LE CAP-VERT : UNE PRESQU’ÎLE ET DES ÎLES

le 30/04/2020 publié dans le N°290 de Subaqua
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P.P. de Voize- P. Désormais
par P.P. de Voize- P. Désormais

Aspects historique, géologique, écologique ou encore subaquatique… Vous saurez tout, ou presque, sur le Cap-Vert dans son ensemble, c’est-à-dire la presqu’île de Dakar et le distant archipel, à la lecture de ce remarquable reportage de Patrice Petit de Voize illustré par l’auteur. Ce coup d’œil général sera suivi d’un zoom sur l’île de Santo Antao à travers le récit de Patrick Désormais.

Des merveilles à découvrir !

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Un peu d’histoire…

C’est en 1444, époque d’Henri le Navigateur, que des marins portugais, après un périple aventureux le long des côtes de l’Afrique saharienne, arrivent en vue d’une presqu’île dominée par deux cônes volcaniques éteints, aujourd’hui connus sous le joli nom des « Mamelles ». Après des semaines en mer face aux dunes de sable et aux falaises arides de la Barbarie, le Maroc et la Mauritanie actuels, les quelques cocotiers et buissons de ce cap rocheux durent leur paraître verdoyants : ils le baptisèrent donc « Cap Vert » ! Commerçants avisés autant que marins, les Portugais installèrent des comptoirs à l’embouchure du fleuve Sénégal, là où s’établira plus tard la ville de Saint-Louis, puis sur l’île de Gorée et à Joal, sur la côte abritée au sud du Cap-Vert.

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Dakar, qui occupe de nos jours la quasi-totalité de la presqu’île, ne sera créée que beaucoup plus tard, fin XIXe, lors de la colonisation française. Il est probable qu’après quelques années, la rumeur de l’existence d’îles à quelques centaines de kilomètres à l’ouest les incita à reprendre la mer et, en 1460, Diogo Gomès et Antonio de Noli découvraient progressivement l’archipel, qu’ils baptisèrent logiquement Islas de Cabo Verde (Île du Cap-Vert). D’autres navigateurs avaient tout de même visité l’archipel avant eux, pêcheurs africains, berbères et un navigateur vénitien Alvide Cadamosto (ou Alvide da Ca’ da Mosto) qui y avait fait une brève visite en 1456.

… et de géologie

Cette parenté entre deux lieux distants (Sal, plus proche île de l’archipel se trouve à 620 km de Dakar, Santo Antao, la plus éloignée, à 900 km) n’est pas qu’historique, même si l’appartenance des îles au continent africain peut se discuter. En effet, géologiquement les îles du Cap-Vert sont les vestiges volcaniques d’éruptions anciennes, comme leurs sœurs des Canaries, de Madère et des Açores, l’ensemble de ces îles constituant la Macaronésie. Leur socle est donc distinct de celui de l’Afrique continentale. Les unes et les autres ont encore, parfois, des regains d’activité, comme les éruptions de 2015 à Fogo et en 2012 à El Hierro, (sous-marine pour cette dernière). Lorsqu’on fréquente ces parages, il est clair que ce volcanisme est l’élément dominant du paysage : falaises escarpées et arides, tombants verticaux, plages de sable noir, par endroits, reliefs en cône comme à Calhau (Sao Vicente). Cette origine, quoique beaucoup plus ancienne, est également très visible dans la presqu’île du Cap-Vert : Dakar est une sorte d’île de basalte reliée au continent par un isthme étroit. Au large, l’île de Gorée, les îles Madeleines sont des pitons et des falaises en orgues, et la plupart des « secs » situés à proximité sont des pavages de prismes basaltiques bien visibles, vestiges d’éruptions vieilles de 10 millions d’années.

Des conditions propices pour la vie marine

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J’ai vanté, à plusieurs reprises, dans Subaqua, la richesse de la faune sous-marine de Dakar, richesse due tout d’abord à la situation géographique de la presqu’île du Cap-Vert à la croisée de deux grands fleuves océaniques, l’un froid, le courant des Canaries, l’autre chaud, venu du golfe de Guinée. Ces deux courants, en fonction de la saison, font varier la température de l’eau de 14/15 °C en hiver à plus de 28° en été, amplitude plus importante que celle de nos rivages bretons qui va de 8 à 17 °C en moyenne. Les reliefs sous-marins forment, pour le courant des Canaries, une sorte de tremplin qui provoque une remontée de l’eau froide (upwelling) chargée en nutriments. Ceux-ci, arrivés à proximité de la surface, donc exposés à la lumière, vont provoquer une véritable explosion de plancton végétal (phytoplancton) base de la chaîne alimentaire. Conséquence de ce bloom planctonique, la richesse halieutique des eaux de cette région est fabuleuse. Autre facteur favorisant, les apports terrigènes issus des nombreux fleuves situés au sud de la Mauritanie, dont les sédiments viennent encore enrichir les fonds côtiers : Sénégal, Saloum, Gambie, Casamance. Une mangrove y est présente sur la plupart des zones estuariennes, lieu privilégié de vie, nurserie pour de nombreuses espèces. Entre les îles du Cap-Vert et le continent, les profondeurs sont importantes, supérieures à 2 000 mètres, contribuant à un relatif isolement, illustré sur le terrain par de nombreuses différences faunistiques. Beaucoup d’espèces continentales ne sont pas présentes dans les îles, en particulier parmi les invertébrés benthiques (fixés) dont les larves ont une vie trop courte pour franchir plusieurs centaines de kilomètres de plein océan. Les courants dominants étant orientés Nord-Sud les échanges sont d’autant plus difficiles. Comme les sédiments fins sont rares dans ces îles, trop éloignées du continent, cela justifie partiellement la différence de peuplement pour la petite faune benthique. Petits mollusques, gorgones, échinodermes sont bien moins abondants. En revanche, la clarté des eaux et leur température plus clémente expliquent la présence de formations coralliennes un peu partout, même si elles ne constituent pas de véritables récifs. Leur position, par contre, en fait une zone très propice à la vie marine, là aussi les upwellings sont nombreux et la richesse halieutique remarquable, bien que le nombre d’espèces vues en plongée soit plus restreint qu’on pourrait s’y attendre.

Une petite faune peu farouche

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Malgré la pêche intensive (lire par ailleurs), que ce soit au Cap ou dans les îles, la vie marine résiste et reste d’une variété et d’une richesse sans pareilles. Poissons-papillons, poissons-anges et demoiselles sont, pour la plupart, endémiques des côtes d’Afrique de l’Ouest. Bien que moins nombreux en espèces que dans l’Indo-Pacifique, les poissons du Cap-Vert sont un régal pour les yeux. Leur parenté avec la faune caraïbe méditerranéenne est souvent visible, mais pas toujours nette. Il faut donc se garder de juger trop rapidement, les spécialistes eux-mêmes n’étant pas toujours d’accord ! Le long des falaises basaltiques de Sao Vicente à quelques encablures du port de Mindelo, la vie sous-marine se décline en bancs de poissons colorés, peu farouches : vivaneaux, marignans, poissons lanternes, espèces présentes mais souvent rares sur le continent…………………

Zoom sur Santo Antao, l’île Nature

C’est après deux avions et un ferry entrecoupés de transferts que vous poserez le pied à Santo Antao. Non conquise par le tourisme de masse, cette île, réputée pour combler les randonneurs, saura également, avec ses fonds tourmentés et sa faune unique, ravir les plongeurs. Texte et images de Patrick Désormais.

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Entièrement volcanique, Santo Antao, grand rectangle de 780 km², est coupé dans sa plus grande longueur par une chaîne de montagnes, culminant à 1 979 mètres, qui sépare en deux parties bien distinctes son relief. Le sud, minéral et désertique, et le nord avec ses forêts et cultures en terrasse. Une fois débarqué du ferry dans le port de Porto Novo, la capitale, on comprend immédiatement que le séjour va se dérouler dans le calme et la sérénité. En effet, moins d’une dizaine de bateaux occupent le port, dont le bateau de plongée et la vedette de la police.

Une sortie, deux plongées

Après un court transfert (dix minutes), arrivée au seul grand hôtel de la ville, le Santantao Art Resort. Le calme règne ici car en journée randonneurs et plongeurs sont de sortie. Le soir, tout ce beau monde se couche tôt pour être en forme pour de nouvelles aventures le lendemain. Pas de soirées animées, ni bruit nocturne donc. C’est cela le tourisme vert, une immersion dans la nature, qu’elle soit terrestre ou sous-marine.

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Le seul centre de plongée de la côte sud étant situé dans l’hôtel, pas besoin d’aller bien loin pour se préparer. Après le chaleureux accueil d’Antonio, le patron du Blue Eden, ne reste plus qu’à ranger votre matériel de plongée dans une caisse à votre nom et la stocker dans un grand hangar. Chaque matin, elle sera chargée dans un pick-up, direction le port où un Zodiac de 20 places est amarré. Deux blocs par plongeur vous attendent à bord pour deux immersions successives, avant retour entre 14 et 15 heures. Ce qui laisse le reste de l’après-midi pour visiter, trier vos photos ou simplement farnienter sur la plage devant l’hôtel.

Une faune endémique à la croisée de l’Atlantique et des eaux tropicales

Avant de détailler quelques plongées parmi les plus intéressantes, précisons que le Cap-Vert est une des dix régions du monde dont l’endémisme est le plus important et où la faune sous-marine est un mélange d’Atlantique et de tropical.

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Ainsi, vous ne verrez certaines espèces qu’en ces lieux, à l’image de ces spécimens : le sar noir du Cap Vert (Diplodus fasciatus), le poisson ange du Ghana (Holacanthus africanus), le compère de Guinée (Sphoeroides marmoratus), la gorgone du Cap-Vert (Leptogorgia capverdensis) ou encore la rascasse du Sénégal (Scorpaena laevis).

Quant au décor subaquatique, il résulte du prolongement sous l’eau des anciennes projections et coulées de lave du désormais volcan éteint de Santo Antao. Place à des roches, pierres, tunnels, grottes et autres anfractuosités servant de demeures et d’abris à quantité de poissons et de crustacés. Sur le fond, les langues de sable alternent avec de petits murs et des tombants.

Ceci est un extrait du Dossier paru dans le numéro 290 Abonnez-vous

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