O’Dive : Une prise en main

le 30/12/2018 publié dans le N°282 de Subaqua
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Pierre Martin-Razi
par Pierre Martin-Razi

Pierre Martin-Razi a testé le dernier né de la gamme des détendeur Scubapro, le C370, un deuxième étage moyen de gamme qui a tout d’un grand. Pour l’utiliser, il s’est mis à l’eau avec Caroline Celli et Patrice Vogel. Tous trois ont testé le capteur de bulles connecté O’Dive que nous avions présenté dans notre numéro 278. Les résultats font réfléchir…

Nous l’évoquions dans notre numéro de mars-avril : le capteur acoustique connecté, détecteur de bulles circulantes O’Dive est en phase finale de développement.

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Nous avons pu en tester la dernière version béta avant sa mise sur le marché prévue en janvier prochain. Résultats et questionnement…

Rappelons de quoi il s’agit. Lors de la survenue des accidents liés à la désaturation, trois grands groupes de paramètres initiaux sont à prendre en compte :

> les paramètres physiques et physiologiques du plongeur, connus pour quelques-uns (âge, poids, état de santé) et souvent ignorés pour d’autres (présence ou non d’un foramen et si oui, connaissance de son degré, incidence génétique désormais sérieusement considérée, forme physique et entraînement à l’évaluation délicate, état hydrique, etc.)…

> les paramètres de la plongée proprement dite, profondeur et durée, nature (isolée, consécutive, successive), gaz respiré, loisir, professionnelle,

> et enfin, le niveau des microbulles circulantes après sortie de l’eau dont la quantité est, depuis quelques années déjà, considérée comme déterminante dans l’évaluation du stress décompressif.

Si le premier groupe de paramètres est délicat à intégrer dans un panel de données, le deuxième groupe de données, purement chiffrées s’avère beaucoup plus facile à collecter.

Enfin, le niveau de bulles circulantes (évalué d’un grade 0 à un grade 4) peut être assez simple à mesurer dès lors que l’on dispose d’un détecteur acoustique basé sur l’effet Doppler pas trop compliqué à mettre en œuvre. Voici le tableau brièvement
brossé…

UNE BASE STATISTIQUE

Forte de ce constat, l’équipe d’Azoth Systems, emmenée par Axel Barbaud, a décidé de collecter les deux derniers groupes de paramètres à l’issue des plongées afin de les comparer à une base de données de plusieurs dizaines de milliers de profils. Cette comparaison permet d’évaluer la qualité de la décompression, matérialisée par un indice de qualité (IQ) noté de 0 à 100. Et, en fonction de cet IQ, de suggérer une modification des pratiques avec allongement des paliers, limitation en temps et/ou en profondeur, passage au nitrox, paliers à l’O2, etc. Évidemment, s’il est simple d’entrer profondeur et durée sur un petit programme, la mesure des bulles circulantes par un plongeur lambda n’était pas, jusqu’à présent, chose facile.

UN CAPTEUR SPÉCIALEMENT DÉVELOPPÉ

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Depuis une dizaine d’années, Azoth Systems travaille donc au développement d’un capteur acoustique utilisable par le plus grand nombre.

À l’origine de l’évaluation des microbulles circulantes post-plongée, les mesures étaient effectuées près du cœur. Sans entrer dans des détails superflus, il faut savoir que les bruits du muscle cardiaque et de ses valves sont assez proches de l’écho produit par les éventuelles bulles. Cette proximité perturbante rend délicate l’analyse du signal et demande une sérieuse formation. Pour s’en abstraire, les ingénieurs et physiologistes d’Azoth Systems se sont orientés vers une mesure effectuée sur les veines sous-clavières, comprenez par là situées sous les clavicules. Pour ce faire, ils ont mis au point un capteur de la taille d’une savonnette ronde, muni d’un redan afin d’épouser la protubérance osseuse. Deux petits capteurs de pression latéraux garantissent que la sonde est correctement maintenue. Une noix de gel de contact sur le capteur acoustique comme on le voit faire chez les échographes : l’affaire est faite !

Bien sûr le capteur est relié par Bluetooth à un téléphone portable sur lequel a été installée l’application O’Dive.

Après avoir, (la première fois) créé son compte puis entré les paramètres de la plongée, deux mesures (avec chaque fois une mesure gauche et une mesure droite) sont effectuées à 30 et 60 minutes de la sortie de plongée. Ces mesures sont envoyées au serveur d’Azoth Systems qui compare ces résultats avec sa base de données pour sortir l’IQ qui orientera – peut-être – vos futurs comportements. Les résultats sont disponibles une heure environ après leur envoi. Notons que toutes les mesures peuvent être stockées (faute de réseau par exemple) pour être envoyées ultérieurement.

Si les mesures de bulles circulantes ne posent pas de difficulté grâce en particulier à un didacticiel bien construit, les résultats aiguillonnent un peu la curiosité…

LE TEMPS DES MESURES

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À l’heure où nous bouclons ces lignes, nous n’avons pu tester l’appareil que sur une seule immersion et sur trois plongeurs appelés, par souci du secret des données personnelles, Riri, Fifi et Loulou. Nos trois plongeurs sont deux hommes, plus tout à fait jeunes mais pas encore cacochymes qui affichent quelques milliers de plongées au compteur à des profondeurs souvent au-delà de 40 m, le tout sans le moindre souci de décompression. Le troisième est une femme, monitrice entraînée beaucoup plus jeune avec, elle aussi, une expérience solide et aucun problème lié à la décompression.

La durée totale de l’immersion a été d’une quarantaine de minutes pour une quinzaine passées à 41 m sur le magnifique tombant de Cavaux à Marseille. L’eau était à 17 °C. Pour Azoth Systems, ce profil de plongée (41 minutes à 40 m, remontée comprise) est considéré comme engagé et son incidence est notable sur le niveau de l’IQ…

Malgré une procédure à l’ordinateur (un Nemo Wide Mares, un Uwatec et un Suunto aux préconisations assez comparables) parfaitement suivie et malgré 3 minutes de paliers ajoutées aux paliers imposés, nos trois plongeurs sont sortis de l’eau avec deux IQ à 54 et un à 61.

Pour une plongée dans la courbe de sécurité (entendez sans paliers imposés) et avec un IQ théorique de 100, le risque moyen de survenue d’un ADD serait inférieur à 5/10 000. Entre nous, cela correspond aux relevés d’ADD dans le monde avec 3 et 4 accidents pour 10 000 plongées environ. Rappelons une fois encore que dans l’évaluation de l’IQ, la composante personnelle, c’est-à-dire les paramètres physiques et physiologiques n’est pas prise en compte. En fonction de son âge, son poids, sa forme, la présence ou non d’un FOP, l’entraînement, on s’éloignera ou pas de cette limite de 5 sur 10 000.

Bref, les résultats de 54 et 61 ne sont pas terribles. 54 représente un risque de survenue d’ADD inférieur à 1/100 plongées. Ad abrupto, ça fait frémir ! Et donne à réfléchir…

n Le temps des questions

Ceci est un extrait du Dossier paru dans le numéro 282 Abonnez-vous

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