La Bretagne possède un remarquable patrimoine englouti. Des siècles de trafic maritime agrémenté de diverses fortunes de mer dues aux éléments et aux conflits ont vu de nombreux bateaux disparaître sous les eaux. Quand, sur les sentiers côtiers, le promeneur observe l’immense étendue liquide qui lui fait face, il peine à imaginer les vestiges historiques qui parsèment les fonds marins, royaume inaccessible au commun des mortels. Univers impénétrable chargé de mystères pour beaucoup, mais espace de jeux et de plaisir pour les plongeurs passionnés d’histoire. Dans cet univers silencieux, parfois inquiétant, dorment des centaines d’épaves contemporaines à portée de palmes offrant aux visiteurs la possibilité un court instant de voyager dans le temps.
Du sous-marin au cargo en passant par le cuirassé ou le chalutier, la liste de sujets potentiellement intéressants est vaste et il est souvent difficile de choisir. Le débutant privilégie les spots connus, accessibles, le plongeur plus expérimenté préfère généralement les sites moins fréquentés. Pour ce faire il jette son dévolu sur des épaves délaissées car trop profondes pour le novice ou présentant un intérêt visuel discutable. Et elles sont nombreuses ces « belles englouties » oubliées de la majorité des plongeurs ! Elles disparaissent sans tambour ni trompette, victimes de la corrosion, de la main de l’homme ou des tempêtes. Véritables ponts temporels entre le passé et le présent, souvent témoignages émouvants d’évènements dramatiques, elles offrent pourtant une vision authentique de l’histoire maritime. Et si certaines sont, de par leur profondeur ou éloignement, réservées à quelques initiés, nombreuses sont celles facilement accessibles au plus grand nombre.
C’est ainsi qu’en quête d’une plongée ludique néanmoins digne d’intérêt, nous projetons au sein de l’Expédition Scyllias (www.scyllias.fr) d’aller saluer l’épave d’un vieux cargo inconnu disloqué reposant par environ - 35 m, non loin de la côte entre les ports de Doëlan et Brigneau. Mais il y a parfois loin du rêve à la réalité. En fait, pour que le rêve se réalise il nous faut disposer non pas d’une baguette magique mais présentement d’un… bateau ! Et les candidats pour nous amener sur site ne sont pas légion, c’est le moins qu’on puisse dire. Heureusement la société ploemeuroise Atlantic Nature vient à notre aide en mettant à notre disposition un semi-rigide et un skipper, Tristan Gautron, assistant de direction dans l’entreprise. Un matin ensoleillé nous embarquons au port de Kernevel notre matériel sur le bateau d’Atlantic Nature. Une fois atteint la pleine mer, nous filons à 25 nœuds en direction de cette épave que nous n’avons pas vue depuis une dizaine d’années. Je m’en souviens vaguement, hormis plusieurs ancres et une grosse chaudière, elle ne m’a pas laissé un souvenir impérissable. Mais Alain, mon coéquipier, en garde lui un bon souvenir et je suis donc impatient de retourner sur ce site, d’autant que le soleil brille et la mer est à peine agitée par un petit clapot que l’on sait ne pas durer car les prévisions météo sont excellentes. Après une courte navigation nous arrivons sur zone et la localisation de l’épave est immédiate. Nous mouillons : latitude Nord 47° 43’ 745 et longitude Ouest 03° 39, 885. Je vois l’ancre disparaître dans une eau bleue et claire. J’ai beau savoir que cette limpidité à la surface n’est en rien gage de visibilité au fond, le fait est que cela donne envie de plonger. Nos blocs sont chargés en nitrox 32 grâce aux bons soins de Messer France et la plongée s’annonce divertissante. Le but est avant tout de faire une petite balade sous-marine tout en observant l’épave et chercher des indices pouvant permettre de lui donner un nom car, à notre connaissance, elle n’a pas été identifiée avec certitude.