La résurgence de Port-Miou est connue depuis l’Antiquité par les marins qui s’approvisionnaient en eau douce sous le niveau de la mer, juste aux pieds des falaises de la calanque du même nom, près de Cassis. Elle prend sa source dans le massif de la Sainte Baume.
La particularité du réseau noyé est un parcours subhorizontal, oscillant entre -6 et -40 mètres de profondeur, sur une distance d’environ 2 500 mètres en direction du Nord depuis l’entrée située dans la calanque. À partir de ce point, le réseau s’enfonce verticalement dans un gigantesque puits en forme de diaclase reconnu jusqu’à la profondeur de -233 mètres. La cavité présente des volumes remarquables, parmi les plus importants d’Europe, avec une section moyenne qui dépasse les 10 mètres de diamètre. Ce sont les réserves en eau douce considérables, qui expliquent l’intérêt des scientifiques pour l’étude de ce réseau.
Les premières plongées furent réalisées dès les années cinquante. Haroun Tazieff, l’équipe du Commandant Cousteau, puis la Comex se sont succédé pour mener des campagnes d’études portant la connaissance du réseau jusqu’à 300 mètres de l’entrée. Claude Touloumdjian poursuivit les explorations qui permirent de découvrir une cloche à l’air libre, située à 530 mètres de l’entrée et à 40 mètres de profondeur sous terre.
Dans les années soixante-dix, la Société des eaux de Marseille décida de construire un barrage souterrain à partir de cette cloche pour empêcher l’eau de mer de remonter à partir de la calanque et polluer l’eau douce de la cavité. L’objectif était de séparer l’eau de mer qui s’infiltre par le fond de l’eau douce qui coule en surface, afin d’alimenter la ville de Marseille en eau potable. Malheureusement, il fut découvert que l’eau douce était polluée par l’eau salée en amont du barrage et non par la pénétration à partir de la calanque. L’aventure industrielle, une prouesse pour l’époque, s’arrêtait là. L’équipe des Marseillais reprit les explorations en plongée à partir du barrage, grâce au puits d’accès percé pour les travaux.
Le 12 juin 1993, Marc Douchet portait l’exploration à la distance de 2 300 mètres pour une profondeur de -147 mètres, atteignant ainsi les limites raisonnables de la plongée en circuit ouvert. Il fallut attendre 12 ans pour que de nouvelles plongées soient réalisées au-delà du terminus de 1993, grâce à l’utilisation de recycleurs fermés. Ainsi, en 2005, Xavier Meniscus et Jérome Meynié se succédèrent pour atteindre respectivement -150 mètres et -172 mètres puis -179 mètres en 2008 et -229 mètres pour Xavier en 2012 dans le puits terminal constitué d’une immense diaclase verticale.
Au-delà de l’exploit sportif, les travaux réalisés dans le cadre du projet organisé sous l’égide de la commission nationale de plongée souterraine, en collaboration avec l’association Cassis les Rivières Mystérieuses et le Parc national des Calanques, visent à apporter des éléments de réponse aux interrogations scientifiques sur la pollution par le sel de l’eau douce provenant du bassin-versant du massif de la Sainte Baume.
Quand le détroit de Gibraltar formait un barrage étanche entre l’océan Atlantique et la Méditerranée, les apports en eau des fleuves ne suffisaient pas à combler l’évaporation. Le niveau de la Méditerranée était inférieur de plus de 1 000 mètres à celui que nous connaissons. La source alimentée par l’eau douce en provenance du massif de la Sainte Baume sortait alors à l’air libre au niveau de l’actuelle fosse de la Cassidaigne, vers -250 mètres, au large de Cassis. À l’ouverture du détroit de Gibraltar, le niveau de la Méditerranée est remonté. Les sédiments auraient comblé l’ancien exutoire de la source contraignant l’eau douce à trouver une nouvelle sortie par le haut pour ressurgir dans la calanque de Port-Miou. L’eau de mer continuerait à s’infiltrer par l’ancienne sortie depuis la fosse de la Cassidaigne et polluerait l’eau douce en amont, la rendant impropre à la consommation.
Les plongées ont pour objectif la connaissance fine du réseau noyé afin de permettre l’identification de la zone à partir de laquelle l’eau douce ne serait plus polluée.