Les impériaux de l’archipel de Riou

Entre Marseille et Cassis s’étend et se découpe une côte sauvage et préservée aux paysages grandioses, une complicité fabuleuse entre le ciel, le soleil, la terre et la mer.

Les calanques  et les îles sont des havres de paix où la Méditerranée vient calencher. La mer au bleu profond et les falaises de calcaire blanc, saupoudrées de pins d’Alep, y dessinent des criques parfois géantes, mais toujours mystérieuses depuis la nuit des temps. Des calanques aux noms magiques que l’accent provençal fait chanter. L’archipel de Riou est au sud de Marseille, au large du massif des Calanques. Il est l’unique archipel inhabité du littoral continental français. L’île de Riou en est la principale île et culmine à 190 m, elle est parallèle au rivage et vue de la côte marseillaise, l’on dirait un vaisseau amiral. Les sentinelles de pierre hantées par des colonies de goélands veillent depuis l’aube des temps sur ces jardins merveilleux de la Provence sous-marine faits de tombants colorés de pourpre. Une des émergences du creuset humain il y a plus de 20 000 ans, l’empreinte pensante des premiers hommes, est apparue dans cet univers. Nous le savons maintenant depuis l’inventaire de la grotte paléolithique de Cosquer. Les fonds qui entourent les îles sont aussi un étonnant musée sous-marin aux multiples épaves et vestiges venus de l’Antiquité à nos jours. Ce milieu est à la fois le berceau et la mémoire de notre civilisation. Pour la petite histoire, à l’Est de l’île de Riou reposait depuis 1944 une partie de l’avion d’Antoine de Saint-Exupéry. Retrouvée en 2 000 par l’ami Luc Vanrell, et identifiée comme telle, le mystère de sa disparition a pu être enfin éclairci.

/// Direction l’archipel de Riou

Restons dans l’archipel préservé de Riou pour partir à la découverte d’autres mystères sous-marins, non pas historiques mais naturels. Ceux que recèlent trois îlots, appelés Impériaux ou Empereurs. Pour cela, je vous invite à venir à Cassis, porte d’entrée dans les calanques et à monter à bord de mon embarcation,

Le Galathée. Amarres larguées, quittons donc le port pour nous rendre jusqu’à l’archipel, en longeant la côte aux falaises de pierre blanche dans un ciel auréolé de nombreux gabians, les goélands d’ici. Les îles de Riou étaient autrefois rattachées à la terre, et les hommes de la Préhistoire entre Sormiou et Morgiou chassaient à pied le bison dans ce qui était à l’époque une grande plaine, que la montée des eaux au cours des millénaires a engloutie. Nous la survolons, traversant l’espace liquide, par un calme plat. C’est « bonasse » comme on dit à Marseille. Parmi les îlots qui escortent Riou, nous frôlons sur tribord le Grand Congloué, où les plus belles pages de l’archéologie sous-marine naissante ont été écrites par l’équipe Cousteau. Des colonies de puffins cendrés nichées sur les falaises de l’archipel sont préservées. Le vol d’un couple qui plane magnifiquement au ras de la surface nous accompagne. Silencieux en chasse de haute mer, le puffin est bruyant la nuit à terre, lançant des cris rauques et plaintifs comme des gémissements. L’archipel est aussi l’unique site de France continentale où se reproduit le cormoran huppé qui y vit maintenant à demeure. Les îlots des Impériaux sont face à nous, vers le large. Jusque-là cachée de nos yeux dans leur totalité, nous contournons l’encoignure est de la grande île de Riou pour les découvrir. L’Impérial de terre, l’Impérial du milieu et l’Impérial du large vont être les théâtres de nos plongées.

/// L’Impérial de terre

L’ancrage se fait sur un fond de sable et gravier sur moins de 20 mètres entre l’îlot et la face ouest de la grande île de Riou, ou bien à l’est de la roche, au niveau d’une bouée de mouillage mise à disposition des embarcations de plongeurs (lire par ailleurs). De modeste superficie (cet îlot est aussi appelé le petit Impérial), la plongée à son pied est la moins profonde de toutes, et l’on prendra son temps car en faire un tour complet, même détaillé, est aisé. Une immersion adaptée donc aux niveaux 1, mais les plongeurs de tous niveaux, en particulier les photographes, tomberont sous le charme de cet enchevêtrement de grands tunnels et de failles ornées de gorgones rouges et peuplées de castagnoles et d’anthias. Au plafond de ce labyrinthe, du corail rouge, alors que dans les anfractuosités, une faune très riche se dissimule : langoustes, murènes, congres, mostelles, chapons et mérous. Dans ce dédale ouvert sur le bleu, soignez votre stabilisation afin de ne pas heurter la délicate voûte de Corallium rubrum. Côté Sud de la roche, vers le chenal qui vous sépare de l’Impérial du milieu, vous pouvez descendre en dessous de 30 mètres et trouver du courant. Cette zone est assez pelée mais nantie de saupes, sars, daurades et de mérous qui nagent en pleine eau. Du côté nord vers la paroi même de Riou, vous trouverez un agréable petit tombant de gorgones violettes. En allant vers le coin ouest de la crique, de nombreux éboulis de blocs offrent des surprises. Vous pourrez même, à sa toute extrémité, découvrir une faille dans moins de dix mètres d’eau. En pénétrant dans l’ombre, avec votre lampe, vous pouvez observer des langoustes sur les parois, un nuage d’apogons rouges et souvent une belle mostelle. Au-dessus de vous, la surface est toute proche. Émerger depuis la pénombre donne à admirer un puits de lumière solaire, sorte de petite grotte-cathédrale aérienne.

/// L’Impérial du milieu

Site emblématique et donc amplement visité (de nombreux centres y viennent le week-end à la belle saison) pour une immersion réservée aux niveaux 2 ou plus. Cette classique marseillaise différera selon que vous la ferez le matin ou l’après-midi, puisque l’ensoleillement ne sera pas du tout le même. L’eau y est souvent cristalline, mais attention au courant qui peut être important (parachute de signalisation obligatoire ici). Le mouillage se fait sur un petit fond sur une des trois bouées, soit au sud, soit à l’est, soit au nord de l’îlot rocheux. Sous votre bateau, viennent fréquemment se regrouper des bancs d’oblades.