ARTHUR GUÉRIN-Boëri :  175 m sous la glace !

le 20/04/2017 publié dans le N°272 de Subaqua
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Pierre Martin-Razi
par Pierre Martin-Razi

En parcourant 175 m sous la glace du lac finlandais de Sonnenen le 11 mars dernier, Arthur Guérin-Boëri a pulvérisé le record de 152,4 m (500 pieds) détenu par le Danois Stig Severinsen depuis 2013. Ces 22,6 m supplémentaires arrachés au prix d’un redoutable effort et qui vont faire l’objet d’un film, confirment ce que l’on savait déjà : le multichampion du monde est désormais une figure majeure du panthéon de l’apnée. Propos recueillis par Pierre Martin-Razi. Photos Alex Voyer.

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Subaqua Comment t’est venue l’idée d’établir un record sous glace, un environnement bien éloigné de ton quotidien d’apnéiste ?

Arthur Guérin-Boëri Précisément pour cette raison ! J’ai eu l’envie de quelque chose de nouveau, d’une performance éloignée des carreaux habituels des bassins et de la mer, même si je connais encore assez peu l’eau salée ! Je voulais quelque chose de moins rébarbatif, de plus onirique. Pour moi, et pour que les gens me suivent, j’ai eu besoin de mettre du piment. Ce record, même s’il fait l’objet d’une double homologation par la CMAS et le Guiness Book of records, c’est quelque chose hors circuit, hors compétition. Je n’avais à me mesurer qu’avec le froid, la glace et avec moi-même. Je reconnais que j’ai découvert quelque chose…

Subaqua C’est un projet qui remonte à loin ?

Arthur Guérin-Boëri Pas vraiment. L’idée est née voici un an environ et la mise en place a nécessité six mois. Je profite de l’occasion pour remercier toute l’équipe de Quad Production parce que sans son aide et son appui, rien n’aurait été possible. On ne mesure pas l’énergie qu’il faut déployer en amont pour parcourir 175 m sous la glace !

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Subaqua Justement, pourquoi 175 m ?

Arthur Guérin-Boëri Parce que j’ai été un peu naïf… En fait, le Danois Stig Severinsen avait parcouru 152 m. Je trouvais mesquin de n’ajouter qu’un ou deux petits mètres à cette performance alors comme j’avais fait 300 m en piscine, je me suis dit que 175 m devraient être à ma portée… Une balade, une promenade de santé. Je vais faire une confidence aux lecteurs de Subaqua: j’ai compris sur place qu’en l’état actuel de mon entraînement, ce que j’avais fixé de manière intuitive constituait une limite…

Subaqua Tu n’as pas suivi un entraînement spécifique ?

Arthur Guérin-Boëri Non, même pas… Bien sûr je m’entraîne en dynamique mais si l’on excepte un stage à Morzine, d’ailleurs effectué grâce à l’appui de la FFESSM, et qui a surtout consisté en une mise au point du matériel, combinaison, ajustement du lestage, rien de particulier du côté du froid. Jusqu’à la veille du record, j’ignorais ce qui m’attendait…

Subaqua Quelles sont les raisons qui t’ont fait choisir un lac finlandais ? Après tout, à cette période de l’année, nous avons des lacs gelés en France.

Arthur Guérin-Boëri Oui mais ils sont en altitude et ça change la donne ! La Finlande, elle, possède des lacs gelés au niveau de la mer… De plus, l’apnée sous glace est là-bas une activité très pratiquée ce qui suppose des compétences et toute une logistique qui va avec. J’ai pu bénéficier du soutien local de l’apnéiste Antero Joli, mon contact sur place et, grâce à lui, j’ai pu constituer l’équipe d’apnéistes de sécurité qui m’a accompagné par tranches de 25 m sur les 175 m du record… C’est inestimable.

Subaqua Tu évoques la logistique… De quoi s’agit-il ?

Arthur Guérin-Boëri Le matériel pour préparer la glace, un sauna mobile, ce genre de choses. Et l’habitude. Car moi, vraiment, je découvrais…

Subaqua La malchance a fait qu’un de tes sacs s’est perdu au cours du voyage aller. Tu as été privé de ta monopalme habituelle… Comment as-tu vécu ce handicap ?

Arthur Guérin-Boëri Pas très bien ! J’ai dû faire appel à la solidarité des apnéistes et, heureusement !,  le vendredi, j’ai reçu une palme envoyée par le Russe Alexey Molchanov. Un changement de matériel, c’est une perte de sensation, une modification des repères et cela ajoute au stress. Personne n’a besoin de ça avant une tentative de record… La veille seulement, grâce à Alexey, j’ai donc pu m’immerger et parcourir 75 m. C’est là, que j’ai pris conscience que cela serait très dur !

Subaqua Le stress, comment le négocie-t-on ?

Second souffle, un film au long cours

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Le réalisateur Sébastien Moreau et Nicolas Méliand, le producteur, sont en passe de finaliser leur film sur Arthur Guérin-Boëri commencé voici plus d’un an et magistralement clôturé par la performance finlandaise. Récit.

Parce que la discipline se marie à l’humeur du temps, l’apnée et les apnéistes inspirent les cinéastes. Depuis Le Grand bleu, la liste des films sur les exploits et les démarches de ces champions d’un nouveau genre serait trop longue pour être citée ici. Pelizzari, Pipin, Bandini ou, plus jeunes, Leferme, Frolla, Néry, Nitsch pour ne citer que ceux qui me passent par la tête, ont vu leurs plongées célébrées sur les écrans. Il était donc assez logique que le physique, les capacités et le charisme d’Arthur Guérin-Boëri en fassent le sujet d’un film qui célèbre tout à la fois l’esthétique d’un sport et le dépassement de soi.

C’est précisément cette réflexion qui a conduit le réalisateur Sébastien Moreau, ami de longue date d’Arthur, et Nicolas Méliand de Quad production, à s’associer pour réaliser Le Second souffle qu’ils qualifient eux-mêmes de « portrait d’exception » parce que, disent-ils, « la matière est simplement géniale! ».

ARTHUR GUERIN-LIVRE«Le Bien-être sous l’eau»

Avec la sortie de son livre « Le Bien-être sous l’eau», le nouveau recordman d’apnée sous glace occupe les rayonnages des librairies comme il occupe les podiums et comme il occupera, très bientôt, les écrans de cinéma ou de télévision. Trop tardif, son nouvel exploit finlandais n’y est bien sûr pas mentionné mais on découvre au fil des pages le chemin – pas si linéaire que ça ! – d’un athlète hors du commun qui avoue avoir longtemps douté avant de trouver sa voie et de décrocher les titres de champion du monde que l’on sait. Franchise, reconnaissance et modestie apparaissent comme les qualités premières d’Arthur dont le premier ouvrage devrait susciter de nombreuses vocations : vivre les performances (et quelles performances !) en étant dans la tête de celui qui les réalisent donne l’impérieuse envie de s’y mettre aussi. Même modestement… Cela écrit, le lecteur prend également conscience qu’à côté du bien-être évoqué, en titre comme en début de livre, on devine également la volonté et l’acceptation de la souffrance, conditions nécessaires (mais pas suffisantes !) pour décrocher « les inaccessibles étoiles »… Un engagement et un don de soi qui n’appartiennent pas au premier venu !

P. M.-R.

« Le Bien-être sous l’eau » :

Édition Genèse. 144 pages, 16,95 €.

Ceci est un extrait du Dossier paru dans le numéro 272 Abonnez-vous

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