Comment les mégots polluent nos mers et océans

le 30/09/2020 publié dans le N°292 de Subaqua
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Stephan Jacquet
par Stephan Jacquet

Une équipe de microbiologistes et de chimistes du MIO (Institut méditerranéen d’océanologie, Marseille, France) et de l’INSTM (Institut national des sciences et techniques de la mer, Tunisie) s’est intéressée à l’impact des mégots de cigarettes et des composés toxiques qu’ils contiennent, notamment les métaux, sur la diversité de la microflore des fonds marins côtiers en Méditerranée. Une des auteures de cette étude, Marianne Quéméneur, nous résume l’analyse qui vient juste d’être publiée.

Le mégot, déchet plastique et source de pollutions multiples

Les déchets plastiques constituent de nos jours une pollution visible par tous et un sujet de préoccupation majeur. De nombreuses études ont montré leur impact écologique négatif sur les écosystèmes marins. Pourtant, on peut constater la présence croissante de ces déchets (bouteilles plastiques, sacs plastiques) sur nos plages et l’ensemble de nos côtes, où ils finiront par être ingérés par les organismes marins. Parmi tous ces déchets, il y en a un, encore peu connu par le grand public comme étant un déchet plastique, il s’agit du mégot de cigarette. En effet, les filtres de cigarettes sont composés d’acétate de cellulose, une forme de plastique faiblement biodégradable, puisqu’ils vont mettre entre 12 et 15 ans selon les estimations pour se dégrader. Ce que l’on sait plus sur ces mégots, au travers des nombreuses campagnes d’informations sur l’effet des cigarettes sur la santé humaine, c’est qu’ils contiennent également des milliers de substances chimiques, telles que des composés organiques (nicotine, ethylphénol), mais également des métaux, métalloïdes et radionucléides, dues à la combustion des cigarettes.

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Étonnamment il y a actuellement très peu d’études d’impact de ces mégots sur l’environnement marin, alors qu’ils peuvent causer une pollution multiple menaçant la flore et la faune marines habitant les environnements côtiers. Une première étude menée par une équipe américaine en 2011 avait montré qu’un seul mégot par litre d’eau pouvait tuer la moitié des poissons de l’espèce Atherinops affinis (mieux connue sous le nom de Capucette barrée ou d’Athérine Grognon). Une autre rare étude d’écotoxicité réalisée en 2015 par des Australiens avait démontré qu’un lixiviat (liquide résiduel après contact) de mégots (5/L durant 2 heures) pouvait tuer la totalité des mollusques communs vivant sur le littoral après 8 jours d’exposition.

Les mégots de cigarettes dans l’environnement en quelques chiffres

Pour mieux comprendre l’impact important que peuvent avoir les mégots de cigarettes sur l’environnement, il faut savoir que, chaque année, il y a environ 6 000 milliards de cigarettes fumées dans le monde, par un milliard de fumeurs (environ 1/7 de la population mondiale) vivant en majorité (2/3 environ) dans les pays en développement. Chiffre encore plus incroyable et qui traduit encore la bêtise de nos comportements, la majorité de ces mégots (2/3 environ) va être jetée directement dans l’environnement. Cela va engendrer, selon les estimations, plus d’un million de tonnes de mégots rejetées annuellement dans l’environnement, dont une grande partie va être transportée des terres vers nos mers et océans au travers du ruissellement.

Et puis il y a également les mégots laissés à l’abandon sur les plages, c’est pour cela que le mégot est bien souvent le déchet n° 1 collecté lors des campagnes de nettoyage et qu’il peut représenter plus de 40 % des déchets ramassés sur les plages de Méditerranée. Durant la période estivale, le nombre de mégots retrouvés par m2 sur les plages peut être multiplié par 10, voire 100 dans certaines zones très fréquentées. L’été dernier, l’association Tunisie Recyclage a ramassé, en seulement quelques heures, plus de 16 000 mégots sur une plage de Tunisie, tandis que sur la rive nord de la Méditerranée, environ 25 000 mégots ont pu être récoltés en une seule action à Marseille. Que dire à part que c’est énorme et affligeant !

Le caractère invisible de cette pollution

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Sur les plages, les filtres de cigarettes ne sont pas toujours visibles, car ils peuvent s’enfouir dans le sable, perdre leur papier, changer de couleur, puis se réduire et se fragmenter très lentement en micro puis nanoparticules. C’est dans la mer que le caractère invisible de cette pollution s’exprime le plus. Aucun filtre de cigarette n’a été retrouvé en surface dans les filets lors des campagnes océanographiques ciblant les microplastiques. Les mégots vont couler rapidement au contact de l’eau de mer et vont s’échouer sur les fonds marins.

Ceci est un extrait du Dossier paru dans le numéro 292 Abonnez-vous

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