La commission nationale environnement et biologie subaquatiques avait, cela fait quelques années, lancé une campagne nationale de collecte des déchets en plongée, fait fabriquer avec l’aide de sponsors des filets de collecte et multiplié les opérations grâce au dévouement des plongeurs, bios ou non, de nos commissions régionales et départementales… Le passé est le passé, c’est vrai, mais sans sombrer dans une nostalgie de mauvais aloi il est parfois utile de rappeler les choses ! Subaqua s’est aussi, dès leur création, fait l’écho des opérations « Filets perdus » démarrées au Sénégal en 2010 par une petite équipe de plongeurs et de plongeuses de notre fédération, rejoints à Dakar par des amis belges et sénégalais, membres de la CMAS. Précurseurs, sans uniformes, ni médiatisation (hormis notre revue fédérale) après un certain nombre de ramassages ponctuels au cours des années précédentes, la décision avait été cette prise année là de passer à la vitesse supérieure.
Depuis 1994, nous avions organisé de nombreux stages de découverte du milieu marin dans cette région (23 !), grâce à notre ami Haïdar El Ali, à l’époque directeur du centre de plongée Oceanium de Dakar. Plongeur expérimenté, MF1 formé en France, écologiste militant, Haïdar est à l’origine de nombreuses initiatives novatrices dans son pays, que ce soit en faveur du milieu terrestre : reboisement, lutte contre les incendies de forêt, contre l’abattage sauvage des arbres et le trafic de bois, ou du milieu marin : création d’aires marines protégées, lutte contre la surpêche, protection de la mangrove, de certaines espèces marines, réduction de la pollution urbaine et industrielle… et bien d’autres. Au cours de toutes ces années, nous avions observé lors de nos plongées une augmentation sensible des agressions à l’égard du milieu marin : déchets de toutes sortes, en particulier plastiques et une impressionnante quantité de filets, perdus ou jetés, sur les fonds rocheux et les épaves. Plusieurs rencontres avec les représentants de pêcheurs locaux nous avaient confortés dans le projet élaboré en 2010 d’une opération de sensibilisation des populations côtières, à la fois responsables et victimes de cette calamité. L’idée était, bien entendu, de ramasser ces filets, mais surtout de le faire savoir et de mettre sous les yeux du public ce qu’il ne peut (ou ne veut…) pas voir.
On peut trouver, pêle-mêle, des sennes à thon (jusqu’à 5 000 m de long) des chaluts de toutes tailles, des filets fixes ou dérivants, mais aussi des câbles, cordages, palangres et autres apparaux de pêche. Pour mémoire, plus de 20 000 pirogues, une centaine de chalutiers, thoniers, palangriers, fréquentent les côtes sénégalaises, plus quelques chalutiers-usines, généralement russes, parfois en situation de pêche illégale.
Particulièrement nocifs, les filets maillants en mono filament de Nylon utilisés par la pêche artisanale sont nos objectifs principaux : filets droits et trémails, théoriquement interdits au Sénégal, où le coton devrait être utilisé, mais présents partout. Une fois accrochés sur une épave, leur durée de nuisance à l’égard de la faune est d’une dizaine d’années. Durant cette période ils vont créer autour d’eux un véritable cercle de mort : les animaux capturés attirent d’autres victimes, poissons, mollusques, crustacés, qui, à leur tour vont se faire prendre et périr, empêtrés dans les mailles invisibles.
Au-delà d’une dizaine d’années, le plus souvent, algues, hydraires, bryozoaires, éponges, s’installent, neutralisant petit à petit la capacité de capture des filets. Pour autant, on n’en est pas débarrassé car, constitués de dérivés d’hydrocarbures, ils vont relarguer dans l’eau des substances toxiques, puis se désagréger en fines particules qui seront absorbées par les organismes marins. Particules invisibles et quasi indestructibles qui contamineront la chaîne alimentaire…
2011 fut donc l’année de départ, test en vraie grandeur de la faisabilité de ce genre d’opération par des plongeurs amateurs, certes motivés, mais pour certains n’ayant jamais effectué un vrai travail en plongée. Le principe était un partenariat avec l’Océanium sur une base relativement simple :
> Les intervenants assument leur voyage (coût moyen 600 €/pers.)
> L’Océanium fournit la logistique (hébergement, bateaux, blocs et gonflage) à charge pour lui de trouver des sponsors locaux, publics ou privés pour alléger le coût de l’opération (hébergement, essence, gonflage, petit matériel et salaire du personnel). Chaque sortie est encadrée et préparée par des plongeurs expérimentés, bénévoles mais titulaires de CAH classe 1 ou 2 (A et B) ou de brevets équivalents en fonction de leur pays d’origine.
La première sortie fut destinée à tester les différentes façons d’opérer et à vérifier les configurations permettant de le faire en toute sécurité. Tout d’abord la profondeur d’intervention fut limitée à 20 mètres, la durée, fonction de la profondeur, mais devant rester à l’intérieur de la courbe de sécurité. En fonction du niveau technique des intervenants, des conditions de plongée, nous réaliserons tout de même quelques opérations jusqu’à 38 mètres pour des filets « faciles ».