Épaves de mer Rouge : heavy metal tour

le 04/05/2020 publié dans le N°290 de Subaqua
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O.Clot-Faybesse P.Ragot
par O.Clot-Faybesse P.Ragot

Explorer des quantités d’épaves,
de préférence de grande taille, cargos et ferries, dont un géant des mers, le Million Hope, dans une eau chaude et le plus souvent transparente. Pour une orgie de métal, une intoxication à la tôle, un empoisonnement à la rouille…
Sans négliger aussi la vision des couleurs vives des coraux et poissons tropicaux venant rehausser tout ce gris et ocre. Voilà le programme, rare et précieux et donc tellement bon, que concocte une fois par an le croisiériste Diving Attitude à bord de l’Atlantis. Texte : Olivier Clot-Faybesse, images : Olivier Clot-Faybesse et Patrick Ragot

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Bien que de superficie modeste, la mer Rouge, en particulier la zone égyptienne, a été le lieu de nombre de naufrages au cours du temps. Si les vestiges les plus anciens remontent à l’époque romaine, les épaves ouvertes à la plongée loisir sont toutes contemporaines. Ces fortunes de mer s’échelonnent de la fin du XIXe siècle, à l’image du Dunraven perdu en 1876, à 2017 pour la plus récente épave digne d’intérêt à ce jour, le Cormorant. Alors qu’en Atlantique, tempêtes et guerres mondiales sont les principales pourvoyeuses d’épaves, ce n’est pas le cas en mer Rouge. Certes la Seconde Guerre mondiale s’est jouée aussi dans les eaux égyptiennes, faisant quelques fameuses victimes, tel le cargo britannique Thistlegorm envoyé par le fond en 1941. Mais pour une grande majorité des naufrages de mer Rouge (Giannis D, Salem Express, Numidia, etc.), les responsables sont les nombreux récifs affleurant la surface un peu partout. Il est vrai que les capitaines des premiers navires venus fracasser leur navire dessus pouvaient légitimement plaider la méconnaissance d’une mer parsemée d’aussi traîtres obstacles. Les générations suivantes ne peuvent se dédouaner de la sorte : bien souvent, l’erreur de navigation, l’inattention, un problème technique, voire une certaine incompétence, sont à l’origine d’une funeste rencontre avec le récif. Alors, lorsqu’un bateau emprunte un bras de mer, par définition étroit, qui plus est truffé de brisants, la plus grande prudence est de mise. Mieux vaut avoir un œil sur la carte marine et l’autre à l’avant de la proue !

Tyran d’eau

Car un détroit n’est pas qu’un élément d’équilibre, une ponctuation dans le paysage. Surtout ne pas le prendre à la légère ! Ce fin trait d’union entre deux rivages, ce lieu où courants et vents unissent bien souvent leurs forces, a scellé le sort de quantité de navires. Et comme la mer Rouge en compte deux, le détroit de Suez et celui de Tiran, géographiquement proches et aux abords saupoudrés par Dame Nature de quelques malins écueils, la probabilité d’une erreur de navigation ou d’une collision s’en retrouve grandement augmentée. D’autant que l’une comme l’autre de ces étroitesses est fréquentée. Si Suez, accès vers la Méditerranée oblige, est le plus couru, le détroit de Tiran représente lui aussi une voie de commerce maritime importante. En effet, par son biais, trois pays, l’Arabie Saoudite, la Jordanie et Israël, sont desservis. Du coup, pas la peine d’être fort en math pour résoudre l’équation suivante : trafic maritime + étroitesse de la mer + récifs = x. Même s’il n’utilise au quotidien que deux chiffres, le 12 et le 15, accessoirement le 6, notre guide, Stéphane Lecat, connaît la réponse : le « x » correspond à des épaves par dizaines. C’est justement dans ce détroit de Tiran que Stéphane tient à démontrer à quel point le résultat énoncé est exact. Notre homme n’est peut-être pas un grand mathématicien, mais c’est un érudit qui a accumulé une large documentation sur les épaves de mer Rouge, dont notamment une belle collection de points GPS et d’amers.

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Des connaissances qu’il met tout de suite en pratique pour nous emmener explorer tour à tour, un incroyable amoncellement sous-marin de véhicules chenillés (Ras Peter, – 15 à – 38 m), le tout récent Cormorant (Ras Gamilla, – 45 à – 60 m) et une partie du Loullia - l’autre étant, plus pour longtemps encore, posée sur le récif (Gordon, – 50 m). Sans oublier deux navires très proches, car gisant au pied d’une même section de récif près de Naqb. Si ces épaves voisines partagent une faible profondeur (- 20 m au plus bas), elles diffèrent très nettement par leur taille.

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D’un côté l’imposant Million Hope (170 m) et plus en amont, le très modeste Agia Varvara (15 m environ pour la proue, partie intacte la plus longue). Relativement abritée de l’éternel vent du nord, la zone de Tiran permet d’organiser ces visites successives d’épaves sans trop de risque. Ce n’est pas le cas du détroit de Suez, trop exposé et impraticable en raison des conditions météo du moment (cf. encadré). Qu’à cela ne tienne, décision est prise de prendre le lendemain la direction de Safaga.

Ceci est un extrait du Dossier paru dans le numéro 290 Abonnez-vous

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