Bulles de bio LA BARBE DE THANATOS

Vincent Maran
Publié le 30 avr. 2015, modifié le 18 sept. 2024
Doris m’a confié, avec une infinie tristesse, qu’elle n’était pas très optimiste au sujet de la santé de certains fonds méditerranéens. Elle compte sur nous, plongeurs amoureux de la vie marine, pour témoigner de leur évolution afin de tenter de remédier aux maux qui l’accablent. Vaste programme…

UN VOILE DE MORT

Tout plongeur, curieux de biologie ou non, se plaît à admirer la variété et la beauté des organismes de nos côtes méditerranéennes. Certains d’entre eux ont d’ailleurs reçu des noms évocateurs et flatteurs, en rapport avec des divinités du panthéon gréco-latin comme la dentelle de Neptune ou la ceinture de Vénus. Hélas, depuis quelque temps, une menace biologique qui est une des conséquences des activités humaines – la prolifération des algues filamenteuses sur certains sites – affecte la richesse et la beauté de la vie sous-marine. Son aspect sinistre et ses conséquences létales sur certains organismes marins peuvent lui faire mériter le nom de « barbe de Thanatos », le dieu de la mort… C’est en effet un paysage de désolation qui s’est étalé sous nos yeux durant une plongée dans le Var lors de la saison dernière. Une épaisseur de plusieurs dizaines de centimètres d’algues filamenteuses verdâtres recouvrait tombants et surplombs quasiment depuis la surface jusque dans la zone des 30 mètres. Toute la variété du relief et la richesse de la vie fixée disparaissaient sous un suaire monotone et duveteux. Un voile de mort apparaissait semblable à celui qui recouvrait autrefois les meubles des maisons des défunts.

De quoi rendre morose le plus enjoué des plongeurs et neurasthénique l’amateur de vie marine. Les gorgones tentaient de dépasser de ce magma informe et impalpable, mais chacun de leurs rameaux était également envahi par cette peste filamenteuse. De proche en proche, notre palanquée a rencontré des petits rassemblements d’anthias stationnés à quelques dizaines de centimètres au-dessus de ce paysage sinistré. Les poissons semblaient perdus, résignés, ne sachant plus où trouver leur place. La plongée s’est terminée avec dans la tête des idées noires, tout à l’encontre du plaisir que l’on vient chercher le plus souvent durant nos immersions.

RÉFLEXIONS D’UN SCIENTIFIQUE

Marc Verlaque, chargé de recherche au CNRS, spécialisé en algologie et vérificateur scientifique pour DORIS s’est penché sur le problème et nous communique ici le fruit de ses réflexions.

Illustration d'un ordinateur de plongée
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Illustration d'un mérou brunIllustration d'un rocher