Îles Cocos : une flamme à préserver

Ludovic Savariello
Publié le 2 mai 2014, modifié le 18 sept. 2024
« Padre, pintame la paz en la palme de la mano » (mon père dessine-moi la paix dans le creux de la main) – Jorge Debravo, poète costaricien. Tel pourrait être le sentiment que le Costa Rica donne aux voyageurs découvrant ce pays d’Amérique Centrale coincé entre le Nicaragua et le Panama d’une part et l’océan Atlantique et l’océan Pacifique d’autre part. Cette « Suisse de l’Amérique Centrale » est, en effet, un pays dont l’armée a été abolie en 1949 et dont les casernes ont été transformées en musées des beaux-arts. Sur une superficie totale de 51 000 km², le Costa Rica axe son développement sur la valorisation des ressources biologiques selon deux orientations majeures : l’écotourisme et la recherche moléculaire pour l’industrie pharmaceutique. Depuis 1994, le tourisme est d’ailleurs devenu la première industrie du pays. Ce formidable concentré de biodiversité est un atout essentiel pour l’écotourisme. 850 espèces d’oiseaux sont présentes au Costa Rica alors que la Suisse, la Belgique et la France réunies n’en comptent que 400… Un reportage de Ludovic Savariello.

Le Costa Rica s’est lancé, depuis plusieurs années, dans la protection de ses richesses en créant une multitude de zones protégées. 28 % de sa superficie sont constitués de réserves où l’on peut observer trois grands ensembles naturels : la mangrove et les terres humides, les forêts humides et les forêts sèches.

Par ailleurs, l’analyse géologique de ce petit pays dévoile sa position au sommet de la plaque caraïbe, sous laquelle plonge la plaque pacifique des Cocos. Cette friction entre les plaques, appelée subduction, déclenche des tremblements de terre et provoque des coulées de lave en provenance des volcans.

Le luxuriant manteau végétal couvrant tout ce pays repose en fait sur une épine dorsale volcanique partant de la frontière nicaraguayenne vers le Sud. Sur les 42 volcans actifs de l’Amérique Centrale, le Costa Rica en compte sept. Le déplacement de la plaque pacifique est aussi à l’origine de l’apparition d’une chaîne de volcans pélagiques.

Là, en plein milieu de l’océan Pacifique, et à 480 km des côtes costaricaines, une minuscule île de 52 km² s’élève au-dessus de l’eau et domine du sommet du mont Cerro Iglesias cette immensité liquide. L’Isla del Coco (l’île Coco) a été découverte en 1526 et devint une escale renommée auprès des pirates dont certains y auraient enterré leurs trésors.

Lieu de toutes les légendes, on peut voir dans la roche de la falaise des inscriptions gravées à la main par les marins des siècles passés. L’expédition Cousteau de 1987 n’a pas failli à cette tradition !

Cette île située dans un désert liquide est en fait une véritable oasis de vies. Grâce à la remontée en surface des eaux profondes froides et chargées en plancton, l’île Coco attire une multitude d’espèces pélagiques dont la plus connue des plongeurs : le requin-marteau.

Plonger sur cette île se mérite : classée parc national en 1978 puis patrimoine de l’UNESCO en 1997, les rangers du parc autorisent de ce fait uniquement deux sociétés (Agressor et Undersea Hunter) à l’exploitation commerciale des croisières plongées.

Par ailleurs, le trajet de 36 à 43 heures rend cette destination « périlleuse » pour les personnes sujettes au mal de mer. S’il fallait caractériser la spécificité des plongées sur l’île Coco, je dirais sûrement que contrairement à toutes les plongées que j’ai pu effectuer auparavant durant lesquelles j’ai pu observer des sujets, ici l’on observe des scènes complètes ! En voici donc quelques exemples.

DES POISSONS À PROFUSION

Sur Manuelita (îlot situé dans la baie de Chatham), la première plongée nous offre l’occasion de rencontrer deux tortues de Ridley. Entre juillet et décembre, ces grandes dames se ruent pour pondre sur la plage d’Ostional située sur la côte Pacifique du Costa Rica. Cette frénésie si particulière que l’on nomme ici les Arribadas semble faire perdre toute conscience du danger à ces animaux qui viennent pondre par centaines en plein milieu de la journée.

Manuelita est une plongée à faire de jour comme de nuit. En plein après-midi, à l’extrémité Nord de l’île, là où la houle océanique déferle à l’intérieur d’un renfoncement de 15 m de large, nous nous retrouvons au milieu d’une quinzaine de tortues vertes. Ces dernières semblent traverser cette station de lavage automatique formée par le ressac, pour nettoyer leur carapace.

De nuit, un tout autre spectacle nous attend. Les faisceaux de nos lampes guident une centaine de requins pointes blanches dans leurs chasses nocturnes. Alors que la journée la concentration de poissons est impressionnante à cet endroit, aucune vie n’est apparente de nuit.

Chaque proie se terre, en fait, dans les moindres anfractuosités pour éviter d’être dévorée au cours de cette chasse frénétique. 2 mètres au-dessus de nos têtes figées dans la direction des éclairages, un requin-tigre de 4 mètres tourne autour en profitant, lui aussi, de la lumière pour essayer d’attraper un requin pointe blanche. La remontée sur les semi-rigides fut très rapide et étonnamment synchronisée…

Prolongeant un des nombreux caps de l’île, Manta Point est un rocher isolé donnant sur le grand large. C’est ici qu’une centaine de thons à nageoires jaunes m’offrent un spectacle unique. Rester immobile au milieu de ce banc filant à plus de 10 nœuds vers le large me donne l’impression de croiser la patrouille de France à bord d’un avion à hélice. Saisissant !

Deux jours plus tard, sur Dirty Rock, encore un rocher isolé, je croise de nouveau deux spécimens. Cette fois-ci, c’est une chasse qui les motive. À chaque attaque, le banc de poissons chassés se disperse telle une fumée après un tir de missiles.

Illustration d'un ordinateur de plongée
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Illustration d'un mérou brunIllustration d'un rocher