Le Soudan entre voile et plongée

le 02/03/2014 publié dans le N°253 de Subaqua
N253_Croisiere-Soudan
Olivier Clot-Faybesse
par Olivier Clot-Faybesse

Explorer la mer Rouge en tout petit comité, découvrir des îles au pied desquelles personne n’a jamais trempé ses palmes, vivre et partager des émotions fortes et des moments de plénitude : c’est tout cela, et bien plus encore, qui attend le voyageur embarquant au départ de Port Soudan sur le luxueux voilier No Stress. Une croisière de deux semaines, réservée à des plongeurs peu pressés et désireux de plonger autrement.
Un reportage d’Olivier Clot-Faybesse. Photos Gilles Di Raimondo et Simone Caprodossi.

Chargement de la carte...

Quasiment un an jour pour jour après mon séjour de l’année dernière, me revoilà, sous le soleil exactement, de nouveau à bord du No Stress. La rade du port est un miroir, et c’est à peine si le ketch de 54 pieds (traduction pour les non spécialistes : une embarcation à deux mâts, le plus grand étant situé à l’avant, de presque 18 mètres de long), oscille sur son mouillage. Les repères sont vite retrouvés, les sacs vidés et les blocs équipés.

N253_Croisiere-Soudan-Suakin_1

À peine les dernières formalités accomplies, nous larguons les amarres pour une nuit de navigation. Car Éole est clément et pousse dans le bon sens, c’est-à-dire vers le sud, précisément en direction du lieu de notre future expédition : l’archipel des Suakin et au-delà, c’est-à-dire à la frontière avec l’Érythrée.

Cette destination « Grand Sud » m’a été vantée par Cousteau et Falco, pardon Jérôme et Steven, respectivement capitaine et guide plongée à bord du No Stress. À écouter ces deux gaillards, la zone serait en grande partie vierge et aurait un potentiel « poisson » des plus prometteurs. Avec un tel programme à venir, difficile de trouver le sommeil. Ce qui n’est pas plus mal car j’ai un quart à assurer.

 

Sur les traces d’Henry

À défaut de lire l’avenir, le cheminement nocturne passé derrière la barre est pour moi l’occasion de se rappeler les événements de l’année passée. Parti d’Hurghada début avril, nous avions vu la côte égyptienne défiler grâce à un alizé soutenu. Heureusement, un calme relatif était revenu à notre arrivée dans le nord des eaux soudanaises.

N253_Croisiere-Soudan-Suakin_2

Les premières plongées initiatiques avaient pu avoir lieu autour des pitons sous-marins d’Angarosh et de Merlo. Des immersions à la rencontre de bancs de requins marteaux et d’une ménagerie variée, comprenant requins gris, tortues, bancs de perroquets à bosse, et gorgones fouets à profusion.

Les deux semaines suivantes s’étaient déroulées dans un égal bonheur. Nous avions admiré de graciles raies mantas près du rivage (Mohamed Qol), puis traqué de fuyants dugongs au fin fond d’une marsa peu profonde (Mesharifa), avant de se concentrer sur des vestiges d’origine humaine : épave du Blue Belt (Shaab Suedi), Précontinent II (Shaab Rumi) et, sans aucun doute une des plus belles épaves au monde, l’Umbria (Wingate Reef).

Voilà pour un bref historique et voilà aussi pourquoi une envie forte de revenir m’avait autant tenaillé.

Et comme 2012 n’a pas vu la fin du monde annoncée par nos amis Mayas, 2013 me donnait l’occasion de repartir sur les pas, ou plutôt dans le sillage, d’Henry de Monfreid.

  • Pour ceux qui ne connaissent pas le personnage, cet homme né en 1879, était un « passionné de l’aventure », à la fois navigateur, contrebandier et écrivain. Ses périples centrés sur la mer Rouge et l’Éthiopie durant les années 1910 à 1930 ont été immortalisés dans une série de récits autobiographiques et de romans. 

  • Seul sur le pont, capitaine pour une poignée d’heures d’un navire glissant dans la nuit noire, avec comme ambiance sonore le chuintement de l’eau sur la coque et le claquement des voiles tendues, impossible de ne pas se prendre pour ce cher Henry. 

Mais ne nous emportons pas. Il n’y a point de pirates à bord navigant à l’aveuglette. Juste des plongeurs curieux dont la plupart dorment pendant que le radar veille et que le traceur est activé. En outre, cette partie des eaux est encore bien cartographiée. L’aventure, la vraie, n’a pas commencé. Mais cela ne va pas tarder.

 

Seul au monde

Deux jours de vent portant, permettent de nous enfoncer au cœur de l’archipel des Suakin. Quand tout à coup, surprise ! Un immense cargo apparaît. Il est arrêté sur tribord, vraisemblablement au mouillage. C’est ça le désert ? En se rapprochant, nous comprenons qu’en fait le navire est posé sur le récif, d’où sa taille de géant.

Depuis un certain temps d’ailleurs, car observé aux jumelles, il apparaît maintenant pour ce qu’il est : une masse de métal rouillé agonisant sous le soleil et les assauts des embruns. Triste fin de carrière… S’il avait plutôt choisi de couler au pied du récif, nous aurions sans doute eu droit à une épave superbe, colonisée par des alcyonnaires et attirant une foule de prédateurs divers.

Mais pas le temps de se lamenter car le capitaine annonce la bonne nouvelle : « Nous y sommes. C’est sur cette zone que l’équipe Cousteau a tourné dans les années soixante-dix, une grande partie de son film sur les requins. Allez les gars, équipez-vous et préparez l’annexe. Je veux lancer une première exploration avant la nuit. » Un coup d’œil jeté à la carte me fait réaliser que nous sommes entrés dans un immense dédale de récifs.

 

 

 

Ceci est un extrait du Dossier paru dans le numéro 253 Abonnez-vous

Commentaires

Aucune commentaire actuellement

Écrire un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *