Vous pouvez plonger cent fois sur le même site, chaque plongée sera différente, avec son cortège de surprises, d’anecdotes, de rencontres inédites… Notre lot au quotidien lors de cette croisière nouvelle version : sa redécouverte à bord du Seadoors au départ de Cebu City… Nous ? On a adoré ! Un reportage de Gérard Soury.
Histoire de gommer en partie le décalage horaire, c’est à partir du nouveau club de plongée de l’hôtel Crimson, à Lapu-Lapu sur l’île de Mactan face à Cebu City, qu’a lieu notre mise en bouche pré-croisière. Une intéressante incursion dans les eaux baignant les îles de Nalusuan et Hilutungan où s’épanouit un sympathique tourisme subaquatique. Nous consacrons cette première journée à une réadaptation placée sous le signe de la détente. Après des années d’une pêche quelque peu débridée, les autorités ont, semble-t-il, légiféré efficacement et, selon le principe qu’un poisson est d’un meilleur rapport économique vivant que mort, préféré protéger les sites et proposé aux clients de passage une découverte décontractée des fonds marins.
Une inopportune dépression s’étant installée dans le nord des Visayas, le capitaine du Seadoors décide d’inverser l’itinéraire prévu. Dont acte. Nous mettons nuitamment cap au Sud-Sud-Ouest. Il est 5 heures lorsqu’à l’ouest de l’île de Bohol se profile l’île de Cabilao sous sa coiffe de cocotiers. Je retrouve Greg avec un plaisir non dissimulé, un de ces guides comme je les aime, calme, efficace et auquel rien n’échappe, pas même la plus discrète créature en tenue de camouflage.
C’est pourtant un animal d’un tout autre calibre qui nous accueille lors de la plongée inaugurale : une énorme tortue verte surprise dans son sommeil mais qui pourtant ne manifeste aucun signe d’agacement. Je la soupçonne même de s’être rendormie après notre passage. C’est dit, nous consacrerons trois plongées superbes à cette île haute en surprises. Le menu en vaut la peine.
Une fois franchie la surface, le paysage sous-marin vaut à lui seul son pesant de nitrox : à perte de vue, des cascades de corail en vasques, gigantesques empilements grouillants de vie, riches en surprises de tous calibres, tels ces platax voiles juvéniles, délicats bijoux hyperactifs, cauchemars du photographe tant ils sont insaisissables. Je ne voudrais surtout pas oublier les stars de ces eaux généreuses, les improbables poissons crapauds enveloppés dans les éponges oreilles d’éléphants jaune moutarde, tellement confiants en leur faculté de mimétisme qu’ils ne bougent pas un cil lorsque nos objectifs indiscrets les scrutent sous toutes les coutures.
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La mise en place de la première enquête sous-marine, un jeu organisé par Objectif Atlantide en mai dernier, a été l’occasion pour Pierre Martin-Razi de découvrir une île philippine, Cabilao, aussi petite que plaisante. Une manière de plonger qui diffère de la croisière mais qui offre quelques-uns des avantages d’un bateau immobile. Retour sur une semaine de bonheur. Photos de l’auteur.
Avez-vous lu Lawrence et son « Homme qui aimait les îles » ? Dans cette brillante nouvelle de fin de vie, l’écrivain-voyageur s’interroge : peut-on être soi-même dans un territoire fini ? Peut-on y construire son monde, voire simplement y être au monde ? J’ignore si l’auteur de L’Amant de Lady Chatterley connaissait les Philippines tout comme je me demande ce que veut dire « être soi-même » (bonne question : vous avez trois heures, développez !), il n’empêche : les 5 200 âmes qui vivent dans les cinq villages de l’île philippine de Cabilao n’ont pas l’air abattu par des questionnements métaphysiques de cet acabit ! Les enfants joueurs s’amusent d’un rien ; entre deux tranquilles activités nourricières (un peu de pêche, une agriculture modeste ou un brin de vannerie…) les adultes font la fête avec une régularité de bon aloi. Enfin, preuve par les moins neufs (pardonnez-moi, j’arrive au bout !), les vieillards, sourient à un monde bien éloigné de toute agitation : il leur a été si facile, au cours de leur vie, d’en faire le tour à pied… Ici, si elles existent, les tensions sont plutôt bien cachées.
Pour être tout à fait franc, l’objet premier de ma présence ici n’est pas stricto sensu un reportage sur la plongée… Comme une poignée de consœurs et de confrères, je suis venu pour suivre la première édition de l’enquête sous-marine mise en place par Daniel Méouchy et l’équipe d’Objectif Atlantide (cf. Subaqua n° 279). Une petite semaine qui secoue la torpeur de l’île le temps de quelques discours officiels, spéculations fiévreuses de policiers en herbe et plongées à la recherche d’indices que la mer et l’esprit tortueux de l’équipe d’OA ont cachés…
Cela n’interdit pas pour autant de lorgner les poissons-pêcheurs, les carangues en chasse ou les cascades multicolores de coraux mous… La vérité, c’est que toutes les élucubrations méouchiennes n’ont d’autre but que de se mettre à l’eau ! Petit retour sur les plongées possibles…
Avec la mer pour horizon et la frange bruissante des cocotiers, préparant pour la énième fois mon appareil photographique, je me demande si l’exemple que j’ai sous les yeux ne récuse pas toutes les spéculations d’un écrivain génial certes mais un rien misanthrope… Bienvenue à Cabilao, une île parmi les îles, petite voisine de Bohol au cœur des Philippines, dans l’archipel des Visayas…
Le centre de plongée Sea Explorers se situe tout à côté du Pura Vida Cabilao l’unique hôtel de l’île, situé dans le Nord-Est. L’extrême petitesse de l’endroit permet aux bankas, les traditionnels trimarans philippins construits en bambou de se rendre sur tous les sites en quelques dizaines de minutes. À l’exception de trois ou quatre d’entre eux situés dans la partie sud de l’île, tous sont en effet regroupés sur la face nord, de Balay reef et Gorgonian wall à l’ouest jusqu’à Combaquiz à l’est, c’est-à-dire autour du centre de plongée…
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Tubbataha reef est planté au cœur de la mer de Sulu aux Philippines à près de 200 km de la province de Palawan et au sein du Triangle de corail. Ce sanctuaire marin protégé, une fierté pour les Philippins, est formé de deux atolls récifs avec une très grande biodiversité, classé au patrimoine mondial de l’humanité par l’Unesco depuis 1993. Le site est isolé au large, son parc marin n’est accessible qu’à la plongée et qu’en croisière, lors de la saison sèche et seulement trois mois dans l’année. Ce lieu de plongée est le plus renommé des Philippines. Il accueille sous l’eau une forte densité de poissons avec un millier d’espèces, près de 400 sortes de coraux et quantité de requins de récif et de tortues. Un reportage de Frédéric Di Méglio.
Après un vol de 1 heure depuis Manille jusqu’à cette capitale de la grande île toute en longueur de Palawan, embarquement sur une jetée à la nuit tombée avec le canot qui nous amène à bord du yacht de croisière le M/Y Resolute, mouillé dans la longue baie protégée. Route à l’est en mer de Sulu pour 98 miles nautiques, près de 12 heures de navigation pour notre croisière plongée d’une semaine vers le récif de Tubbataha. Un site isolé où toutes les rencontres sont possibles, photo grand-angle assurée sur la vingtaine de sites de plongée à explorer pour la semaine. Des garde-côtes philippins sont présents sur l’un des bancs de sable pour surveiller le parc et le protéger des braconniers. Le nom de Tubbataha vient de deux mots de la langue sama signifiant « un long récif exposé à marée basse ». À marée haute, les deux atolls sont quasiment recouverts. Chacun possède un ou deux petits îlots de sable permanents en son centre, sanctuaires d’oiseaux avec des frégates, des sternes et des fous. Le parc naturel marin est fait de trois récifs, posés sur des fonds de plus de mille mètres, l’atoll nord et l’atoll sud séparés d’un chenal de 600 mètres de profondeur, et plus à l’ouest l’îlet de Jessie Beazley aux tombants vertigineux qui a été ajouté au périmètre du parc marin en 2008. Des lieux réservés à la plongée, qui y est strictement encadrée, accessibles à une quinzaine de bateaux ayant ce permis et pour quelques centaines de privilégiés chaque année pendant la saison sèche de mi-mars à mi-juin, seule période calme autorisée.
Autrefois, avant que le Parc naturel national ne soit créé, le braconnage à l’explosif était classique. Maintenant le corail est magnifique. Les tombants verticaux sont couverts de grandes gorgones, arbres de corail noir, coraux mous et éponges barriques. On trouve ici une des plus fortes densités de requins corail qui soit au monde. De nombreux juvéniles de pointes blanches et de gris sont présents à chaque plongée, de même il y a une forte fréquentation en tortues vertes et en tortues imbriquées selon les sites, très présentes sur les zones du platier. Lesquelles tortues viennent pondre sur les langues de sable. La température de l’eau oscille entre 28° et 31 °C de mars à juin et la visibilité est excellente à cette époque. La plupart des plongées sont faciles, d’autres selon les courants horizontaux de marée nécessitent des plongeurs plus confirmés (un bon niveau 2 conseillé). La situation unique de Tubbataha au milieu de la mer de Sulu en fait un des écosystèmes récifaux les plus anciens des Philippines. Ces atolls jouent un rôle fondamental pour le processus de reproduction et de colonisation des organismes marins vers l’ensemble de la mer de Sulu. La présence de grands prédateurs tels le requin-tigre ou le marteau est indicatrice de l’équilibre écologique des lieux.