ÎLES MARQUISES TE HENUA ENANA*

Yves Hérraud
Publié le 30 déc. 2018
Prononcez « Polynésie » au cours d’une conversation et vous verrez dans les yeux de vos interlocuteurs qu’ils commencent à rêver… Tahiti, se situe au centre du triangle polynésien avec Hawaï à la pointe nord, l’île de Pâques à l’est et la Nouvelle-Zélande à l’ouest. La Polynésie Française est grande comme l’Europe… Sa superficie est supérieure à 5 millions de km2. Ses 118 îles et lagons ne totalisent que 19 000 km2. Elles sont réparties en cinq archipels : les îles de la Société (Tahiti), les Australes, les Gambier, les Tuamotu et enfin les Marquises. C’est précisément dans cet archipel que nous entraîne Yves Herraud. Photos de l’auteur. (* Te Henua Enana : La terre des hommes)

Les ancêtres des Polynésiens ont commencé leur migration il y a environ 6 000 ans depuis le sud-est asiatique. La colonisation commença par l’archipel de Bismark (Papouasie-Nouvelle-Guinée), les îles Salomon, le Vanuatu, Fidji puis Tonga et Samoa. Ils entamèrent alors leurs migrations vers l’est et arrivèrent aux Marquises entre – 500 avant et +500 ans après notre ère. La colonisation se fit alors vers les îles de la Société, l’île de Pâques, Hawaï et la Nouvelle-Zélande. Ils embarquèrent sur leurs pirogues doubles à balanciers avec leurs animaux (cochons, volailles), et des plantes. On ne peut être qu’admiratifs devant leur audace et leur sens de la navigation.

En 1521, Ferdinand Magellan, dans sa quête de la Terra Australis Incognita aborda Pukapuka, un atoll des Tuamotu ! Les Marquises ne furent « découvertes » qu’en 1595 par Alvaro de Mendana à la recherche des îles Salomon. Il aperçut la baie d’Omoa à Fatu Hiva et baptisa l’archipel Las Islas Marquesas de Mendoza, en l’honneur de Don Garcia de Mendoza, marquis de Canete et vice-roi du Pérou qui avait financé sa deuxième expédition. La Polynésie Française retomba dans l’oubli et ce furent Wallis en 1767, Bougainville en 1768 puis Cook en 1769 qui abordèrent Tahiti.

Le récit « Voyage autour du Monde » que Louis-Antoine de Bougainville fit de son périple conféra à Tahiti son statut de Nouvelle Cythère. Le mythe Tahitien venait de naître…

Des topographies différentes

Les îles de la Société, les Australes et les Gambier sont montagneuses avec des sommets dépassant 2 200 m (le mont Orohena culmine à 2 241 m à Tahiti). Elles sont bordées de récifs coralliens frangeants et de récifs barrières.

Les Tuamotu sont des atolls avec des lagons. Leur point culminant ne dépasse pas 10 m !

Les Marquises culminent à 1 276 m avec le Mont Temetui sur Hiva Oa. Les 12 îles, dont 6 habitées par moins de 9 000 personnes, totalisent environ 1 000 km2 de superficie terrestre pour 10 000 km2 de superficie marine. Le relief se compose de pics, de plateaux couverts de forêts et de falaises abruptes. Les traditions y sont très fortes, les tatouages sont superbes et omniprésents. Les paysages sont grandioses aussi bien depuis la mer que sur terre et l’on comprend bien pourquoi Brel a écrit dans son dernier album : « Gémir n’est pas de mise aux Marquises ».

L’une des particularités des Marquises est l’absence de récifs coralliens. Ou du moins, la pauvreté en coraux, 10 fois moins que sur les autres archipels. Des recherches effectuées à une centaine de mètres de profondeur ont permis de trouver des vestiges de coraux bâtisseurs, datés de la fin de la dernière période glaciaire, il y a 20 000 ans. La remontée du niveau des océans d’environ une centaine de mètres a entraîné une modification des courants. Des eaux plus fraîches et surtout chargées en nutriments ont stoppé la croissance récifale. Les zooxanthelles, algues vivant en symbiose avec les scélactiniaires, n’avaient plus assez de lumière pour permettre la photosynthèse.

REJOINDRE LES MARQUISES…

Les Marquises se méritent… Il faut d’abord rejoindre Tahiti par un vol via Los Angeles (ou depuis peu via San Francisco). Cette première étape prend entre 24 et 27 heures. Ensuite, une escale d’une journée m’a permis de dîner avec Philippe Molle, que les plongeurs ayant un peu de « bouteille » connaissent pour avoir bossé leurs niveaux sur ses ouvrages. Philippe, qui vit en Polynésie depuis 1985, me dit : « Tu verras, les Marquises c’est sympa ! C’est un peu comme plonger en Bretagne, mais dans une eau à 28 °C ! ». Il avait raison ! La visibilité est moins bonne qu’aux Tuamotu, cela permet d’autres rencontres.

De Faaa, l’aéroport de Tahiti, j’ai décollé vers Hiva Oa survolant les atolls des Tuamotu dont Rangiroa ! Magnifique ! Le vol de 1 500 km environ, s’effectue sur un ATR 72 avec une escale à Nuku Hiva. L’arrivée sur Hiva Oa a été « intéressante »… L’ATR est descendu vers Atuona dans une purée de pois et finalement le pilote a remis les gaz : trop de pluie et pas assez de visibilité pour pouvoir se poser. Le commandant de bord nous a alors annoncé qu’il allait refaire une tentative d’ici 10 à 15 minutes et que si l’atterrissage s’avérait impossible, nous retournerions vers Nuku Hiva… Finalement nous tournerons pendant 45 minutes avant de faire une nouvelle tentative. Cela nous a permis de découvrir depuis le ciel, avant de le faire sous l’eau, les différentes îles autour d’Hiva Oa : Tahuata, Motane. Cette seconde tentative a été couronnée de succès… La majorité des passagers ont même applaudi ! J’ai appris par la suite que dans l’aéroport, les applaudissements ont fusé aussi !

PLONGER AUX MARQUISES

Plonger aux Marquises n’est pas chose facile… À la difficulté d’accès s’ajoute le manque de structures de plongée. Lors de mon premier voyage, il ne m’avait pas été possible de plonger. Plus de clubs dignes de ce nom aux Marquises depuis quelques années. Humu, Marquisien, vient de démarrer une structure, Marquises Diving, à Atuona sur Hiva Oa. La meilleure solution reste quand même la croisière qui donne accès aux différentes îles. La Polynésie Française est loin de tout, il faut en être conscient ! Maurice, le pilote de notre annexe, originaire d’Apatiki, un atoll où vivent 350 personnes, à 50 km à l’est de Rangiroa, dans les Tuamotu, m’a raconté sa naissance, assez originale… Sa mère n’ayant pas eu le temps de rejoindre un atoll plus grand, il est né dans le lagon… C’était il y a 22 ans…

SUR LE FRENCH POLYNESIA MASTER

Nous avons été accueillis par Anja, Cruise Director du French Polynesia Master. C’était mon second voyage aux Marquises mais mes premières plongées et j’ai retrouvé l’ambiance, les Marquisiens et les paysages avec beaucoup de plaisir. La réglementation actuelle concernant la plongée en Polynésie Française impose aux encadrants le brevet d’État ou un diplôme d’État et ce fut ma première croisière avec des briefings en anglais avec un accent français ! Bien sympathique !

Notre croisière a démarré et finit à Atuona. Ce choix s’explique facilement, l’aéroport se situe à 10 minutes d’Atuona et même si Nuku Hiva est l’île principale, son aéroport est à 2 heures de route de Taiohae et cette route peut-être difficile en cas d’intempérie.

Hiva Oa est l’île star des Marquises ! Elle cultive jalousement la mémoire de ses deux hôtes de marque que furent Paul Gauguin et Jacques Brel. Tous deux ont choisi Atuona comme dernière demeure. Le souvenir de Brel y est encore très présent. Jojo, son avion, un Beechcraft Twin Bonanza a été rapatrié, restauré et est exposé dans un hangar dont la visite est émouvante sur un fond musical des chansons du grand Jacques. C’est à bord de Jojo que Brel assurait les évacuations sanitaires. Hiva Oa est la troisième île des Marquises et 9 000 personnes y vivent.

Les noms vernaculaires français des espèces rencontrées lors de cette croisière que je mentionne sont ceux utilisés en Polynésie Française. Notre première plongée se fait à Hanakee, îlot rocheux, proche d’Atuona. J’ai rarement vécu une telle plongée de réadaptation…

Illustration d'un ordinateur de plongée
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Illustration d'un mérou brunIllustration d'un rocher