À la une de la revue fédérale : la flamme olympique !

Véronique LHuissier
Publié le 25 avr. 2024, modifié le 18 sept. 2024

À la une de la revue fédérale : la flamme olympique !

1968. Flamme Olympique CAM et FFESSM

On parlera sans doute de la mer et de l’ancrage de Marseille dans cette mer à l’occasion de l’arrivée de Grèce au Vieux Port en voilier de la flamme olympique. Mais sans doute le monde sous-marin et son exploration nés sur ces rives seront moins évoqués qu’en 1968, lors d’un premier passage.

Pas de souvenir de flamme ou de son parcours pour les Jeux de Paris de 1900 ou de 1924, puisque l’association aux Jeux d’une flamme allumée à Olympie est une création lors des Jeux de Berlin en 1936. Le relais de la flamme, parcours enthousiaste et populaire en prologue des compétitions, est une création de 1964. Devant les incidents provoqués sur son passage, l’idée d’un parcours international introduite pour Pékin en 2008 a été aussitôt abandonnée devant les incidents provoqués un peu partout dans le monde. Depuis, c’est aussi un concours des moyens de transport les plus insolites.

C’est ainsi que la fédération s’associe au relais de 1968 comme nous le montre la couverture du numéro 43 de "Plongées, le magazine de la mer" de mars 1968.

Une autre photo de ce moment, publiée dans le livre des 50 ans du nom de la FFESSM, montre tous les participants (photo Munschy) : Amary, Bérenger, Gautier, Jouve, Mattio, Mazelier et Tomassetto.

La presse est dithyrambique : "le relais le plus insolite" "pour la première fois, la flamme va naviguer sur la Méditerranée", "par la température qui régnait sur et dans le plan d’eau, c’était le plus bel hommage que l’on pouvait rendre à la flamme", etc.

C’était il y a 56 ans mais les Marseillais s’en souviennent et des relayeurs témoignent un peu partout en France. Je citerais sans doute au passage quelques noms d’athlètes que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître….

La flamme arrive de Grèce en caravelle à Orly où Jean Vuarnet la réceptionne (ah, la caravelle… le fleuron et la fierté de l’industrie française !). Alain Mimoun effectue ensuite le premier relais. Le parcours démarre le 16 décembre pour parcourir la France sur 7 222 km grâce à 5 000 relayeurs, pour arriver à Grenoble le 6 février 1968 où Alain Calmat, dernier relayeur multi médaillé et futur ministre des Sports, enflamme la vasque. C’est le 16 janvier 1968 que la flamme arrive à Marseille en provenance de Montpellier. Elle repartira le lendemain et c’est àncette date du 17 janvier où, pour rejoindre la Corse, elle va traverser le Vieux Port à la nage. Au tout petit matin, 7h30, "un jour sale, humide, se levait sur Marseille" (rappel, on est en janvier). Arrivée au monument des mobiles avec des cyclistes, elle est prise par René Combres, un marathonien au jeux de Mexico. Il portera à nouveau la flamme en 1992 pour les Jeux d’Albertville et à 86 ans aujourd’hui il témoigne encore. Il descend la Canebière vers le quai des Belges, aujourd’hui quai de la Fraternité. "Les ouvriers, les employés se rendant à leur travail, les étudiants, les écoliers sur le chemin de leurs divers établissements, lui firent une hale d'honneur improvisée, la plus belle peut-être qu'elle ait connue". Raoul Vignettes de la Marseillaise est lyrique "Un frisson nous parcourut le dos et notre pensée s'envola un instant vers la terre d’Olympe, vers la Grèce, où actuellement la liberté est bafouée" (Dictature des colonels de 1967 à 1974). Il semble qu’il se soit laissé porté par cette foule et que la flamme soit alors en avance. Au vu du fond des photos il semble qu’il ne se soit pas arrêté quai des Belges comme le disent les journaux, mais plutôt quai de Rive Neuve ! Il se penche et transmet la flamme à Tony Salvatori qui part à la nage vers une yole des clubs d’aviron de Marseille.

En fait on prendra le temps d’une photo mêlant marathonien, chasseurs et rameurs au bord du quai. À gauche sur  la photo, masques sur le front, combinaisons noires à bandes jaunes, les plongeurs se préparent. Pierre Madaloni a la torche en main, vice-champion du monde en quatre avec barreur,  il participe aux Jeux de Tokyo en 1964 en huit, et est toujours actif aujourd’hui au Cercle d’Aviron de Marseille ou au CODEP 13. Il va rejoindre la yole où attend un jeune espoir, Denis Masseglia. Devenu champion de France l’année suivante en quatre sans barreur, il mènera une brillante carrière sportive et de dirigeant pour devenir président du Comité national olympique et sportif français de 2009 à 2021.

Les articles parlent du quai des Belges, mais le fond des photos suggère qu’elles aient été faites un peu plus loin, sur le quai de Rive Neuve, où la FFESSM a son siège depuis mars 1961. La yole ira se repositionner avant le départ des nageurs et les attendra plus loin ainsi que deux autres yoles. Il semble que des confusions à ce moment-là amèneront les nageurs à parcourir 1 km au lieu des 200 m initialement prévus.

La photo du relais, où il semble que Salvatori se soit équipé d’un flotteur autour de son avant-bras droit, afin sans doute de ne pas prendre le risque d’une immersion de la flamme.

La yole ensuite accoste au quai de l’Union nautique, sous le palais du Pharo que rejoint un nouveau champion de France d’athlétisme. Une championne (enfin une femme !?) "qui allie harmonieusement la grâce féminine et la pratique sportive"  se contente de "de brandir une dernière fois la flamme et se tasse avec la flamme dans l’hélicoptère" malgré ces 5 titres de championne de France de lancer de javelot et sa participation aux Jeux de Tokyo.

À noter que le relais de Grenoble ajoute à la caravane des lampes de mineur afin de bien protéger des moments délicats, comme lutter contre le souffle d’un hélicoptère. Ils ont bien fait puisqu’en conférence de presse un responsable avoue avoir déjà essuyé 27 jours de tempête où la flamme s’est éteinte 20 fois ! La flamme rejoint ainsi Marignane  où l’attend un Catalina en partance pour la Corse. "Au revoir petite flamme, symbole d’un monde meilleur auquel aspiraient les hommes voici des milliers d’années, un monde meilleur qui se réalisera bien un jour."

Dans la revue fédérale il est aussi mention de champions de nage avec palmes porteurs de flamme à Paris quelques jours avant, Selosse, champion de France du 100 m en 1967, Colace (?) et "Mll" Eckstein, championne de France du 100 m en 1967, sans que je puisse en trouver trace. Tout ceci est "un signe encourageant pour tous ceux qui espèrent voir aboutir les démarches entreprises par la CMAS pour que le Comité olympique international agrée certaines disciplines qui constituent un véritable pentathlon sous-marin". Hélas…

Plus loin dans la revue, au chapitre apnée, la course aux records continue. Lorsqu’un américain plonge à 66,14 m Jacques Mayol se remet à l’eau pour reprendre le record fin 1967. En 2 minutes  et 21 secondes il porte ce record du monde à 70,40 m. (Comme on pouvait s’y attendre, Enzo Maiorca fait de même l’année suivante, puis Mayol, puis Enzo… on connaît l’histoire ). Note : à l’époque on parle surtout de record de profondeur absolu quel que soit le moyen, ici le poids variable, no limit. Pourquoi parler d’apnée dans cette article ? Parce que ce sont nos apnéistes qui prennent le relais des chasseurs de 1968 pour le relais de la flamme 2024.

Notons qu’il est de plus en plus difficile de s’associer à la fête. Vous avez vu sur les photos une foule variée se presser le long du quai lors du passage de la flamme, ce ne sera pas le cas cette année où les mesures de sécurité autour du Vieux Port seront considérables. À vos agendas !

Sous réserve puisque les informations sur le parcours sont données au compte-goutte : Arnauld Jerald sera dans le relais à Marseille le 8 mai, et Alice Modolo ira chercher la flamme à 40 m le 18 juin à Villefranche-sur-Mer, cela sera-t-il à nouveau "le relais le plus insolite" comme en 1968 ? En tout cas bravo à eux, et à tous les autres licenciés engagés dans ces jeux à différents postes ! Restez à l’écoute des réseaux pour avoir les détails lorsqu’ils paraîtront.

Michel Lambinet

Réf : Articles de Raoul Vignettes de LaMarseillaise, de Louis Deville et un article non signé. Photos non signées pour La Marseillaise, et de Raphaël Tamburelli, Jo Nahon, Gaston Schiano et Paul Vitiello.

Remerciements : Éric Monin, maître de conférences HDR à l’université de Franche-Comté. Laboratoire Culture, Sport, Santé, Société (C3S), spécialiste du Mouvement olympique international.  (il est né en 1968…)  qui avait utilisé ces photos et a attiré mon œil lors de mes recherches. Pierre Maddaloni, acteur de relais 1968 pour le Cercle d’Aviron de Marseille qui a répondu à mes questions et m’a procuré les coupures de presse et la photo.

 Pour aller plus loin :

En France : https://www.paris2024.org/fr/parcours-relais-flamme-olympique/

À Marseille :  https://www.marseille.fr/sports-loisirs/actualites/la-flamme-olympique-a-marseille-0

Illustration d'un ordinateur de plongée
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