L’inconvénient des petites palanquées (outre notre guide, nous ne sommes que deux), est que l’autre groupe voit toujours ce qu’on a loupé et que l’on aurait aimé voir. Pourtant, tout avait été posé cartes sur table par Géraldine : « Comme première, je vous propose une plongée macro. Nous avons toute une population d’hippocampes et je sais où ils se trouvent. » Nous voilà donc partis à trois de la plage de Playa Chicapour le haut de Cathedral (15 m de profondeur) à la recherche de nos petits chevaux de mer. Comme d’habitude, je traîne en route. La faute à de multiples petits rambous (espèces de soles ou turbots) qui parsèment le fond de sable, d’innombrables petites rascasses qui se disputent le moindre caillou avec des poulpes assez coopératifs, ou encore aux rougets qui farfouillent le sol de leurs barbillons et dégagent un nuage de sable qui attire des labres et autres maraudeurs en quête d’une proie facile. S’ils ne sont pas faciles à déceler (leur imitation des algues qu’ils habitent est vraiment parfaite), les hippocampes sont bien là et en nombre. Ce sont au moins une bonne demi-douzaine d’individus (hippocampes mouchetés ou à long bec, Hippocampus guttulatus et hippocampes à nez court, Hippocampus hippocampus) qui prennent un malin plaisir à détourner la tête de l’objectif, dans un excès de pudeur, je n’ose dire de crainte.
Et au retour, Nicolas, l’autre guide qui a emmené sa palanquée quelques centaines de mètres plus loin, pose la question qui fâche : « Vous l’avez vu ? ». Même si je sais parfaitement de quoi il parle, pour retarder l’échéance, je tente quand même : « Quoi donc ? ». La réponse fuse qui fait grimacer d’envie : « Le requin ange. Il est venu tourner autour de nous, trois ou quatre fois. C’était super ! ». À voir la mine réjouie de ses quatre plongeurs, je veux bien le croire. En danger critique d’extinction selon le classement de l’IUCN (en anglais, l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature), l’ange de mer ou requin ange (Squatina squatina), chondrichtyen élasmobranche (autrement dit, requin) qui peut atteindre 2,50 m, fait la réputation des Canaries et spécialement de Lanzarote. Pour l’anecdote, la baie comprise entre Nice et Antibes porte son nom en raison de sa présence, il y a hélas maintenant fort longtemps.