Je dois vous confier quelque chose : mon expérience m’incite à sourire des Cassandre car, en vérité, je ne connais la Bretagne que sous le ciel le plus pur ! Comment me faire croire qu’il y pleut, fût-ce à Brest et dans un poème ? Chacun de mes voyages au pays d’Arthur, chacun de mes séjours là-haut - parfois fort longs - n’a (presque) connu qu’anticyclone et beau temps. Et si un coup de suroît m’a parfois obligé à prendre un ris ou deux, si quelques nuages ont barré l’horizon, ce n’étaient que pour donner du piment à mes navigations et du volume à un ciel d’une beauté à tomber… On dit que de Lorient à Pornic l’ensoleillement est de 2000 heures par an. Je le crois volontiers !
Ainsi, mon reportage de septembre dernier n’a-t-il pas dérogé à cette règle intangible : météo à T-shirt, huile solaire et Ray Ban… Faut-il en penser que certains attirent la pluie (on a des exemples au plus haut niveau…) comme d’autres le soleil ? Sans doute… Peut-être devrais-je proposer mes services aux offices de tourisme ?
Plus sérieusement, même si l’on sait que le menton de l’Europe encaisse de plein fouet les uppercuts dépressionnaires de l’Atlantique Nord, Bretagne et Provence partagent une égale vertu, celle de la lumière qui les baigne. Cette raison est suffisante pour avoir l’envie de poser ses valises au pays de la lande et du granit. Une lumière qui transfigure aux dernières heures du jour… Mais ce n’est pas tout.
Viennent ensuite les paysages, les reliefs sereins, les brumes rêveuses, le soin porté par les habitants à l’entretien de leurs maisons, les fleurs, l’espace, la rugueuse beauté des côtes, la roche, l’odeur des algues et de la mer qui va et vient. Les villages aux rues serrées, leurs calvaires à la croisée des chemins, les bars, la chaleur, le gwen ru, les murets de pierres sèches, les restes du bocage, le vent, les phares et les bateaux, portes ouvertes vers l’ailleurs.
Et les forêts… Croiser Merlin au détour d’un bosquet, entr’apercevoir fées et farfadets. Se laisser prendre par une forme de magie : il n’y a pas que l’air qui vibre au-dessus des ajoncs.
Plonger aussi… Il est temps ! Nous commencerons par Brest parce que c’est là que nous sommes arrivé pour y commencer notre semaine bretonne et que nous y avons été accueilli… Chaleureusement.
À un jet de pierre d’Océanopolis, Bleu Évasion Bretagne affiche résolument sa bivalence : une structure commerciale doublée de l’esprit d’un club associatif. David Monot, son nouveau patron porte en lui cette volonté. Ancien militaire, il met dans tout ce qu’il fait la rigueur de sa formation, une rigueur adoucie par son amour de la plongée et une gentillesse qui n’est pas feinte. BEB, c’est un magasin en rez-de-chaussée à quelques dizaines de mètres du port du Moulin Blanc. On y trouve de quoi compléter utilement son équipement. À l’arrière de la boutique tenue par Mélanie, l’épouse de David, une station de gonflage air, nitrox et trimix, voisine avec les portiques et rayonnages de matériel en location. À l’étage, un atelier de SAV, une salle de cours et un bar complètent l’ensemble…
Ici, la machine à café ne chôme pas et les discussions vont bon train. Le monde de la plongée s’y raconte alors que l’autre, pourtant aussi largement commenté, reste naturellement en l’état. Ceux qui aiment Audiard savent le goût des marins pour les longues phrases…
Avec David, nous irons plonger sur la Cormorandière, face à Roscanvel, une plongée tranquille, effectuée par mer d’huile. Une plongée bretonne classique avec sa lumière d’émeraude, sa faune fixée jaune et orange… Une autre plongée nous verra descendre vers 50 m le long du tombant de la Forêt, une plongée dans le goulet où nous avons croisé homard et saint-pierre dans une eau malheureusement un peu chargée.
Bien sûr, des dizaines d’autres sites sont possibles, dans le goulet comme plus au large, en mer d’Iroise. David s’y rend volontiers et met régulièrement au programme des plongées sur épave (le Swansea Vale ou le Cobetas par exemple…). Les formations techniques sont, quant à elles, plutôt organisées en matinée…
Une des spécificités de BEB réside dans ses sorties d’apnée qui sont autant de relaxation que de perfectionnement.
Mouillé devant les ducs-d’Albe jadis construits pour accueillir le cuirassé allemand Bismarck, le semi-rigide de 6 m est éclairé par les rayons d’un soleil de fin d’après-midi. L’atmosphère est à la gaîté pourtant la petite dizaine d’apnéistes glisse sans bruit pour s’approcher du gros bloc de béton percé d’une ouverture que la mer a creusée. Là résident d’ordinaire une femelle phoque et son petit que chacun espère bien croiser… Et moi aussi !
Ce soir-là pourtant, nous ferons chou blanc mais les conseils avisés du moniteur d’apnée et les descentes réussies le long du filin nous consolerons d’avoir raté le pinnipède sans doute parti à la poursuite de quelques poissons… De retour au port, un barbecue (une pratique récurrente si j’ai bien compris !) réunit tous les plongeurs, ceux du jour et les autres. BEB, c’est définitivement le coin des potes et, une fois encore, l’ambiance est au beau fixe !