La Ria d’Etel POINTS CHAUDS EN MERS FROIDES

Patrice Petit de Voize
Publié le 19 sept. 2016
Dans le n° 265 de Subaqua, nous étions restés en rade … à Brest, plus précisément à Lanvéoc ! Il y aurait de quoi faire de nombreux autres articles sans se déplacer de plus de quelques centaines de mètres, mais ne soyons pas chauvins, même s’il faut passer une frontière départementale, la ria d’Etel vaut bien une petite infidélité au Finistère… Mais nous reviendrons à Brest et ses parages ! Par Patrice Petit de Voize. Photos de l’auteur.  

Le département du Morbihan le bien nommé (en breton mor signifie mer et bihan petit) regorge de sites d’une grande richesse biologique. Parmi ceux-ci, la ria d’Etel, parfois improprement appelée « rivière d’Etel », occupe une place de choix, tant par la beauté des paysages sous-marins que par son environnement terrestre : ports, landes, chapelles, maisons, mégalithes. Le port de pêche d’Etel et les chantiers navals de la ria étaient, au siècle dernier, au cœur de la pêche thonière, pratiquée tout d’abord à la voile, puis par des navires mixtes voile-moteur. L’industrialisation puis la délocalisation de cette pêche vers les mers tropicales ont sonné le glas d’une activité qui apporta à Etel, tout comme à Groix, Concarneau et d’autres ports, une grande prospérité. Aujourd’hui le tourisme et l’ostréiculture sont les principales activités, mais quelques bateaux de pêche artisanale continuent de fréquenter ce port bien abrité, quoique d’un accès difficile. La fameuse « barre d’Etel » restera encore longtemps dans les mémoires avec le dramatique épisode qui vit, le 9 janvier 1959, neuf personnes trouver la mort lors des essais d’un radeau de survie du Dr Alain Bombard. 57 années plus tard, ce drame reste présent dans les mémoires des Étellois.

La plongée dans la ria

Il est important, avant d’aborder la partie « vie sous-marine » d’apporter quelques précisions sur l’aspect « réglementation-sécurité » propre aux sites de plongée locaux. La ria est fréquentée par de nombreux plongeurs, isolés ou en groupe, qui doivent, c’est évident, cohabiter avec les autres usagers des différents sites le plus souvent utilisés, car praticables sans bateau : le Magouër et le Vieux Passage, situés sur la commune de Plouhinec, Port-Niscop, situé sur la commune de Belz (Pont-Lorois) et le Chantier Rameau, le seul situé sur la commune d’Etel. L’activité ostréicole est importante ici et occupe beaucoup d’espace, tout comme la plaisance, il importe donc de respecter certains usages… ce qui, hélas, n’est pas toujours le cas !

> L’aspect géographique et réglementaire

La ria, qui correspond en fait à une ancienne vallée envahie par la mer, s’étire sur une dizaine de kilomètres entre la mer et l’arrière-pays. Elle est coupée, à peu près en son milieu par la route Port-Louis/Carnac qui la franchit par un pont suspendu, à Pont-Lorois. Elle constitue un immense réservoir d’eau salée (l’apport d’eau douce est relativement minime) qui se remplit, et donc se vide, au rythme des marées… La visibilité, comme on peut le penser, varie notablement en fonction de la pluviométrie, de l’état de la mer et de l’heure de la mise à l’eau. Elle peut atteindre, voire dépasser 7 à 8 mètres, mais ce n’est quand même pas tous les jours !

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La vie sous-marine

Il est évident que ce qui fait de ce site l’équivalent d’un torrent de montagne à certaines périodes est aussi à l’origine de son incontestable richesse… Les courants, parfois violents, qui en rendent la fréquentation difficile, apportent aux peuplements benthiques et pélagiques une nourriture abondante et à domicile : quatre services par jour ! Le flot apporte le plancton du grand large, le jusant les matières organiques et minérales issues des ruisseaux, prairies inondables et marais qui constituent l’extrémité nord de la ria. Aux abords des deux sites de Plouhinec, les profondeurs avoisinent 20 mètres au milieu du chenal et une dizaine au niveau de Port-Niscop. Fond de sable, sable vaseux et gravier en général, sauf à Pont-Lorois où l’étroitesse du chenal favorise un effet de chasse d’eau qui en élimine les sédiments meubles. Les tombants sont rocheux, parfois presque verticaux avec grottes, failles et à leur pied des éboulis plus ou moins importants. Ici la faune fixée est exubérante, pas un pouce de roche ne reste inoccupé et la lutte est sans merci pour une place au soleil.

>  Les végétaux

Quelques beaux herbiers de zostères (Zostera marina) sont là chaque fois que les sédiments sablo-vaseux sont présents, donc, le plus souvent là où le courant n’est pas trop violent. Malheureusement, ils sont aujourd’hui, pour la plupart, situés en dehors de la zone autorisée ! Les algues vertes, surtout les ulves, prospèrent un peu partout, et l’on peut voir quelques rares bouquets de codiums. Les algues brunes qui nécessitent un substrat dur, colonisent souvent les petites roches qui parsèment et avoisinent ces herbiers : peu de laminaires, de belles touffes de sargasses et de cystoseires, mais en règle générale, sitôt passé quelques mètres, le faible éclairement ne permet guère que la présence d’un tapis de faux fucus Dyctiopteris membranacea et surtout d’algues rouges : d’abord les gros cheveux écarlates de Soleria chordalis, puis les lames dentelées de Calliblepharis, les résilles de Plocamium et autres espèces parfois difficiles à identifier par les non-spécialistes. Plus bas, seules subsistent quelques petites espèces, l’essentiel du substrat étant colonisé par des animaux fixés. Au premier coup d’œil, on constate que ce sont surtout les peuplements animaux qui dominent.

>  La faune fixée

Il s’agit, ici comme en rade de Brest, essentiellement d’animaux filtreurs, actifs ou passifs : éponges, cnidaires, mollusques, bryozoaires et crustacés.

Illustration d'un ordinateur de plongée
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Illustration d'un mérou brunIllustration d'un rocher