli sur l’île, se charge de la réservation du bateau et inclut le prix du passage dans son tarif à la semaine. Privilégiés, les plongeurs bénéficient en effet d’un tarif particulier qui impose de se munir de sa licence ou d’un brevet pour apporter la preuve de sa pratique ! Ce petit détail tend à prouver que l’une des premières (et bonne…) raisons de se rendre sur l’île est bien la joie de s’adonner aux plaisirs du grand bleu… Mais n’allons pas trop vite car ne pas faire le tour de Palerme, de ses marchés et se perdre dans ses ruelles serait bien regrettable…

Un parfum de Méditerranée

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Même si toutes ont leurs spécificités, il existe un point commun entre Naples, Barcelone, Tanger, Beyrouth ou Palerme : le Marseillais s’y sent chez lui. Avant d’être italienne, catalane, marocaine, libanaise ou sicilienne, ces villes sont avant tout méditerranéennes. C’est ainsi : la mer est bien plus forte que les nations et devrait, à tout le moins, élargir la vision du chauvin. Tout cela pour dire que le tout premier bonheur d’un séjour de plongée à Ustica est de pouvoir, la veille de prendre le bateau, déambuler dans les rues et les venelles du vieux Palerme. On y éprouve l’étrange sensation d’être chez soi tout en étant ailleurs et – comment dire ? – une impression fin de règne qui ravive instantanément le souvenir du prince Salina si bien brossé par Giuseppe Tomasi di Lampedusa… Palerme, ce sont encore les églises, les petites vieilles en noir ou, beaucoup plus joyeux, les noces (en pleine semaine…) d’où émergent les mariées vêtues et célébrées comme des divas. Étonnant. Tout ce petit monde se retrouve pour les photographies traditionnelles autour du port de plaisance… Palerme, c’est aussi la marque de la pieuvre et le souvenir ravivé de Dalla Chiesa, Falcone ou Borsellino que l’on retrouve au détour d’un monument, d’une rue ou d’une statue… Mais ce n’est pas que cela. La ville est aussi faite de larges et lumineuses avenues, de boutiques scintillantes, de terrasses ombragées, d’imposants édifices et d’un indicible goût de la vie. À l’aller ou au retour, ne manquez pas de vous perdre dans ses rues le temps d’une petite journée…

L’île tranquille

L’aliscafo part tôt le matin, un horaire qui laisse cependant le temps d’un petit-déjeuner et d’un transfert sans stress vers le port de commerce. On choisira de préférence un hôtel pas trop loin, voire un bed & breakfast, juste en face de l’embarcadère. Il suffit alors de se présenter à l’embarquement, l’organisation de Profondo Blu vous a porté sur la liste… La traversée, nous l’avons dit, dure soixante-quinze minutes environ. Le temps de longer la côte à main gauche avant de gagner le large et de toucher Ustica. De forme vaguement ovoïde, l’île émerge d’un fond de 3 000 m et ses 8,5 kilomètres carrés apparaissent comme le sommet d’un volcan en sommeil (on observe des fumerolles…) avec deux pics qui la dominent. Elle se situe sur une chaîne montagneuse tout comme les Éoliennes plus à l’est. Ustica la solitaire n’est cependant pas considérée comme faisant partie de l’archipel du dieu des vents. Son port, où nous arrivons en milieu de matinée, est minuscule : un quai sur la gauche pour le ferry, un autre pour une poignée de voiliers de passage, les bateaux de plongée et quelques embarcations au mouillage. Plusieurs panneaux annoncent la couleur : Ustica est bien une île tournée vers la plongée, avec une réserve qui cerne la totalité de l’île. Nous y reviendrons…

Un centre idéal

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Avant d’être un centre de plongée, il me faut le dire ici, Profondo Blu apparaît d’abord comme une famille. Et l’on y est reçu avec la chaleur réservée à celles et ceux qui en font partie. Le resort dispose d’appartements pour quatre et de studios pour deux, simples mais confortables, pour une capacité totale d’une vingtaine de personnes. On reste vraiment entre amis. Équipés de cuisine, on peut y préparer ses repas pour les déguster sur la terrasse attenante mais, franchement, je ne vous le conseille pas… Même si le service de courses livrées à domicile est gratuit, choisissez a minima la demi-pension… Ann et Paolo possèdent autant le goût de la plongée que celui de la gastronomie et des bons vins. Ce n’est pas moi qui l’affirme mais eux qui le confessent sur le site Internet de leur centre ! Pour preuve, ils ont fondé une association, le « Profondo Gusto » qu’il est inutile de traduire. Sachez pourtant que les repas, surtout celui du soir parce qu’accompagné des productions viticoles locales (naturellement prohibées à midi si l’on plonge ensuite…), sont de purs moments de félicité…

Le moment de la mise à l’eau

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On dénombre une vingtaine de sites en majorité répartis de l’est vers l’ouest en passant par le sud. Certains d’entre eux sont si vastes qu’ils méritent vraiment plusieurs plongées. Notre séjour s’est déroulé en juin dans une eau plutôt claire mais pas encore aux températures estivales attendues. Disons que vers quarante mètres elle atteignait 17 °C pour croître jusqu’à 20 °C en surface. En août, ce n’est pas la même chose. Les vingt degrés sont au fond et l’on effectue ses paliers dans 28 degrés. Une température quasi tropicale. Au reste, cette température n’est pas la seule caractéristique tropicale d’Ustica. La densité de poissons y est assez phénoménale. Sur la semaine de plongée (croix de bois, croix de fer…) j’ai pu voir à chaque plongée des mérous, des bancs de sars incroyables, des dentis et, presque à chaque fois, des corbs et des bancs de barracudas respectables. C’est juste magnifique. Constat plus inhabituel, et sans doute lié à la saison, chaque plongée a été l’occasion d’observer des sérioles virevoltantes qui dépassaient largement les vingt kilos…

Ceci est un extrait du Dossier paru dans le numéro 270 Abonnez-vous

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