Nous imaginons parfois — sans doute à tort ! — nos lectrices et nos lecteurs s’interroger sur la genèse des reportages qu’ils découvrent dans leur revue de plongée avec curiosité, délectation, colère, mépris, doute, circonspection, envie peut-être ?
La franchise nous oblige à écrire que la plupart des idées de sujet de voyages plongée nous est dictée par les engouements de l’instant.
Il y a en effet des modes dans le voyage comme dans la taille des pantalons ou la longueur des jupes, une sorte de courant de pensée, l’individuel devenant le collectif des plongeurs… À quoi tient la vogue des choses et des êtres en vérité ? Un beau sujet de méditation…
La mode pourtant n’est pas tout. Le quotidien du rédacteur en chef est également soumis aux contingences commerciales de ses amis tour-opérateurs étroitement liées à l’explosion d’un volcan islandais, l’appétit des requins bouledogues, l’envie naturelle de liberté de peuples opprimés, que sais-je ? Ce que l’on regroupe dans le fourre-tout du contexte politico-économique…
Rien à voir avec Oléron, île plutôt tranquille même s’il lui arrive d’être secouée, de temps à autre par un petit tremblement de terre ! Non. Les choses se déroulent parfois un peu différemment. Dans le cas de ce reportage sur l’île chantée par Pierre Loti, l’idée m’a été soufflée par… notre président national Jean-Louis Blanchard !
Que les choses soient claires : pour moi Oléron, c’était une langue de sable assez jolie pour en faire des décors de film, un pont, quelques ceps de vignes et le vin blanc concomitant, les huîtres et un vent d’ouest parfait pour envoyer et tenir honorablement un spi. Une qualité de lumière aussi mais de là à y tremper les palmes…
Aussi, qu’un Provençal revendiqué, goûteur du bleu méditerranéen et des eaux chaudes antillaises, me suggère avec insistance de découvrir et partager la plongée autour d’Oléron comme il la pratique lui-même chaque été avait de quoi titiller ma curiosité… C’est comme ça qu’on se retrouve par une journée automnale le long des routes du Haut Médoc, coude à la fenêtre d’une berline de location, sourire aux lèvres, humant l’air d’une région bénie des dieux…
On me fera remarquer, non sans raison, que de Bordeaux à Oléron, il vaut mieux passer par Sainte que par Royan. Certes… Mais c’est compter sans le plaisir des châteaux entraperçus et celui, plus fort encore, d’une traversée en bac qui relie Le Verdon sur Mer à la ville de Royan avec le phare de Cordouan comme ange tutélaire… Une sorte de songe vespéral.
Arrivé nuitamment au Château d’Oléron, à droite en sortant du pont, nous prenons la pleine mesure d’une île de villégiature… hors saison ! Il y règne, le soir en septembre, une atmosphère de tranquille sérénité à peine bousculée par le passage d’une automobile, l’appel d’un maître pour son chien, le frou-frou des feuilles bercées par la brise. Une odeur d’iode et un goût de silence. Les hôtels sont fermés ou presque, quelques restaurants ouvrent encore leurs portes et leurs cuisines aux rares touristes égarés.
On s’y sent aux petits oignons. J’aime. Un conseil : allez donc place de la République, à l’hôtel Un Air de Famille. Vous y serez comme chez vous et ressentirez l’ineffable impression de revivre, en Gabriel Fouquet plus joyeux, quelques chapitres d’”Un Singe en hiver”. Bizarre… Le fantôme de Blondin serait accoudé au bar (fermé), et je croiserais un Gabin bougon :
”- Je ne bois plus, je croque des bonbons…
”- Et ça vous mène loin ?
”- En Chine toujours, mais plus la même… Maintenant, c’est une espèce de Chine d’antiquaire… Quant à descendre le Yang Tsé Kiang en une nuit, c’est hors de question… Un petit bout par ci, un petit bout par là… Et encore, pas tous les soirs… Les sucreries font bouchon…”
Bon, demain sera différent !