RAJA AMPAT ROYAUME DE LA BIODIVERSITÉ

le 13/03/2020 publié dans le N°289 de Subaqua
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FABRICE DUDENHOFER
par FABRICE DUDENHOFER

À l’autre bout du monde s’étend à la surface de la mer un archipel fantastique que l’on appelle Raja Ampat. Loin de la civilisation, des jungles de béton et des trafics automobiles oppressants, cet écrin préservé, même si de plus en plus prisé par les touristes, fait figure d’exception. Bien que découverte il y a près de vingt ans, cette région continue de surprendre par l’abondance et la diversité de vie sous-marine.
Un reportage, texte et photos, de Fabrice Dudenhofer.

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Fasciné par les expéditions de Nicolas Hulot en Irian Jaya, ancien nom de la Nouvelle-Guinée occidentale, ainsi que par les récits de mes homologues palmipèdes, j’étais impatient de découvrir à mon tour les Raja Ampat, littéralement les « quatre rois » (Lire « Le saviez-vous ? page 38 »). De plus, j’étais des plus excité à l’idée de naviguer, 150 ans plus tard, sur les traces du naturaliste et explorateur britannique Alfred Russel Wallace.

Une fois sur place et à peine embarqué à bord de l’Aurora, un somptueux pinisi en bois, bateau traditionnel indonésien, la magie opère pleinement : dessinés par le vent et la mer, les paysages karstiques recouverts de forêts verdoyantes impressionnent, ravissent le spectateur, qui ne peut rester insensible à la force mystique qu’ils dégagent. Aussi spectaculaires au-dessus de la surface qu’en dessous, les Raja Ampat sont un paradis pour les coraux en même temps qu’un Eldorado pour les plongeurs passionnés de biologie marine. En effet, chaque recoin de récif est couvert d’une grande variété de coraux durs et mous, de gorgones et d’éponges.

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Chacune de nos excursions aquatiques va nous projeter à travers un tableau vivant où l’artiste aurait libéré les couleurs pour les faire exploser sous nos yeux. Ici, la vie est en perpétuel mouvement. Sans aucun doute, les Raja Ampat représentent un véritable Éden, un paradis de la biodiversité marine.

Temple mondial de la diversité

Malgré une telle biodiversité, il aura fallu attendre 2001 pour que les scientifiques s’intéressent réellement à la région. Dès lors, leurs découvertes furent stupéfiantes. Par exemple, après quinze jours de mission, pas moins de 1 000 espèces de poissons avaient déjà été recensées ! Alors que de son côté, le célèbre ichtyologiste américain, Gérald Allen, en a identifié plus de 250 en seulement une plongée. Concernant le corail, plus de 550 espèces de coraux durs ont été dénombrées, soit dix fois plus que dans les Caraïbes… La conclusion qui s’impose tombe donc sous le sens : nulle part ailleurs l’océan ne renferme une aussi grande diversité d’espèces, dont la majorité d’entre elles, qui plus est, était encore inconnue il y a peu. Imaginons un instant, l’étonnement des scientifiques lorsqu’ils observèrent pour la première fois l’étrange requin bambou (Chiloscyllium indicum) déambuler à la surface du platier, à l’aide de ses nageoires pectorales, en quête de proies…

Hippocampe pygmée et requin barbu

RAJA-4Sur le bateau, notre guide nous dévoile jour après jour notre itinéraire et les lieux de nos prochaines plongées à l’aide de cartes marines. Même si rien n’est jamais certain, ses briefings ont un effet euphorisant lorsqu’il s’agit d’annoncer les rencontres sous-marines à venir. Un guide sans lequel je serais passé à côté d’un joyau de la nature. Effectivement, sans son œil aguerri, jamais je n’aurais aperçu ce minuscule individu Hippocampus denise, un hippocampe pygmée de la taille d’un grain de riz. De taille pas plus conséquente d’ailleurs que celle des autres espèces d’hippocampes pygmées que l’on peut rencontrer dans les hydraires ou dans les différentes gorgones des Raja Ampat, tels Hippocampus pontohi ou le plus connu Hippocampus bargibanti.

Plus loin, un drôle de poisson prend la pose. Il s’agit du fameux requin tapis barbu (Eucrossorhinus dasypogon) localement appelé wobbegong. Véritable emblème de l’archipel, il se blottit d’habitude au fond d’un trou, bien à l’abri dans le récif. Celui-ci ne paraît pas timide.

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Vautré telle une carpette sur une table d’acropora, il semble n’avoir que faire de notre présence. S’il est possible d’apercevoir différentes espèces de squale, comme le requin corail, le requin pointe noire, voire le requin gris de récif, les animaux les plus imposants que l’on peut croiser dans l’archipel « des quatre rois », sont sans nul doute les majestueuses raies mantas. Attirées par les eaux riches chargées en plancton, elles y viennent également afin de se faire déparasiter. Plusieurs stations de nettoyage riches en labres besogneux permettent à ces géants des mers d’effectuer régulièrement un brin de toilette et de maintenir une bonne hygiène.

De la vie à profusion

Les immersions se succèdent et c’est à chaque fois un embouteillage de vie qui se présente devant notre masque. Au-delà de la variété des espèces rencontrées, c’est la densité de la faune qui sidère. Au-dessus des jardins coralliens, les anthias et les demoiselles virevoltent tandis que les platax deviennent de sympathiques compagnons de paliers. Les gaterins et les soldats à gros yeux se serrent les uns contre les autres afin de ne faire plus qu’un.

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Les vivaneaux, toujours pressés car souvent chassés, exécutent de formidables chorégraphies rythmées par les maîtres de ballet, les thons et les carangues. Les tortues vertes et imbriquées, quant à elles, se complaisent dans un tempo plus calme, plus lent. Elles alternent de brefs séjours en surface préférant se prélasser dans les coraux ou se délecter de leur mets préféré, le corail mou. Sans aucun doute, ce foisonnement de vie résulte de l’apport de courants qui acheminent une énorme quantité de nutriments depuis les océans Indien et Pacifique. Cette exubérance s’explique également par le fait que l’archipel des Raja Ampat se situe sur une zone de convergence de plaques tectoniques. Au fil du temps, leur superposition a brassé et créé une formidable biodiversité sous-marine, unique au monde.

Ceci est un extrait du Dossier paru dans le numéro 289 Abonnez-vous

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