Le lagon des baleines grises

le 23/08/2022 publié dans le N°302 de Subaqua
Une baleine grise sort la tête de l’eau, une attitude qui serait destinée à observer son environnement extérieur 
comme semble le confirmer son œil, à ras de la surface, fixant l’objectif du photographe.
Olivier Clot-Faybesse
par Olivier Clot-Faybesse

Chaque hiver, de janvier à début avril, une grande majorité de la population de baleines grises présente dans le Pacifique se rassemble dans des lagons en Basse Californie (Mexique), dont celui de San Ignacio. À l’abri de leurs prédateurs, les orques, dans ces lieux peu profonds, certaines baleines se reproduisent alors que d’autres, s’étant accouplées l’année précédente, donnent naissance à un « petit » (5 mètres de long quand même…). Quelques-uns de ces cétacés, enfin, n’hésitent pas à venir au contact de l’homme pour des interactions exceptionnelles. Texte Olivier Clot-Faybesse, images (sauf mention contraire), Yves Herraud.

Si actuellement la Russie, et plus particulièrement son gouvernement, a vu sa cote de popularité s’effondrer pour être à un point des plus bas, il fut un temps où elle était montée au firmament. En particulier auprès des naturalistes et amoureux du monde marin, ainsi que, chose assez rare, chez les Américains. Pour cela il faut remonter à une période où la Russie était encore un État fédéral (Union des républiques socialistes soviétiques ou URSS), plus précisément en octobre 1988, et se diriger au nord de l’Alaska. Mobilisés par le gouvernement d’URSS, deux brise-glace s’étaient rendus en urgence dans cet État américain. Les deux navires soviétiques n’avaient ensuite pas ménagé leurs efforts pour libérer deux baleines grises prisonnières de la banquise, sans nul doute condamnées à une fin peu agréable, à l’image d’une troisième, morte d’épuisement. Une mobilisation de volontaires, et des efforts suivis avidement par de nombreux médias pour une coopération américano-soviétique exemplaire, qui n’est pas près de se renouveler. Mais laissons la géopolitique de côté pour se demander ce que faisaient donc des baleines grises dans des eaux aussi froides, au point de se retrouver prisonnières de la banquise ?

/// Une grande migratrice

Les baleines grises rentrent en nombre dans les lagonS en hiver. La période pour les observer ne court ainsi que de janvier à avril. © Debbie Baracco

Les baleines grises rentrent en nombre dans les lagonS en hiver. La période pour les observer ne court ainsi que de janvier à avril. © Debbie Baracco

Il faut savoir que la baleine grise est l’espèce de cétacé qui peut effectuer les déplacements les plus longs observés. Soit des allers-retours entre zone tempérée/chaude et zone froide/polaire de près de 20 000 km ! Comme d’autres de ses congénères, la baleine grise affectionne en hiver les eaux chaudes du Pacifique pour se reproduire et mettre bas et se rend dans des eaux froides l’été (mer de Béring jusqu’aux eaux arctiques donc) pour s’alimenter. L’espèce est dite « fouisseuse » car elle se nourrit en fouillant (aspirant) des organismes benthiques, c’est-à-dire vivants sur le fond, à l’image d’une majorité de mollusques et de crustacés. Néanmoins, des études montrent que face à la réduction de la quantité de proies disponibles actuellement, la baleine grise n’hésite pas à changer de comportement alimentaire, se nourrissant au large, sur des fonds de grandes profondeurs. Ainsi, elle ne se limiterait plus à la seule prédation d’organismes benthiques mais adopterait un mode d’alimentation par filtration de diverses espèces pélagiques.

/// Une baleine pas si grise…

Gros plan sur l’œil d’une baleine grise.  Qui regarde qui ?

Gros plan sur l’œil d’une baleine grise.
Qui regarde qui ?

Si le gris fait bien partie de la robe de ce cétacé, il est loin d’être uniforme. En effet, beaucoup de variations de la couleur de sa peau sont observées. Cela va du noir ou gris très clair, avec parfois des taches blanches si étendues que la baleine semble, au premier coup d’œil, plus blanche que grise. Sans oublier les parasites externes qui colonisent de manière inégale la peau d’un spécimen donné, c’est-à-dire en grande concentration, sous forme d’une sorte de tapis vivant concentré surtout sur le haut et l’avant du corps de la baleine ou, au contraire, de manière plus diffuse. Ces profiteurs sont de deux types. Tout d’abord, les cyamides, appelés aussi poux de baleines, petits crustacés qui se glissent dans les fissures naturelles et se régalent de bouts de peau morte de la baleine. Ensuite, les balanes (barnacles en anglais), qui ciblent plus particulièrement les baleines se déplaçant lentement.

Un imposant spécimen se laisse doucement approcher.  Le souffle en V  caractéristique de ce cétacé provient de ses évents jumeaux, que l’on peut nettement observer sur cette image.

Un imposant spécimen se laisse doucement approcher. Le souffle en V caractéristique de ce cétacé provient de ses évents jumeaux, que l’on peut nettement observer sur cette image.

Dans un premier temps, leurs larves viennent adhérer à la peau de l’animal. Une fois collées à leur hôte, elles grandissent et produisent alors des plaques calcaires qui vont former une carapace rigide. En croissant, les balanes s’ancrent plus profondément, la peau de la baleine se retrouvant tirée vers l’intérieur de chaque balane. Cette dernière restera ainsi en place toute sa vie, ne sortant ses pattes que pour filtrer l’eau de mer et s’alimenter du plancton en suspension. Les balanes utilisent la baleine comme un transporteur qui, étant toujours en mouvement, leur permet de récupérer les nutriments nécessaires à leur survie. Lorsque les baleines grises se trouvent dans les eaux polaires, nombre de balanes meurent, se détachant de la peau en laissant des marques ou cicatrices blanches, qui viennent diminuer d’autant la couleur grise de la baleine.

Ceci est un extrait du Dossier paru dans le numéro 302 Abonnez-vous

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