Au royaume de Xibalba

le 26/04/2019 publié dans le N° 284 de Subaqua
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Pierre Constant
par Pierre Constant

On connaît les cenotes, ces grottes perdues au cœur de la péninsule mexicaine du Yucatán, aujourd’hui inondées. On sait moins que l’ancien pays des Mayas en compte au moins 6 000 dont bon nombre ont servi de lieu de culte et de sacrifices. Sites mystérieux, difficilement accessibles pour la plupart, portes ouvertes pour un voyage dans l’espace comme dans le temps, ils font le bonheur des archéologues et des plongeurs chanceux. Pierre Constant nous en fait visiter quelques-uns entre poteries et restes émouvants. Photos de l’auteur (www.calaolifestyle.com).

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Glissant sur la tyrolienne à une vitesse vertigineuse au-dessus des eaux placides de Punta Laguna – à se faire hérisser les cheveux sur la tête -, on ne peut qu’espérer le meilleur, tout en jouissant d’une vue imprenable sur la jungle maya alentour. Dieu merci, de complaisants natifs vous attendent à la réception comme un colis de chez Fedex ! La perspective d’entrer en collision de plein fouet avec un gros tronc d’arbre, n’est certes pas des plus enviables… Quelques minutes plus tard, Max nous invite à un bain rafraîchissant dans le lac. « Il n’y a pas de crocodiles ici ! », promet-il, avant de traverser le lac en pirogue vers un bandeau de forêt obscure. Les singes araignée, alias Mono arana, Ateles geoffroyi de couleur noire avec un plastron blanc, se balancent gracieusement entre les branches. Plus loin, des singes hurleurs Allouatta paliata répondent furieusement aux bruits d’imitation du guide local, par un chœur de cris gutturaux assourdissants. Cette réserve écotouristique sera une introduction parfaite à une nouvelle expérience au Yucatán.

Le harnais toujours en place, nous nous dirigeons vers le cenote Calavera. Dans la pénombre d’une grotte, perché sur les racines tentaculaires d’un alamo, un couple de hiboux mouchetés, Stryx virgata, nous fixe d’un air stoïque. Émergeant d’un simple trou dans le substrat calcaire, une échelle de corde tombe à 10 mètres en contrebas. « Amenez seulement une torche, un masque et un tuba, mais pas de palmes. » lâche le guide. L’eau est fraîche à 25 °C. En apnée, sur une profondeur de 5 à 8 mètres, on est soudain surpris par une découverte macabre. Ossements et crânes humains jonchent le fond vaseux, dans l’oubli le plus total. Une collection de 120 squelettes mayas. Les sacrifices d’un âge révolu. Un fluide glacial vous remonte l’épine dorsale.

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Selon la théorie de Clovis, les Paléoaméricains originaires de Sibérie centrale sont arrivés par le détroit de Behring, voilà 13 500 à 13 000 ans avant notre ère. D’autres théories stipulent une arrivée trans-Pacifique, par des ancêtres de Mongolie, d’Australie et de Mélanésie. Exemple cité, celui de Monte Verde dans le sud du Chili, où des objets humains et des os de gomphotères ont été découverts, âgés de 14 000 à 14 500 ans. Peu après l’arrivée des Paléoaméricains, une extinction massive de megafaune s’est produite entre 13 300 et 12 000 ans. Elle est due à la pratique de la chasse et aux changements climatiques. Une première migration d’hominidés devait atteindre le Mexique il y a environ 11 000 ans. Des ossements fossilisés du paléo-cheval américain, Equus conversidens et du bison Bison antiquus ont été déterrés dans la grotte de Loltun, au sud du Yucatán. Les premiers habitants du Yucatán furent donc les Mayas, et la région devint le berceau de leur civilisation. La culture maya s’étend de 1 500 av. J.-C. à 1697 après J.-C. Le respectable Instituto Nacional de Antropologia y Historia (INAH) initie un projet d’exploration des cenotes en l’an 2000. Son but est de faire le registre des fossiles et des sites archéologiques en grottes. Les fossiles d’ossements animaux apparaissent à la fin du Pleistocène, ainsi qu’objets en pierre et charbon de bois, preuves de feux et d’occupation humaine. Trois squelettes complets d’âge pré-céramique ont été mis à jour et sont les restes les plus anciens connus au sud du Mexique et en Amérique Centrale.

Des squelettes anciens

Une grotte inondée, du nom de Chambre des Ancêtres, a été révélée au cenote d’Aktun Ha, à l’ouest de Tulum. Le site historique de La Chimenea, partie du cenote de Taj Mahal, au sud de Playa del Carmen a montré des concentrations de charbon de bois à une profondeur de 23 m, avec molaires, mâchoires, vertèbres et ossements de camélidé, Hemiauchenia macrocephala. En partie carbonisé, le matériel fossile montrait des marques de cisaillement sur les os. Dans le système totalement inondé des grottes Naranjal, (4,5 km au sud-ouest de Tulum), le squelette d’une femme fut trouvé sur le fond à 22,6 m. Âgée de 25 à 30 ans, elle mesurait 1,4 m, pour 53 kg 80 % du squelette était complet et fut daté au C14 à 11670 ans + ou- 60 ans. Au cenote de Las Palmas, un deuxième squelette fut découvert à la même profondeur, complet à 90 %, avec du charbon, également femme, 1,52 m, 58 kg et âgée de 44-50 ans, avec les restes d’un petit renard. Les ossements furent datés à 8 050 ans. Le troisième squelette, identifié à El templo, une grotte à 18 km au nord de Tulum, gisait à 23,5 m, à 185 mètres de l’entrée du cenote. Un homme de 25-30 ans, complet à 70 %. Pas de datation possible au C14, à cause de la détérioration due à l’eau de mer.

Un système exondé

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Formé à une époque où le niveau de l’eau était bas, périodes interglaciaires du Pleistocène, le système de grottes des premiers Mayas a été sec pendant quelques milliers d’années. Ce système fut par la suite noyé au début de l’Holocène, voilà 13 000 à 7 600 ans. Le niveau marin remonta alors suite à la fonte de la calotte glaciaire de l’hémisphère nord.

La route de Playa del Carmen à Valladolid passe par le cenote typique de Yokdzonot. Un arrêt est prévu à Izamal en fin d’après-midi. Le soleil éclaire chaleureusement le couvent de San Antonio de Padua (1550), un monument colonial de couleur ocre et blanc éclatant, sur un fond de ciel bleu cobalt. À trente minutes au sud de Mérida, San Antonio Mullix sera notre refuge pour la nuit, dans des cabanas en palapa. Un bungalow arrondi avec un toit conique en feuilles du palmier paja toquilla de style yucatèque appelé palapa. « L’idée est d’être prêt des cénotes, où nous allons plonger demain matin à la première heure. » explique Max.

Ceci est un extrait du Dossier paru dans le numéro 284 Abonnez-vous

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