Subaqua Dans ton précédent entretien, tu soulignais qu’un des ressorts de tes expéditions touchait au problème du changement climatique et au besoin de sensibiliser sur son impact dans le monde de la glace. Cela est plus que jamais le cas ?
Alban MichonTout à fait. En 2010, lors de ma précédente aventure au Pôle Nord géographique, l’expédition s’était révélée des plus extrêmes avec un accès à cet endroit unique très difficile. Or, quelques années plus tard à peine, en 2015, je tombe sur un documentaire édifiant. Il relate l’histoire d’un brise-glace nucléaire russe qui emmène des centaines de passagers chinois précisément au même endroit où j’étais en 2010. On les voit descendre sur la banquise pour faire un barbecue géant… Ainsi, en cinq ans à peine, nous sommes passés d’une aventure à un voyage. Tout va dorénavant, vite, très vite. Autre exemple, le mythique passage du Nord-Ouest (dans le grand Nord canadien arctique) est en train de devenir une route maritime reliant les océans Atlantique et Pacifique. Un nouvel eldorado maritime qui permet aux bateaux de commerce d’économiser environ 5 000 km sur leurs trajets habituels. Il ne faut pas oublier que la banquise arctique est à la base du climat. Si la glace fond, cela va précipiter un déséquilibre général. Ce changement historique, nous le vivons en ce moment. Il est par conséquent vital d’expliquer et d’informer tout en s’adaptant au monde de demain. C’est pourquoi je souhaite, par le biais de mes aventures, toucher le grand public à ma manière. C’est-à-dire le sensibiliser tout en le faisant rêver. Mon souhait, c’est de montrer que le changement climatique prend réellement forme mais que rien n’est perdu et que la nature reste encore belle.
Subaqua Ironiquement, la météo n’a pas été lors de cette expédition en mode « je me fais un sympathique barbecue sur la banquise » ?
Alban Michon (sourire) Effectivement, j’ai été gâté. Plusieurs jours durant, le mauvais temps, le vent glacial en face de moi et le jour blanc permanent m’ont fait perdre mes repères. Les températures très basses, jusqu’à - 55 °C, ont gelé la cornée de mes yeux me rendant partiellement aveugle pendant quelques jours. Et puis j’avais compté sur le fait que la banquise commencerait à se fracturer, ce qui m’aurait permis de me glisser facilement à l’eau. À la place, j’ai eu du très solide et compact, soit deux mètres d’épaisseur de glace. Avec à la clé plus de sept heures à creuser un trou pour pouvoir m’immerger. Alors oui, j’ai vécu des journées éprouvantes physiquement et mentalement.