Nous allons évoquer ici l’invention de l’échevin Philippe-Nicolas Pia, né à Paris le 15 septembre 1721 et décédé le 4 mai 1799. Mais qu’était-ce qu’un « échevin » sous l’Ancien Régime ? Les échevins étaient élus pour assurer une fonction qui s’apparenterait aujourd’hui à celle de « conseiller municipal », et parfois même de membre d’une sorte de « chambre de commerce » représentant les commerçants de la cité.
Pendant très longtemps, les médecins ont pensé que le décès par noyade était provoqué par l’absorption d’une trop grande quantité d’eau. La plus grande confusion régnait alors dans le monde médical. Du XVIIIe siècle à la première moitié du XIXe siècle, on ne savait pas différencier les diverses formes d’asphyxies. Au XVIIIe siècle, la première action entreprise sur un noyé était de lui faire recracher l’eau. Le malheureux était ensuite suspendu par les pieds et/ou roulé dans un tonneau. Si l’eau ne l’avait pas encore tué, le traitement infligé finissait le travail ! Ce n’est qu’à partir de 1740 que fut promulguée l’interdiction de suspendre par les pieds les personnes repêchées et de les rouler dans un tonneau.
Philippe-Nicolas Pia fut diplômé « maître apothicaire » (précurseur des pharmaciens) en 1744. Après avoir été « apothicaire major » de l’Hôpital militaire de Strasbourg, il revient s’installer à Paris. Il y a précisément exercé la profession principale de « marchand apothicaire », son échoppe étant installée rue des Grands Augustins, au Petit Hôtel de Saint-Cyr. Il sera marié à une dénommée Marie-Geneviève Villain, mais ils n’auront pas d’enfant. En août 1770, il est élu au siège de « 2e échevin » de Paris, chargé notamment de commander la Garde municipale. Il détient ainsi un pouvoir de police et de justice sur les activités fluviales. Il imaginera à cette époque la possibilité de créer des structures permanentes de secours dotées du matériel nécessaire, notamment des brancards et des coffrets en bois contenant les médicaments et les ustensiles pouvant être mis en œuvre pour la réanimation. Son projet sera soutenu par le vénérable Bignon, prévôt des marchands, bibliothécaire du Roi et membre de l’Académie française.
Il n’est pas exclu que Philippe-Nicolas Pia se soit inspiré des travaux du physicien néerlandais Petrus (Pieter) Van Musschenbroek (1692-1761) de l’université de Leyde (Pays-Bas). Mais la technique de fumigation rectale de tabac est encore plus ancienne, puisque c’était celle des Indiens de la Nouvelle France, observée par Marc Lescarbot (1570-1641), avocat au Parlement de Paris, lors de son voyage de 1611. Voilà d’ailleurs ce que Marc Lescarbot relate : « Ces Sauvages avaient une manière assez singulière de faire revenir ceux qui étaient sur le point de se noyer et avaient avalé beaucoup d’eau. Ils remplissaient de fumée de tabac une vessie d’animal, ou un gros et large boyau, bien lié par une de ses extrémités. Ils attachaient à l’autre une canule et l’inséraient dans le fondement du malade puis, en pressant le boyau ou la vessie, ils faisaient entrer la fumée dans son corps. Ils le pendaient ensuite par les pieds à un arbre et la fumée, dont il avait le ventre plein, lui faisait rendre par la bouche toute l’eau qu’il avait bue. »
Dès 1770, Philippe-Nicolas Pia publie le fascicule intitulé : « Description de la boîte-entrepôt, pour le secours des noyés ». En sa qualité d’échevin commandant la Garde municipale de Paris, il entreprend de dispenser un enseignement médical aux gardes postés le long des quais, lesquels sont dépositaires dans chaque poste de secours d’une boîte-entrepôt et d’un brancard. Ces structures deviennent réellement opérationnelles dès juillet 1772. Ce corps militaire constitue ainsi la toute première entité organisée de secouristes qualifiés. C’est la permanence et le rapprochement des moyens logistiques d’intervention, associés au versement de gratifications qui vont assurer à Philippe-Nicolas Pia un très large succès. Chaque année, il en rapporte les résultats et la comptabilité dans des publications intitulées « Détail des succès de l’Établissement que la ville de Paris a fait en faveur des personnes noyées & qui a été adopté dans diverses Provinces de France » qui comptera huit éditions, de 1773 à 1789.
Les « boîtes-entrepôts » sont des coffrets de bois vernis, réunissant les ustensiles et les médicaments nécessaires à la réanimation des personnes repêchées. Elles mesuraient 12 pouces de haut (32,5 cm), 18 pouces de long (48,7 cm), 9 pouces de large (24,3 cm), y compris les épaisseurs du bois qui avaient 5 lignes (1,1 cm). Elles contenaient……
Merci au Dr Louis-Jean DUPRE, médecin anesthésiste-réanimateur, spécialiste des clystères de fumée de tabac, pour sa relecture attentive.
> Bibliographie ayant inspiré cet article :