Nommé par le président de la fédération sur proposition du DTN (nomination officialisée lors du CDN de juillet), Alban Burlet succède à Arnaud Ponche au poste d’entraîneur national fédéral d’apnée piscine. L’occasion était donc toute trouvée pour faire connaissance sans tarder avec ce nouvel encadrant. Dans cet entretien, Alban nous parle de son parcours et de sa vision de la discipline, explique comment il voit sa contribution d’entraîneur national et détaille ses ambitions pour les équipes de France. Propos recueillis par Olivier Clot-Faybesse.
Subaqua Peux-tu te présenter en quelques mots et préciser ton parcours sportif, notamment dans la pratique de l’apnée ?
Alban Burlet Je suis âgé de 49 ans. Né à Bourges, j’ai vécu ensuite dans le Sud-Ouest, à Toulouse. Jusqu’à ce que je ressente un véritable coup de foudre pour le Var où je suis parti m’installer il y a 25 ans déjà. Une attirance prévisible, il est vrai que depuis tout jeune déjà je suis un amoureux inconditionnel de la mer… Cette passion s’est traduite d’abord par la nage. Et quand je ne nage pas, comme j’ai toujours été un grand sportif, c’est vélo et course à pied !
Subaqua On imagine que ces trois activités de fond, vélo, natation et jogging, pratiquées intensément et régulièrement, ont été bénéfiques pour ta pratique de l’apnée ?
Alban Burlet Effectivement, ce travail de fond contribue à faire de moi, sans prétention, un pratiquant performant, notamment en apnée statique, ma spécialité. Tout a commencé lorsque je me suis justement installé dans le Var. J’ai rejoint le Club international d’apnée hyérois (CIAH), rebaptisé l’Odyssée bleue, une école d’apnée regroupant toutes sortes d’activés. J’ai eu la chance de m’entraîner avec Stéphane Mifsud. Il est vrai qu’avec Stéphane, unique homme capable de retenir son souffle 11 minutes et 35 secondes, je ne pouvais pas rêver mieux. Cependant, je ne suis venu à la compétition que tardivement, c’est-à-dire depuis six ans environ. J’ai été médaillé de bronze en statique au Championnat de France 2017 et ai réalisé une performance de 7 minutes et 46 secondes l’année dernière lors d’une manche de coupe de France.
Subaqua Une apnée de près de 8 minutes et un vécu de compétiteur représentent de toute évidence un atout de poids lorsque l’on devient à son tour entraîneur. Comment cela se traduit-il concrètement ?
Alban Burlet Le premier avantage est mon intime connaissance de l’équipe. Je côtoie ses membres depuis quelque temps déjà et par conséquent il n’existe aucun problème de communication entre nous. Le respect qui s’est naturellement instauré n’est pas remis en cause car mes performances et mon passé récent de compétiteur font que mon discours d’entraîneur est cohérent : je sais parfaitement de quoi je parle. Le second bénéfice est que j’appréhende pleinement la mentalité du sportif de haut niveau, où plus que le physique et la technique, c’est avant tout l’aspect psychologique qui intervient dans la réalisation de la performance. Je suis donc particulièrement à l’écoute de nos apnéistes, une écoute individuelle, adaptée à chaque membre car l’état d’esprit d’un compétiteur, comme d’ailleurs son état de forme, lui est non seulement propre mais varie également en permanence, quasiment d’un jour à l’autre. Mon travail consiste surtout à déceler les signes à l’origine d’un problème dans la réalisation d’une performance. Cela peut être une préparation trop poussée, avec à la clé trop de fatigue physique engendrée, ce qui nuit bien évidemment à de bons résultats. Autre exemple, un compétiteur peut se mettre tout seul trop de pression ou se trouver facilement des excuses. D’autant que dans la pratique de l’apnée à haut niveau, le mental est essentiel et qu’il ne se développe qu’avec l’âge, la maturité. Du haut de mes presque 50 ans, de mon vécu, je pense avoir tout le recul nécessaire pour aider nos gars et filles à garder la tête sur les épaules et leur permettre de se dépasser lorsque le moment vient, ce moment clé en compétition qui va séparer l’athlète du champion.
Subaqua En dehors de ton apport de compétiteur, comment conçois-tu ta mission d’entraîneur ? Quelle est la vision d’un nouveau venu à un tel poste ?
Alban Burlet Pour l’instant, je découvre l’organisation vue de l’intérieur : la FFESSM et la CNA (commission nationale apnée), c’est-à-dire toute une équipe qui travaille et s’investit totalement dans la pratique de l’apnée en France. Sans oublier les régions avec les CRA (commissions régionales apnée), celle de la région Sud en ce qui me concerne. Ensuite, je me dois de préciser que je ne suis pas un pur novice : j’ai participé aux côtés d’Arnaud Ponche que je remplace à différents stages. Et je ne suis pas seul dans ma mission puisque je vais travailler avec Christian Vogler. Lui a une grande expérience du poste car cela fait dix ans qu’il est entraîneur de l’équipe de France, en piscine comme en mer. Nous allons entraîner ensemble et je vais donc pouvoir apprendre de lui toutes les « ficelles » du métier. En outre, j’ai aussi le soutien d’Arnaud Ponche. Même s’il a dû passer la main en raison de ses nombreuses fonctions, je sais que je peux compter sur lui si j’ai des questions. Bref, ma nomination s’inscrit dans un souci de continuité et d’un travail réalisé en équipe, dans la confiance et l’amitié. Pour en revenir plus précisément à ma personne, ce changement de statut est motivant, le passage de compétiteur à entraîneur est à mes yeux intéressant et surtout enrichissant. Au final, ma nomination prend la forme d’un défi inédit : je vois ma prise de fonction comme une préparation à une performance, une compétition. Un travail de fond, avec en ligne de mire, un objectif de performance. Comme je l’ai dit précédemment, nous, entraîneurs, devons suivre et conseiller les membres de l’équipe de France. Être en contact autant que possible avec eux, et au moment des grands évènements, championnats d’Europe ou du Monde, faire preuve de bienveillance vis-à-vis d’eux, les mettre en confiance pour qu’ils puissent évoluer dans les meilleures conditions possible. Au passage, l’organisation et la gestion des championnats sont quelque chose que je vais également découvrir très prochainement. J’ai d’ailleurs hâte d’y être.
Subaqua Dans le cadre de cette nomination, tu arrives avec quelles ambitions ?
Alban Burlet Tout d’abord, mon premier but est de faire en sorte que les équipes de France puissent se maintenir aux meilleurs niveaux en termes de performances et de titres récoltés lors des divers championnats. Cela fait plusieurs années maintenant que notre pays est dans le top 5 des nations. J’ai, bien entendu, la volonté de tout mettre en œuvre pour que cela se poursuive et défendre cette place d’excellence occupée par la France. J’ai bien conscience que cela représente un gros investissement personnel, et pour nos athlètes, demande de concilier les entraînements avec la vie de tous les jours, ce qui est loin d’être toujours évident. Mais là aussi, même si la performance reste individuelle, il faut travailler en équipe pour parvenir à maintenir une bonne cohésion entre vie de famille, activité professionnelle ou études et les entraînements. Là aussi, au-delà de la condition physique, l’aspect psychologique est primordial.
Quant au second axe de mon implication, il concerne le futur. C’est-à-dire prévoir, former et préparer une nouvelle génération d’athlètes. En effet, la détection des jeunes ou nouveaux venus sur le circuit de la compétition doit être permanente. Amener des personnes à progresser, les aider à garder en vue un objectif précis, c’est donner du sens à leurs efforts et à leur implication. Et pour un entraîneur, la satisfaction du travail bien fait.