Depuis 1984, les Açores ont tourné la page de la chasse au cachalot, désormais la préservation et la mise en valeur du patrimoine naturel marin sont au cœur des préoccupations des habitants de l’archipel.
Remplacer une économie d’épuisement des richesses marines par une autre bien plus respectueuse de leur conservation est une opération qui sera à coup sûr gagnante. Nombreux sont les touristes qui viennent dans cet archipel pour observer au plus près qu’il est permis baleines, cachalots et dauphins de diverses espèces. Mais sous la surface des vagues, il y a également d’autres richesses marines à découvrir. Pour les plongeurs, les deux îles les plus emblématiques sont assurément Santa Maria et Faial. Chacune mérite qu’on y passe au moins une semaine, lors d’un même voyage ou à deux occasions séparées.
Paulo Reis, notre hôte lors de notre séjour sur l’île de Santa Maria, est une force de la nature au sourire permanent. Avec lui les problèmes n’ont pas le temps d’apparaître qu’il les a déjà résolus ! Natif de Santa Maria, il y a créé un club de plongée, Paralelo 37, dont les locaux sont intégrés dans l’hôtel vaste et confortable où nous logeons. Chaque départ en mer sur le semi-rigide parfaitement adapté à la plongée est l’occasion de la découverte d’une partie du littoral, au relief parfois somptueux, qu’il nous commente avec son expérience d’îlien légitimement fier de ses origines. La genèse volcanique des Açores a fait apparaître une superbe diversité d’architectures géologiques prenant les formes d’impressionnantes falaises composées d’orgues basaltiques ou d’îlots aux arêtes tourmentées. La météo, généralement clémente de l’été aux Açores, nous a permis d’éviter d’entendre les terribles sonorités que les vagues géantes de l’océan pourraient créer sur ces orgues marines… Les colonnes d’Hercule sont loin derrière nous, mais le chant des sirènes pourrait nous surprendre à tout instant ! Parmi les sites explorés avec Paolo, deux nous ont semblé particulièrement remarquables : Pedrinha et Ambrosio.
Le site nommé Pedrinha, à peu de distance du petit port où nous avons embarqué, a été déclaré réserve naturelle pour d’excellentes raisons. Sa biodiversité est particulièrement riche, ce qui est déjà pour nous un atout majeur et, par ailleurs, il s’agit d’un chaos de blocs de roches volcaniques offrant un relief particulièrement agréable à parcourir en plongée.
Nous y effectuons une de nos premières immersions. J’ai plaisir à photographier, au début, une femelle de poisson-perroquet européen (Sparisoma cretense) qui semble se reposer sur un lit d’algues padines (Padina pavonica). J’ai failli l’embrasser tant elle avait bien choisi sa position et son environnement ! Les padines, en forme de cornets blanchâtres, sont particulièrement nombreuses à faible profondeur. Contrairement à ce qui est la règle générale chez les poissons (ainsi que dans d’autres groupes d’animaux, sans évoquer les Hominidés…), la femelle du poisson-perroquet européen est bien plus colorée que le mâle. Elle est d’une couleur rouge tomate, agrémentée de quelques taches jaunes, tandis que son partenaire est d’une teinte générale grise bien plus terne ! Il s’agit de poissons à la nage particulièrement active. Ces perroquets femelles apportent ici des couleurs bienvenues sur nos prises de vues. En effet, les substrats rocheux sont dans l’ensemble bien moins colonisés, à profondeurs équivalentes, que ceux que nous connaissons sur nos côtes de Méditerranée ou d’Atlantique. Mais nous ne sommes pas venus ici pour retrouver ce que nous connaissons chez nous ! À chaque détour de roche, des observations originales peuvent d’ailleurs être effectuées : une limace de mer rare, du genre Kaloplocamus (désolé pour les cinq syllabes !) ou un couple de labres-cochons (Bodianus scrofa) dont les teintes particulièrement vives sont en harmonie avec celles des femelles de perroquets. Avant le palier, au sommet d’une tête de roche, j’ai la possibilité de faire très facilement des photos de carangues dentues (Pseudocaranx dentex). Ayant l’occasion d’observer de près ces beaux poissons inconnus sur nos côtes, je comprends soudain pourquoi ils viennent aussi près de nous. La tête de roche près de laquelle je me tiens est une station de nettoyage où les poissons pélagiques viennent se faire déparasiter par des girelles-paons (Thalassoma pavo) ! En Méditerranée, jamais je n’avais eu l’occasion d’observer le comportement nettoyeur de ces superbes girelles qui n’ont rien à envier à leurs cousines tropicales. Nous effectuerons également une plongée de nuit à Pedrinha, et nous en garderons un souvenir très fort : nous sommes remontés à la dernière limite du temps autorisé tant il y avait d’observations à faire !
La navigation vers le site nommé Ambrosio est assez longue : il faut plus d’une heure pour parvenir à la bouée qui marque l’emplacement de ce haut-fond situé au large de Santa Maria. Le temps de navigation n’est pas perdu, Paulo n’hésite pas à faire un petit détour pour permettre l’observation de dauphins ou de tortues caouannes (Caretta caretta).
Comme un bon nombre d’autres espèces pélagiques, celles-ci peuvent être accompagnées de poissons-pilotes (Naucrates ductor). Pour la première fois, j’ai la grande satisfaction de photographier cette tortue marine européenne.