La voix du commandant retentit lorsqu’il contacte les autorités portuaires afin de signaler son départ : « Contrôle du port d’Odessa, ici Calypso. Demande autorisation de sortie à travers Vorontsovskiy. Notre itinéraire : région du Cap Bournas, Chagani, Port d’Ust-Dounaisk et l’île Zmeini(1). J’ai six personnes à bord. Capitaine Tobak ». Immédiatement une voix nasillarde retentit dans l’habitacle : « Autorisation accordée à Calypso. Bon voyage ». C’est par ces deux phrases laconiques échangées sur le Canal 16 de la VHF que commence cette expédition hors du commun destinée à identifier l’épave d’un sous-marin soviétique ayant sombré lors de la Seconde Guerre mondiale à une dizaine de milles des côtes de l’île Zmeini. La mer est belle et Calypso vogue tranquillement vers son but. À son bord certains discutent alors que d’autres somnolent, bercés par le ronronnement régulier du moteur et un léger roulis. Passé le phare Vorontsov, les regards se portent sur l’horizon où le soleil commence à apparaître et ne tarde pas à réchauffer l’atmosphère.
L’aventure que vont vivre ces plongeurs a débuté un an auparavant lorsqu’ils ont appris l’existence de cette mystérieuse épave de sous-marin reposant à faible profondeur. Les informations dont ils disposaient au début étaient bien faibles, mais petit à petit leurs efforts ont fini par porter leurs fruits et des documents trouvés dans les archives leur ont permis d’espérer pouvoir identifier le submersible en question. Néanmoins des détails incompréhensibles laissaient quand même planer de sérieux doutes sur l’objet de leur quête ! Ainsi les propos du commandant de Calypso : « Durant plusieurs années j’ai travaillé avec le service hydrographique de la Marine russe. L’année dernière la Marine a travaillé dans cette zone et je leur ai demandé des précisions au sujet de l’objet reposant au point N 45° 10, 54 et E 30° 08, 42. Parallèlement j’ai reçu des documents des archives de la Marine concernant l’examen de cette épave effectué dans le passé. C’est à ce moment que s’est posée la première question. En effet, l’épave était décrite dans un rapport d’un club de plongée comme appartenant à un sous-marin de la série X. Mais d’après la Marine il s’agissait d’un submersible de la série S. Comble de bizarrerie, le service hydrographique annonçait qu’aucune épave ne reposait à ce point-là mais que la plus proche se trouvait à plusieurs kilomètres ! ». Quel pouvait bien être ce sous-marin ?
Après une navigation relativement longue mais sans encombre, Calypso et son équipage arrivent le 31 mai à 10 h 25 devant l’île Zmeini. Après avoir pris contact avec les gardes frontières et leur avoir expliqué le but du périple, ces derniers accordent la permission d’aller sur zone investiguer l’épave. Il ne faut pas longtemps pour que les vestiges du mystérieux sous-marin soviétique soient localisés à la latitude Nord 45° 10, 38 et la longitude Est 30° 08, 26. Sur Calypso l’excitation est à son comble. À 12 h 30 la première palanquée constituée de Philippe Yakimov et Maxym Krivonos descend dans une eau verdâtre assurer le mouillage sur l’épave et découvre avec stupéfaction le submersible, lequel est coupé en deux tronçons.
La profondeur est de trente-cinq mètres et la visibilité excellente pour la mer Noire puisqu’atteignant une dizaine de mètres. La température de l’eau est de 7 °C seulement mais les plongeurs sont tellement captivés par ce qu’ils observent qu’ils ne ressentent pas la morsure du froid. L’étrave est complètement détachée et se trouve sur le côté bâbord du sous-marin, formant un angle d’environ 100°. La porte du tube lance-torpilles supérieur tribord est ouverte et une torpille est visible. La barre de plongée apparente attire immanquablement l’œil exercé des plongeurs à cause de sa forme curieuse et sans aucun rapport avec un sous-marin de la classe Sh. Elle rappelle plutôt une autre série et cette constatation ne manque pas d’interpeller les plongeurs. Philippe Yakimov pénètre dans l’étrave et photographie les tubes lance-torpilles. Des inscriptions sur les portes de fermeture arrières sont clairement déchiffrables malgré des décennies passées au fond de la mer. La palanquée se dirige ensuite vers l’autre partie du sous-marin, beaucoup plus grande.