VIOLENCES SEXUELLES DANS LE SPORT CONTRÔLE D’HONORABILITÉ

le 30/09/2020
Les révélations récentes d’affaires de violences sexuelles dans le sport ont mis en évidence l’ampleur de la situation. Cela n’est malheureusement pas nouveau : rien que depuis 2016, ce sont 104 personnes qui ont été écartées de la profession d’éducateur sportif pour ce motif et 68 font actuellement l’objet d’une mesure de police administrative leur interdisant d’exercer tout ou partie de leur activité. En réaction, la ministre des sports, Roxana Maracineanu, a impulsé l’organisation d’une Convention nationale sur la prévention des violences sexuelles dans le sport en février 2020 dans l’objectif de mieux comprendre pour mieux agir ensemble. Une série de mesures en sont sorties dont la généralisation du contrôle d’honorabilité pour les encadrants bénévoles et les dirigeants des associations sportives (actuellement, seuls les éducateurs sportifs qui exercent contre rémunération y sont systématiquement soumis notamment lors du renouvellement de leur carte professionnelle). Par Richard Thomas, directeur technique national.

Certes, renforcer le contrôle du sport associatif est nécessaire. Pour autant, cette réponse institutionnelle produite à partir d’un scandale touchant le sport de haut niveau ne doit pas jeter l’opprobre sur l’ensemble du monde associatif sportif et générer la paranoïa notamment des parents qui confient leurs enfants à nos structures et nos cadres. Nous devons par conséquent être proactifs, faire de la prévention, responsabiliser sur les attitudes et les comportements, proposer des organisations adaptées, notamment avec les mineurs. En effet, c’est le sport dans sa culture profonde – compétitive, élitiste, sexiste – qui doit, dans son ensemble et son mode général de fonctionnement, être revisité à la lumière de ces drames individuels pour lesquels justice doit être rendue. Ainsi, la FFESSM avait, dès 2016, sollicité Philippe Liotard, sociologue au Centre de recherche et d’innovation sur le sport (CRIS) de l’université Claude Bernard de Lyon pour intervenir auprès des dirigeants de ses clubs formateurs et ses entraîneurs fédéraux nationaux de nage avec palmes afin d’éveiller et sensibiliser ces derniers aux comportements équivoques et aux risques associés dont la dénonciation calomnieuse. Philippe Liotard n’hésite pas à être provocateur pour prendre de la hauteur : « La hiérarchie sportive et son éthique de la soumission ne facilitent ni la vigilance à l’égard de ces violences ni la possibilité d’en parler, que l’on en soit la victime ou que l’on soit témoin, a fortiori lorsque l’environnement diffuse une culture sexiste et homophobe. On peut même dire que le système sportif valorise une masculinité qui a besoin de cette culture pour s’affirmer. Les violences symboliques y jouent un rôle éducatif, au sens où elles véhiculent des normes et des idéaux de masculinité ou de féminité, le plus souvent stéréotypés. Ensuite, il faut distinguer d’abord la triple domination (masculine, des adultes sur les enfants et des entraîneurs sur les athlètes) qui s’exerce sur les plus jeunes par les entraîneurs et qui expose à un risque d’emprise d’autant plus fort que ces personnes abusent de leur autorité, de leur pouvoir ou de la confiance qui leur est faite, notamment par les parents. Puis, il faut penser aux violences qui s’exercent entre sportifs. Ces dernières doivent être dissociées entre celles qui s’exercent entre sportifs du même sexe (à l’occasion de bizutages, de soirées festives et arrosées, voir à des fins d’humiliation…) et entre sportifs et sportives. Les violences sexuelles, en effet, ne se réduisent pas à l’agression ou au viol de mineurs (filles ou garçons) par des adultes prédateurs. En revanche, toutes s’inscrivent dans un système de domination au sein duquel le corps des uns-es sert d’objet au désir des autres. En ce sens, le système sportif peut produire de la vulnérabilité, dans la mesure où il expose à un risque d’agressions et de violences sexuelles de divers degrés de gravité. »

Lonely woman sitting alone beside the river. Lonely Concept.

Que l’on ne s’y trompe pas ; cela ne concerne pas exclusivement le sport compétition et plus particulièrement le sport de haut niveau. Nous sommes bel et bien tous concernés et nous avons de fait, chacun à notre niveau, un rôle à jouer. En effet, Philippe Liotard rappelle que « les violences ont d’autant moins de risque de survenir que le milieu est protecteur, c’est-à-dire bienveillant et vigilant mais aussi attentif aux rapports de pouvoir, notamment ceux qui se jouent dans le cadre de l’apprentissage du genre. La culture qui met au centre le respect des unes et des autres, qui valorise la diversité sans produire de hiérarchies stigmatisantes et qui, au contraire, crée les conditions d’un accueil respectueux, cette culture a de fortes chances de se développer dans les clubs qui y sont sensibilisés. L’attention à développer un environnement non sexiste, non homophobe et, pour le dire plus largement, non discriminant, est à la portée de tout club, à partir du moment où celles et ceux qui le dirigent et l’animent annoncent la couleur, veillent à ce que toutes et tous s’y sentent bien et mettent en place des dispositifs inclusifs et bienveillants. Bien sûr, cela ne va pas de soi, mais si la volonté existe, il est alors possible d’être accompagné par des professionnels pour trouver ensemble les meilleurs moyens de construire des vigilances collectives. »

Au-delà du contrôle d’honorabilité, de la nécessaire vigilance et de l’écoute, la meilleure des réponses est donc bien de savoir comment les acteurs du sport associatif sont en capacité de construire un autre rapport et une autre utilité sociale du sport.

> Les documents utiles, dont la fiche réflexes, sont consultables et téléchargeables sur le site de la ffessm :

https://ffessm.fr/actualites/les-violences-sexuelles-dans-le-secteur-sportif

PÉRIMÈTRE DU CONTRÔLE D’HONORABILITÉ

Notion d’éducateur sportif

Elle résulte de la combinaison des articles L. 212-1 et L. 212-9 du CDS qui ciblent toute fonction, exercée à titre rémunéré ou bénévole, d’entraînement, d’enseignement, d’animation ou d’encadrement d’une activité physique et sportive, à titre principal ou secondaire, de façon habituelle, saisonnière ou occasionnelle.

Elle est donc étendue à tout licencié exerçant des fonctions d’éducateur bénévole y compris si ses interventions :

> Sont très ponctuelles ou aléatoires.

> Sont réalisées uniquement auprès des majeurs.

> Ne nécessitent pas de diplôme ou de brevet fédéral.

> Se limitent à la gestion ponctuelle d’un groupe lors d’un match, d’un entraînement ou d’un stage.

Notion d’exploitant d’EAPS

Elle résulte de l’article L. 322-1 du CDS et interdit à toute personne d’exploiter directement ou indirectement un EAPS s’il a fait l’objet d’une condamnation prévue à l’article L. 212-9.

Un exploitant d’EAPS est une personne qui participe, en droit ou en fait, à l’organisation de l’établissement (du club) soit :

> Toutes les personnes titulaires d’un mandat social (c’est-à-dire tous les élus).

> Tous les salariés ou les bénévoles qui disposent de prérogatives d’organisation.

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