Les Siphons des Garrigues La Source du Lamalou

Marc Douchet
Publié le 4 mai 2020, modifié le 18 sept. 2024
Siphons des garrigues ! Attention, on ne parle pas ici des n’importe quelle garrigue mais des garrigues montpelliéraines et de leur plancher calcaire. Mais qu’est-ce donc ? Pour vous aider à les visualiser, imaginez le maquis et son épaisse végétation odorante. La progression y est laborieuse, parfois il faut taillader son chemin à travers le bartas. On y trouve pêle-mêle, des buissons épineux, des chênes nains, des buis, des plantes aromatiques : le thym, la lavande, la sarriette ou le romarin… Ce territoire roussi l’été par le soleil brûlant, arrosé copieusement lors des épisodes cévenols de l’automne et balayé par les vents froids en hiver était autrefois un domaine à vocation pastorale, le royaume des chèvres et des moutons. De nos jours, même les caprins font la fine bouche et boudent ces contrées magnifiques colonisées par les randonneurs et les vététistes. Ainsi que par quelques... spéléos, attirés avant tout par la remarquable géologie karstique des lieux. Un sujet proposé par Marc Douchet.

La Source

La source du Lamalou est la principale résurgence du causse de l’Hortus (de 5 litres à 5 m3/s selon les régimes pluviométriques). Elle drainerait une superficie de 33 km². Des colorations ont mis en évidence une relation hydrogéologique avec la source des Châtaigniers et la grotte-exsurgence des Fontanilles (Hérault). Notre équipe y travaille depuis une dizaine d’années mais a surtout connu des aléas et des incidents qui ne nous ont pas permis de progresser si ce n’est dans la connaissance du système hydrogéologique. Avant nous, de nombreux explorateurs en ont dressé petit à petit l’historique. Le premier repérage jusqu’au siphon 1 fut opéré durant la Seconde Guerre mondiale. En 1977, une entrée artificielle est ouverte dans le but d’installer un laboratoire souterrain de recherches (BRGM). Cet accès est depuis condamné par le propriétaire.

Dans la foulée, le siphon est plongé dans le cadre de travaux professionnels, puis en 1979, par Bertrand Léger et Roger Bretschen qui reconnaissent 505 m de réseau en diverses branches. Point extrême atteint à 380 m du départ (-18 m) après un point bas à -43 m. Depuis 1989, de nouvelles plongées menées par Vincent Durand permettent de franchir le siphon 1 (670 m, -43 m). Derrière ce siphon une galerie d’une cinquantaine de mètres conduit à un lac.

À gauche le S2 (30 m ; -7 m) suivi de quelque 500 m de galeries dont plusieurs branches se terminent sur un siphon et à droite un S2 bis qui s’arrête en pleine eau dans une zone boueuse.

2019 : L’année où persévérance et pugnacité ont enfin payé

Depuis 1990, nous avons pris l’habitude de faire un camp d’été dans les garrigues montpelliéraines, tant il y a pléthore de siphons à plonger dans le secteur. Et si nous en avons écumé un grand nombre en trente ans d’explo, il en reste encore et toujours qui résistent aux spéléonautes que nous sommes. Et le Lamalou a bien résisté. En effet, notre équipe a fait de nombreuses tentatives au cours de ces dix dernières années.

>  19  juillet 2019, S4

Aujourd’hui, nous sommes quatre candidats au franchissement du S1. Bobo et moi en vieux briscards, nous nous préparons hâtivement et nous nous jetons à l’eau en premier. Pendant ce temps, Jérémie et Maxence fignolent leurs petites affaires. Après nous la « touille » ! Nous jouissons ainsi de la clarté du siphon. C’est notre passage qui réveille ce monde minéral sombre et englouti, pressé par cinq atmosphères. Dans l’eau claire et translucide, les spots installés sur nos scooters irisent la galerie dans les bleus. Nous ne sommes plus deux, nous sommes deux solitaires qui prennent leur plaisir égoïste en commun. Nous savourons le bonheur de naviguer dans cette rivière hypogée, là où rien ne vit, rien ne bruit, sous un couvercle de roche. Rapidement, trop rapidement, nous émergeons post-siphon. Pour sortir du plan d’eau, nous devons effectuer quelques pas d’escalade, Bobo glisse et abîme un flexible sur son recycleur. Il peste car il sait que pour lui il est hors de question de continuer la progression : il doit donc faire demi-tour. Nos deux partenaires arrivent peu de temps après, Jérémie, lui aussi a un problème (équilibrage de son scooter) et préfère accompagner immédiatement Bobo vers la sortie.

Maxence et moi, nous nous retrouvons post-S1 et charrions le matériel au S2 tout proche. Nous franchissons ce court verrou liquide. Nous nous soulageons de notre matériel et partons en reconnaissance en mode light. Après 100 m de crapahut aisé, nous arrivons à une bifurcation, tout droit la suite la plus évidente de la rivière, la galerie « Corinne » ; légèrement à gauche un affluent ou probablement un shunt semi-actif du cours principal rivière, la galerie « Chantal ». Forts des renseignements de nos prédécesseurs nous optons pour une reconnaissance au plus loin en mode exondé. Après réflexion nous optons pour plonger le S4, pour ce faire il nous faut aller récupérer le bi-4 abandonné devant le S3.

Maxence se jette à l’eau et franchit ce S4 vierge (190 m ; - 6 m), il abandonne son matériel pour une reconnaissance post-siphon.

Illustration d'un ordinateur de plongée
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Illustration d'un mérou brunIllustration d'un rocher