Terre et mer sont en Zélande condamnées à vivre ensemble, unies pour le meilleur et parfois pour le pire. Marées et courants infiltrent ces terres qui sont, pour la plupart, sous le niveau de la mer, jusqu’à moins 5 mètres en certains points.
L’Histoire retiendra le raz-de-marée dévastateur de 1953. Rongées par les assauts d’une terrible tempête de la mer du Nord, les digues cédèrent durant la nuit du 31 janvier. Quatre cents brèches s’ouvrirent et la marée haute envahit violemment les terres avec ses flots boueux et tourbillonnants. En quelques heures, le bilan fut terrible : plus de 1 800 personnes périrent, près de 75 000 furent évacuées, 3 000 maisons détruites et 40 000 endommagées, 200 000 hectares de terre disparurent sous les eaux. Cette catastrophe engloutit en une nuit treize siècles de travail. Ce cataclysme demeure sans précédent en Europe moderne.
La reconstruction et la consolidation des grandes îles du delta deviendront un chantier phénoménal, un travail de Titan, réalisé en 40 années par le gouvernement néerlandais, avec la création à main d’homme de nouvelles digues, de barrages et d’écluses pour se protéger de la force des marées. Les travaux commencés en 1958 ont été terminés en 1997, créant ainsi le récif artificiel le plus grand du monde.
Tout ici respire cette union de la terre et de la mer. La Zélande, un pays né de l’interaction des marées, des courants et des ensablements. Les polders sont ces terres conquises par l’homme sur la mer du Nord. Hollande signifie « pays creux », le sous-sol de ces régions s’affaisse ainsi en permanence depuis toujours ; les fleuves (bassins-versants du Rhin et de l’Escaut) déposent leurs énormes masses d’alluvions et compensent cependant l’abaissement des terres. Un pays dont une partie se trouve sous le niveau de la surface de la mer et qui nécessite une permanente conquête sur la mer. Dieu a fait la mer disent les Hollandais et nous, nous nous sommes chargés de la côte. En ce proverbe se retrouve toute la ténacité d’un peuple qui a fait de 85 % de son pays une terre cultivable. Cette lutte des Néerlandais contre la mer est séculaire.
La faune et la flore ont rapidement envahi les récifs artificiels formés par toutes les digues du delta qui ceinturent les grandes îles. Sous l’eau tout semble vert brun, avec le gris des particules qui réduit la visibilité plus on descend. Mais plus près, en regardant, on découvre toute la vie et ses couleurs, à portée de main et accessible du bord.
En Zélande et sous l’eau, il existe un rythme des saisons avec certaines spécificités. En hiver, les lompes colorés arrivent avec leurs œufs, au printemps ce sont les fameuses grandes seiches qui viennent de pleine mer pour s’y reproduire, et les méduses Aurelia se multiplient alors en surface. Le grand boom planctonique se produit au mois de mai quand l’eau se réchauffe, mais la visibilité s’amoindrit alors nettement, comme j’ai pu m’en apercevoir…
Toute l’année les homards abondent, vous en verrez à chaque plongée. Les crabes courent de tous côtés au milieu des algues colorées. Par endroits, s’entassent des colonies d’étoiles de mer. Quelques beaux nudibranches offrent leur parure colorée à celui qui sait chercher. Et c’est dans l’espace proche qu’il faut surtout plonger, là où la lumière du jour offre son plus beau regard.