La FFESSM côté sports ! » Jean-Louis Blanchard & Richard Thomas répondent

le 01/03/2017
Quatre années de mandat et douze derniers mois riches en événements sportifs ont incité Subaqua à interviewer le président Jean-Louis Blanchard et le directeur technique national Richard Thomas sur ce large pan de la fédération parfois mal connu des plongeurs et pourtant essentiel à son développement et son rayonnement : le sport de compétition. Propos recueillis par Pierre Martin-Razi.

E traverso

Subaqua Comment un président, plongeur, issu de l’enseignement et de la technique, voit-il le sport au sein de la FFESSM ?

Jean-Louis Blanchard J’ai depuis longtemps mesuré la dimension sportive de la fédération et pris conscience de son intérêt. La FFESSM est atypique. D’un côté, son modèle économique est fondé sur la plongée mais ce sont ses disciplines sportives qui l’installent dans le paysage réglementaire, y compris le CNOSF et la CMAS. Vues sous cet angle, les disciplines sportives fédérales constituent donc un enjeu stratégique essentiel. Par ailleurs, nos pratiques sportives sont la continuité naturelle de ce que nous faisons en plongée. Elles sont très présentes dans notre paysage avec un vrai ancrage historique. Alors, au final, cette cohabitation entre plongée et sport apparaît très cohérente…

Subaqua Cette vision globale a-t-elle contribué au choix d’une direction technique nationale issue du sport et non pas de la plongée comme c’était historiquement le cas depuis toujours ?

Jean-Louis Blanchard La nomination de Richard Thomas au poste de DTN est une volonté affirmée. La commission technique nationale, une des clefs de voûte fédérale et que je connais bien pour l’avoir présidée, est bien structurée et n’est pas une commission qui nécessite un champ de spécialisation et de compétences accrues de la part d’un DTN. La fédération se devait donc de prendre un virage historique après le départ à la retraite de Claude Martin. Le choix de Richard, issu de la fédération française de canoë-kayak n’est pas un hasard. Le canoë-kayak est un sport d’eau et de pleine nature qui allie compétition et pratique de loisir. Et avec Richard, la fédération se donne les outils pour asseoir et crédibiliser sa face sportive auprès de ses instances de tutelles mais également à l’international. En termes d’image, cette ouverture au monde est aujourd’hui essentielle.

Subaqua Les activités sportives fédérales existaient pourtant, avec des résultats parfois excellents…

Richard Thomas C’est une évidence et il n’est ni question de dénigrer le travail de mes prédécesseurs ni de minimiser les actions passées ! Simplement l’approche d’une situation et son traitement sont intimement liés à la culture de celles et ceux qui en ont la responsabilité. Le sport et la compétition, leurs contraintes, leurs logiques constituent mon quotidien professionnel depuis toujours. En arrivant de l’extérieur, porteur d’un regard différent, j’ai donc fait des constats différents. Chaque commission sportive faisait individuellement un excellent travail avec des résultats souvent remarquables. Cependant, j’ai relevé un manque de cohérence fédérale entre les différentes disciplines. Nous devons évidemment créer de la performance et des médailles à l’international, ce qui impose un travail de fond depuis la base de la pyramide, auprès des athlètes comme de l’encadrement ou encore des organisateurs de compétitions mais nous devons aussi œuvrer à l’unité fédérale sans pour autant gommer les spécificités des commissions. C’est notre premier objectif.

Subaqua Par exemple ?

E traverso 1Richard Thomas Le projet n’est pas encore finalisé mais nous avançons ! Même si les commissions sont évidemment actrices au premier chef, il faut impérativement reconsidérer les règlements sportifs dont les catégories d’âge afin qu’elles soient identiques d’une commission à l’autre, refondre les calendriers nationaux, repenser les championnats de France… De même, ajouter de la cohérence au paysage fédéral impose de reconsidérer le mode de constitution des équipes de France lors des compétitions internationales. La stratégie sportive fédérale correspond à une volonté politique globale. Il faut se donner les moyens de cette politique et l’un de ces moyens est constitué par les sportifs eux-mêmes. Qui est capable de faire quoi dans un contexte préalablement choisi ? Les critères de sélection rationnels doivent être en adéquation avec le but à atteindre. Ce choix est du ressort de la direction technique nationale parce qu’elle est le lien entre la volonté politique et la pratique sportive.

Autre point, nous avons insisté sur l’image de nos équipes de France à l’étranger. Elles représentent notre pays… La citoyenneté est aujourd’hui un axe de travail qui passe aussi par le sport et, à ce titre, nous nous devons d’être attentifs à cet aspect. Enfin, il nous faut définir le projet fédéral de performance pour l’olympiade à venir. Préciser les moyens qui seront dévolus au programme d’accès au Haut niveau en termes de détection mais aussi de formation de la relève. Nous devrons aussi reconsidérer les structures d’accompagnement et préciser quels moyens seront mis sur le programme d’excellence sportive, c’est-à-dire des équipes de France qui gagnent  !

SPORTS 267 HOCKEY

Subaqua Imposer, c’est aussi contraindre. Les commissions ont-elles les moyens de leurs actions ?

Jean-Louis Blanchard Les budgets sont discutés en toute transparence. J’ajoute qu’un accompagnement supplémentaire n’est pas exclu dès lors qu’il s’agit d’une action exceptionnelle non prévue. Nous avons aussi mis en place une prime à la médaille afin de récompenser nos médaillés internationaux. Cet engagement financier me semble être une matérialisation de la reconnaissance de nos athlètes. Ce sont eux qui nous représentent et nous honorent au prix d’un engagement important et de sacrifices que l’on ne mesure pas toujours. Nos sportifs sont des amateurs, dans la noble acception du mot et cette récompense n’est que justice. Et puisque j’évoque l’international, je dois ajouter que sur cette olympiade, la France compte un représentant dans chacune des disciplines sportives de la CMAS dont deux présidents, en NAP et hockey subaquatique. Cette forte présence constitue une ligne budgétaire supplémentaire que nous considérons justifiée car elle crée du lien et renforce la position de la FFESSM au sein de la CMAS.

Subaqua Précisément, un regard extérieur pourrait penser que la plongée est prépondérante au sein de la CMAS. Est-ce le cas ?

Jean-Louis Blanchard Les avantages de la CMAS sont aussi ses inconvénients. Il faut faire attention de ne pas la comparer à une agence de certification issue, par exemple, du RSTC, puisque la CMAS n’agit pas dans les mêmes champs. Reconnue de façon unique par le CIO dans les sports subaquatiques, la CMAS se retrouve de fait dans le Mouvement sportif alors que les agences internationales telles PADI ou SSI, pour ne citer que les plus connues, n’y sont pas. Donc la plongée à la FFESSM comme à la CMAS doit être considérée comme une activité ayant une composante sportive assumée. C’est une force mais c’est aussi une faiblesse car cela pourrait occulter la dimension de loisir que mettent davantage en avant les autres agences de certification. Cela dit, pays à pays, le développement sportif et donc de celui de la plongée CMAS est du ressort des fédérations nationales. Si celles-ci disposent de peu de moyens ou n’ont pas ou peu d’ambition, le développement de la plongée par voie de conséquence reste faible. On peut rêver d’une CMAS dont la centaine de fédérations membres établirait des brevets en proportion de ce que fait la France chaque année avec 50 000 cartes délivrées, nous compterions chaque année plusieurs millions de nouveaux plongeurs CMAS…

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Subaqua Au cours de ces quatre années, quels ont été les motifs de fierté pour la fédération et pour ses dirigeants ?

Jean-Louis Blanchard Les excellents résultats de nos athlètes, des médailles d’or, des podiums, une formidable énergie positive des équipes et de leurs encadrants. Le sport fédéral vit, c’est un vrai motif de réjouissance. Au-delà de ce constat, ma plus grande fierté est l’organisation récente de deux championnats du monde, l’apnée à Strasbourg et la nage avec palmes junior à Annemasse. Nous y avons montré notre capacité d’organisateur, la FFESSM a gagné en lisibilité sur le plateau international et notre crédibilité a été confortée vis-à-vis du CNO et de ses dirigeants. Je mesure tout le travail des organisateurs et des bénévoles, le temps passé, les difficultés à surmonter, le stress… Mais les résultats sont là et, oui, j’en suis fier et heureux comme peuvent l’être toutes celles et tous ceux qui y ont participé et que je remercie encore.

Richard Thomas Je voudrais ajouter que l’organisation de ces championnats internationaux est largement le fait de plongeurs, ce qui renforce le lien entre sport et plongée dont nous parlions tout à l’heure. Outre cet enthousiasme moteur et fédérateur déployé, il faut aussi mentionner le retour sur investissement dont bénéficie la région. L’organisation d’une compétition à fort rayonnement international occasionne des liens et des soutiens, services ou subventions, des collectivités locales qui, à terme, profitent à toute la communauté fédérale… Dont les plongeurs !

Subaqua Le besoin de cohérence ne doit pas faire oublier les spécificités de chaque discipline. Va-t-on voir certaines d’entre elles mises en avant dans les années à venir ?

David Michard

Jean-Louis Blanchard Il n’est pas question de hiérarchiser les pratiques même si le statut de haut niveau de la nage avec palmes la distingue de fait des autres disciplines. Il est vrai que le sport s’inscrit aussi dans l’air du temps et nous ne sommes pas maîtres des effets de mode. Par exemple, le développement de l’apnée est finalement assez prévisible. C’est une pratique moderne, jeune, qui sous-entend un retour à la simplicité, à la nature et sur soi-même. Le succès foudroyant de la plongée sportive en piscine est, en revanche, une surprise. Le public des plongeurs, tous âges confondus, s’inscrit bien dans la dimension compétitive. On ne peut que s’en réjouir car cela assure la plongée dans le périmètre délégataire, cela constitue un vecteur de fidélisation et de conquête de publics déficitaires comme les jeunes par exemple, en lien avec l’Éducation nationale et l’UNSS. Seul bémol à ce vrai levier de développement, il ne faudrait pas que ce soit au détriment des autres disciplines faute de créneaux piscines. Nous devons, en région, vraiment travailler sur le développement de nos lieux de pratique.

Subaqua Quelles sont les perspectives du sport au sein de la FFESSM ?

Jean-Louis Blanchard Nous devons continuer sur notre lancée malgré le désengagement de l’État. Certaines facettes du sport doivent être verbalisées comme le sport santé par exemple. Je pense notamment au cas des diabétiques ou des seniors. Nous devons aussi pérenniser notre implication dans le développement durable. Grâce à Sylvie Gauchet, la FFESSM est une locomotive dans ce domaine et son travail est pris en exemple. Le sport de compétition valorise cet aspect en étant concerné au premier chef. Enfin, parce que notre société est aujourd’hui ainsi faite, nous ne pouvons pas occulter l’image fédérale. Nous souffrons d’être une institution avec la nécessité de répondre à la fois aux attentes parfois différentes entre le public et celles de l’État. Cette dualité se traduit par une image de lourdeur alors qu’il suffit de se rendre sur le terrain pour constater qu’au contraire la fédération est pleine d’énergie, de volonté et de dynamisme. Pour combler ce différentiel ou, comme disent les communicants, corriger ce déficit d’image, le sport est un levier formidable. Croyez-moi, nous n’allons pas laisser filer cette extraordinaire opportunité !

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