Immersion prolongée : effets physiologiques et prévention

le 30/04/2020 publié dans le N°290 de Subaqua
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Jean-Michel Pontier
par Jean-Michel Pontier

Rester immergé sous l’eau durant plusieurs heures concerne surtout les activités de plongées professionnelle et militaire. Mais la pratique récréative est de plus en plus concernée, notamment à travers l’utilisation du recycleur (plongée technique dite Tek). En effet, le recyclage des gaz augmente l’autonomie, avec à la clé de grandes profondeurs d’évolution (et des durées de paliers en conséquence, dépassant l’heure), et plus de temps passé sous l’eau. Or l’immersion prolongée n’est pas sans contraintes physiologiques, ni conséquences (froid, déshydratation) chez le plongeur. Par Jean-Michel Pontier MD, PhD, médecin fédéral national.

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L’homme est homéotherme : sa température interne, proche de 37 °C, est constante et indépendante, malgré des échanges thermiques permanents entre l’organisme et le milieu ambiant. La conductivité thermique de l’eau étant 25 fois supérieure à celle de l’air (50 contre 2 Kcal/m²/heure/°C dans l’air), notre neutralité thermique est voisine de 33 °C (+/-1 °C) dans l’eau, alors qu’elle se situe entre 24 et 26 °C dans l’air. Or, à la surface du globe, les températures de l’eau sont souvent inférieures à cette valeur de référence de 33 °C. Ainsi, les contraintes physiologiques liées aux échanges thermiques peuvent, dès lors, constituer un facteur limitant la durée de l’immersion. L’importance de ces échanges va dépendre de plusieurs paramètres, telles que la différence de température entre la surface cutanée et l’eau ainsi que la vitesse d’écoulement de l’eau le long du corps (vitesse de déplacement, vitesse du courant). Sont à considérer également l’intensité des réponses physiologiques développées par le plongeur pour lutter contre le froid (vasoconstriction et frisson thermique), et son niveau d’activité physique et musculaire, ainsi que sa protection thermique (type de combinaisons, épaisseur du Néoprène). Des études menées chez des plongeurs professionnels ont mis en évidence que lors d’immersions de plusieurs heures, les sujets s’exposaient (en particulier en eau froide) à des contraintes physiologiques plus ou moins importantes en fonction de la durée de l’exposition : sensation d’inconfort général, diminution de la dextérité manuelle, risque d’hypothermie centrale, altération des capacités cognitives et comportementales en fin de plongée. Comment donc notre corps lutte contre le froid de l’eau et quelles sont dès lors les stratégies à envisager pour se protéger ?

Immersion prolongée et froid

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>  Mécanismes d’adaptation

En eau froide, les réactions physiologiques varient beaucoup selon les individus et dans le temps. La vasoconstriction superficielle sous-cutanée réflexe limite les pertes thermiques en réduisant le gradient de température entre la peau et le milieu. Elle est accentuée au niveau des membres et des extrémités où le rapport entre surface d’échange et volume est le plus important. Cela participe à une majoration du refroidissement des mains et des pieds pour lesquels l’efficacité de l’isolement vestimentaire est plus difficilement obtenue. Si la vasoconstriction de ces régions anatomiques est intense et prolongée, elle provoque une diminution de la dextérité manuelle à l’origine d’un engourdissement, des douleurs invalidantes qui majorent l’inconfort thermique et une ischémie locale d’abord partielle puis totale à l’origine de symptômes proches de la gelure. Une autre voie physiologique est l’augmentation de la thermogenèse qui se fait par l’intermédiaire du frisson musculaire (contractions musculaires involontaires et prolongées). Ainsi le métabolisme basal peut augmenter jusqu’à 10 fois sa valeur et atteindre 600 Kcal/m²/heure pendant plusieurs minutes. Dans d’autres conditions, un sujet est capable de maintenir un métabolisme basal à 200 Kcal/m²/heure durant plusieurs heures et même jusqu’à 300 Kcal/m²/heure s’il est entraîné par une exposition répétée face à la contrainte. La réalisation volontaire d’un exercice musculaire en immersion est la dernière voie permettant d’augmenter la thermogénèse : un palmage d’intensité modérée de 20 à 40 minutes produit entre 400 à 730 W, jusqu’à 900 W si élevée et de courte durée (10 minutes).

>  Se protéger du froid : la combinaison

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L’isolement thermique de la peau et du tissu graisseux sous-cutané varie selon les individus et les parties du corps. La faible tolérance générale et locale au froid explique l’indispensable recours à des solutions techniques limitant les échanges thermiques par la création d’une couche limite isolante (vêtement passif) et éventuellement par l’apport de chaleur (vêtement actif). Pour assurer le confort thermique, la combinaison de plongée (active ou passive) devra être en mesure d’assurer le maintien d’une température cutanée moyenne comprise en 30 et 35 °C (entre 32 et 34 °C pour le tronc, les cuisses et le front, 30 °C pour les bras, avant-bras et mollets et 25 °C pour les extrémités). Laissant passer l’eau, les vêtements passifs humides sont constitués d’un matériau isolant, généralement du Néoprène, d’épaisseur variable (entre 3 et 9 mm). L’objectif est de limiter la circulation de l’eau sous la tenue. La qualité du pouvoir isolant dépend de l’ajustement de la combinaison, des mouvements de l’eau au sein de la couche limite et de la profondeur d’évolution. Des études portant sur des combinaisons humides en Néoprène ont ainsi montré une chute du pouvoir isolant (diminution du volume des bulles d’air emprisonnées dans le matériau) de 20 % à 6 m de profondeur , 35 % à 12 m, 50 % à 18 m, et 70 % à 30 m de profondeur !

Le vêtement passif sec à volume constant constitue une alternative. Il est pourvu de manchons aux extrémités ou bien de bottillons, de gants et d’une cagoule attenante associant le port d’un sous-vêtement. Quant au vêtement actif, c’est-à-dire chauffant, il dispose d’une source d’énergie ayant pour objectif de compenser les pertes caloriques que le vêtement de protection soit étanche ou humide. Deux catégories sont distinguées selon la source d’énergie utilisée, électrique ou à circulation d’eau chaude par un ombilical lorsque le plongeur est relié à la surface (plongée à saturation) ou fera partie intégrante de son équipement (plongée en scaphandre autonome). Dans le vêtement à chauffage électrique, l’énergie est transformée en chaleur via un réseau de résistances cousues sur un sous-vêtement, protégé du milieu ambiant par une combinaison sèche ou humide. Les inconvénients de cette source de chaleur résident dans le manque de souplesse, du vêtement, le risque de court-circuit et de points chauds voire de brûlures dues à la difficulté de contrôler la température de la résistance au contact de la peau, et enfin dans la nécessité d’une source basse tension pour limiter le risque d’électrocution.

Les vêtements chauffant à circulation d’eau chaude ne présentent pas ces contraintes. Il en existe trois grands types :

Ceci est un extrait du Dossier paru dans le numéro 290 Abonnez-vous

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