Une histoire de la revue fédérale

le 23/12/2021 publié dans le N°300 de Subaqua
SUB COUVERTURE 197
Pierre Martin-Razi
par Pierre Martin-Razi

À l’occasion de la sortie de son 300e numéro, Subaqua publie ici dans son intégralité l’article de Pierre Martin-Razi, ancien rédacteur en chef, paru dans le numéro 200 de la revue fédérale. Dans ce long article, il revenait, avec force détails et images d’époque à l’appui, sur la création par la FFESSM d’un bulletin qui allait devenir revue.

SUB COUVERTURE 197Avec ce présent numéro, Subaqua fête sa deux centième parution. Cet événement symbolique pour qui aime les chiffres ronds (on sait que la Presse en est friande …) coïncide exactement avec l’anniversaire des 50 ans du nom de la FFESSM, officiellement baptisée le 12 juin 1955*. Une fédération qui accuse en vérité sept années de plus – elle est née en 1948 – tout comme la revue fédérale compte quelques numéros supplémentaires… Un casse-tête qui ne manque ni d’avatars ni de piquants et sur lequel s’est penché Pierre Martin-Razi. Pas simple…

Au mitan du siècle dernier ou à peu près, la fédération qui avait délégation pour les activités subaquatiques, était encore à l’âge des balbutiements. Nous nous doutons que les pionniers qui en avaient la charge devaient être hantés par d’autres soucis que ceux d’en relater les péripéties dans une revue fédérale… Au reste, les clubs affiliés étaient suffisamment peu nombreux pour que les liens soient faciles entre les membres et leur comité directeur national. Le courrier fonctionnait. On décidait des quelques lettres à envoyer lors des réunions hebdomadaires et tout était dit. Ou presque… Le désir de faire savoir n’était toutefois pas étranger aux dirigeants d’alors… Ainsi, dès la mise en place des commissions, le 22 mars 1953, une entité dite de « liaison » a été créée avec pour président le docteur Pierre Silhol. En 1956, la commission est évoquée sous l’unique terme « de propagande » puis « liaison et propagande » s’associeront jusqu’en 1980 où elle devient « de promotion », avant de disparaître en 1991. Au moins, le choix des mots dans l’intitulé de la mission avait le mérite d’être clair ! Si l’acception de propagande possède désormais une dimension un peu négative, ce n’était pas le cas à l’époque et la volonté des responsables fédéraux était sans ambiguïté : donner une cohésion dans un contexte de tiraillements et faire savoir. On se demande parfois si les choses changent vraiment… Bref, jusqu’en 1957, année qui nous intéresse au premier chef dans le cadre de cette narration, et au rythme d’un président par an, la commission de propagande a vu se succéder Georges Beuchat, le docteur Nivelleau de Brumière, Maurice Sissé et François Clouzot. Durant les toutes premières années, il n’est donc pas question de revue fédérale. La commission de propagande s’oriente davantage vers une participation à des manifestations de représentation, des soirées cinématographiques, des éditions de plaquettes…

C’est lors des travaux de l’assemblée générale du 15 janvier 1956 qu’apparaît pour la toute première fois, l’idée d’une « revue fédérale ». Maurice Sissé, le président de la commission de propagande, annonce dans son rapport d’activité les projets en cours : « la sortie prochaine d’une plaquette résumant les activités de la fédération, l’édition régulière d’un bulletin ronéotypé destiné aux dirigeants des clubs et comités régionaux et l’étude de la parution bimestrielle d’un journal (sic) qui serait envoyé à tous les adhérents. » Sissé évoque en outre l’ouverture d’un concours pour deux affiches de propagande générale et une pour le championnat d’Europe de chasse sous-marine. Notons aussi « qu’un effort tout particulier doit être fait dans le courant de 1956 auprès de la presse spécialisée, quotidienne et hebdomadaire ainsi qu’auprès de la radiotélévision. » Tous ces projets sont adoptés à l’unanimité.

Un paysage vite décrit

Le bulletin du Club Alpin sous-marin, né en 1946, est la première « revue » de plongée publiée en France et, sans doute, dans le monde…

Le bulletin du Club Alpin sous-marin, né en 1946, est la première « revue » de plongée publiée en France et, sans doute, dans le monde…

Quand Maurice Sissé évoque la presse spécialisée à quelles revues fait-il allusion en ce début d’année 1956 ? Sauf erreur ou omission de notre part, le premier « périodique » exclusivement consacré à la plongée et publié en France a été le Bulletin du Club alpin sous-marin de Cannes dont le numéro Un date de septembre 1946. À raison d’un numéro par an, on en compte sept jusqu’en 1953 (il n’y a pas de sortie en 1951) mais le huitième et dernier numéro est daté de l’année 1958… Entre-temps, deux revues destinées au grand public ont vu le jour : L’Aventure sous-marine née en avril 1954 et L’Eau et la vie sous-marine apparue en septembre de la même année.

Les deux ancêtres, dont l’un d’entre eux, l’ASM existe encore un peu au travers de Subaqua !

Les deux ancêtres, dont l’un d’entre eux, l’ASM existe encore un peu au travers de Subaqua !

L’Aventure sous-marine doit son nom à un ouvrage de Philippe Diolé. Son directeur de publication et rédacteur en chef est le journaliste Jean-Albert Foëx, secondé par le photojournaliste Serge de Sazo. Menée par des professionnels et soutenue par un bon volume publicitaire, la revue perdure avec une grande stabilité jusqu’en 1981, année qui verra son absorption par la revue fédérale de l’époque.

Page 39. 2 copieMais n’anticipons pas… Le second magazine, L’Eau et la vie sous-marine, est publié à Tanger (avec des bureaux parisiens, 16 avenue de La Grande Armée) par Roger Foucher-Créteau (son frère Jean est l’explorateur-cinéaste). Son existence sera beaucoup plus chaotique. La revue est l’organe officiel de l’Union internationale des clubs d’activités sous-marines, une des nombreuses « fédérations » nées à cette époque. Sa périodicité laisse assez pantois. D’abord trimestrielle, elle passe mensuelle en 1958. Sa couverture adopte un sous-titre étrange au numéro 16 (sport, ski, soleil) et elle ne possède pas de numéro 23 pour une raison que nous ignorons. Elle devient finalement, Marine Magazine, l’eau et la vie sous-marine après le numéro 24, en février 1961… En juillet 1961, le titre se limite à Marine Magazine. Il disparaît en avril 1963…

Il nous faut pour être tout à fait complet ajouter deux titres à ces magazines : Neige et Glace qui comporte parfois des reportages sous-marins ainsi que La Mer qui aurait été publiée entre 1958 et 1960 sur une vingtaine de numéros mais nous ignorons son contenu exact (parlait-elle de plongée ?) ainsi que la composition de son équipe rédactionnelle.

L’objet de ce présent article n’est pas l’Histoire de la presse de plongée sous-marine dans sa globalité aussi n’allons-nous pas évoquer l’ensemble des publications sur le sujet et leurs multiples péripéties au fil des cinq décennies. Il nous a semblé bon, toutefois, de faire un état des lieux au moment où l’AG de la FFESSM décide de lancer une étude de faisabilité pour un bimestriel fédéral… Reconnaissons que notre tâche n’est pas romaine : en matière de lecture, les plongeurs de la fin des années cinquante n’avaient pas grand-chose à se mettre sous la dent !

Les projets avancent…

Le 22 février 1956, lors d’une réunion de bureau, il est fait mention d’une proposition reçue par des « grandes revues françaises ». C’est François Clouzot qui se mettra en rapport avec « ce magazine » (?). Ces quelques lignes ne sont pas limpides et déboucheront sur un compte rendu de Clouzot, le 24 mars qui laissera le comité directeur « dans l’embarras du choix… »

Le 11 mai de la même année, alors que le comité directeur adresse ses félicitations au commandant Cousteau pour sa palme d’or obtenue au Festival de Cannes avec Le Monde du silence, François Clouzot présente un projet de revue fédérale pour 5 000 numéros adressés aux membres à titre gratuit. Il n’est pas encore fait mention du titre, pas plus que l’on n’évoque format ou pagination. Une semaine plus tard, le numéro Un est mis en route… On recherche un soutien publicitaire. Déjà..

François Clouzot, rédacteur en chef 1958-1963.

François Clouzot, rédacteur en chef 1958-1963.

Les choses se précisent le 1er juin… François Clouzot interroge le comité directeur sur des points pratiques dans le cadre de l’élaboration de la revue… Nous citons in extenso le rapport de réunion, il est intemporel et vaudrait d’être grave en lettres d’or dans un vade-mecum à l’usage  des rédacteurs en chef de revues fédérales ! Clouzot demande donc, « notamment (sic) :

- L’embauche d’une sténodactylo disponible tous les après-midis pour l’élaboration du courrier et des articles de la revue et pour établir la liste des membres adhérents pour leur adresser la revue.

- Le vote des crédits nécessaires pour le tirage des photos à paraître dans la revue (ordre de grandeur 5 000 F pour le premier numéro).

- La rédaction d’urgence (sic) par les différents membres du comité directeur des articles de fond devant paraître dans la revue (commission technique, sportive, propagande et administration).

- Une décision du comité directeur sur la création d’un comité de lecture appelé à donner son approbation sur les articles à faire paraître.

- Décision de principe sur l’opportunité de faire paraître dans la revue des textes rédactionnels mettant en cause les fabricants de matériel sous-marin avec la possibilité pour l’éditeur (Interclub) d’utiliser cet argument pour collecter de la publicité. »

Ces questions sont signées par le président de la commission de propagande et son vice-président, respectivement Sissé et Clouzot. Assez paradoxalement, il est ensuite fait mention d’articles à publier dans L’Aventure sous-marine… On convient en particulier qu’Élie Ferrat écrira un article sportif, René Dray un article sur la vie de la fédération et enfin, François Clouzot un article d’information… En juin, Madame Chevalier, une sténo est embauchée. Le 8, lors d’une réunion, le comité de lecture fait état des articles reçus. On trouve les signatures de Jean Flavien Borelli pour un éditorial, de René Dray et d’Élie Ferrat mais aussi du professeur Chouteau et des docteurs Clerc et Fructus…

Une semaine plus tard, une maquette, réalisée par l’éditeur potentiel, Interclub représenté par Monsieur Bartoli, est dévoilée au comité directeur. Elle donne entière satisfaction. La lune de miel toutefois ne dure pas… Bartoli revient sur les décisions prises en limitant le tirage à 3 500 exemplaires (il en faudrait le double) et sous condition d’une prise en charge de la TVA par la FFESSM, une exigence acceptée par le comité directeur le 13 juillet. Cela apparemment ne suffit pas. Des problèmes apparaissent. On n’entend plus parler de la revue jusqu’au 19 octobre. Pour des raisons que nous ne pouvons que supposer, exit Interclub : François Clouzot est chargé de contacter Havas pour l’édition d’une nouvelle revue. Un contact qui ne débouchera pas non plus…

La naissance du premier

Page 40.haut copieNous avançons de quelques mois dans l’Histoire fédérale. Jean Flavien est décédé après une longue maladie. Élie Ferrat devient le nouveau président national. Lors de l’assemblée générale de 1957 qui a lieu les 9 et 10 février dans la salle de l’hôtel de ville de Marseille, on décide officiellement de la création d’un bulletin fédéral de liaison. Là, un petit doute persiste. Le document officiel, tapé à la machine est annoté. Une main inconnue a, en effet, biffé le mot création pour le remplacer par réalisation (cela peut laisser supposer une volonté de fabrication interne…) et ajoute la phrase sibylline « utilisation des périodiques spécialisés pour les informations d’ordre général ». Dont acte…

La grande affaire de 1957 réside cependant dans la création et l’ouverture de l’école de plongée fédérale de Niolon et durant toute l’année, la revue est oubliée. Étrangement absent des comptes rendus de réunions du comité directeur, le bulletin fédéral naît véritablement en dehors des rencontres et rapports officiels. Le premier numéro d’Études et Sports sous-marins sort malgré tout en avril 1958. Il s’agit d’un « quarante-huit pages » agrafé deux points en bichromie au format 15,5 x 24. L’éditorial titré « À nos amis » est d’Élie Ferrat. François Clouzot, le nouveau président de la commission de propagande signe un texte d’introduction « Pour faire entendre le Monde du Silence ». Il évoque ce premier numéro « expérimental » et compte sur les clubs pour soutenir « les premiers pas chancelants de ce bulletin par [leurs] commandes d’abonnements et, si possible, par des contrats publicitaires ». Joignant le concret au suggéré, une formule de contrat accompagne le bulletin et Clouzot demande aux membres de « contacter les commerçants de leur région ». Nous nous plaisons à imaginer un président actuel formulant une telle requête dans un de ses éditoriaux ! Mais ne sourions pas : la mise au monde d’une revue, même avec une périodicité aléatoire, n’est pas chose aisée (tout comme son maintien au demeurant…). En conclusion de son éditorial, le président de la commission de propagande (et directeur de la publication) ratisse large : il part aussi à la recherche de textes à publier…

Ce numéro Un est essentiellement constitué du compte rendu de l’assemblée générale. Dans l’aridité des propos mais avec le recul des ans, on trouve cependant de quoi égayer le bébé. Ainsi prenons-nous la liberté d’un petit clin d’œil à nos confrères actuels: en ces temps bénis pour les éditeurs de presse subaquatique, François Clouzot précise que les abonnements à tarif réduit des différentes revues spécialisées, proposés aux clubs affiliés, ne sont applicables que pour une commande groupée, émanant du président de club et comprenant un minimum de dix abonnements. Deux pages plus avant, Clouzot dans un paragraphe consacré à la diffusion des informations fédérales ne fait aucunement mention d’Études et Sports sous-marins mais de la presse locale et de bulletin « imprimé ou ronéotypé »… On le constate, dès le berceau, le positionnement de la revue fédérale n’a jamais été chose simple, même aux yeux de ses éditeurs !

La route des vingt…

Nous n’allons pas détailler les vingt premiers numéros d’Études et Sports sous-marins dont la publication s’étend d’avril 1958 à Noël 1963. Il s’agit pour François Clouzot de simplement maintenir le moteur en route alors qu’il a été préalablement démarré. La route s’ouvre rectiligne avec une diffusion qui augmente en même temps que le nombre de licenciés. Il faut cependant résoudre des problèmes pratiques : budget, diffusion, composition, maquette, impression, collaborations, susceptibilités… Le quotidien des tâches d’un rédacteur en chef que François Clouzot assume parfaitement. Un quotidien assez proche du tonneau des Danaïdes, soit dit en passant. À titre d’exemple, nous notons dans un compte rendu du 29 mai 1959 que « le n° 5 ne pourra pas sortir avant le 15 juillet, les textes ayant été remis trop tard à la composition et les ouvriers linotypistes étant entrés dans une période de congé ». Encore ne parle-t-on pas de grèves… Plus loin, en mars 1961, nous relevons : «  » On accorde la confiance à l’unanimité…*

Même au travers des comptes rendus bruts, il n’est pas difficile de percevoir une fatigue du directeur de la publication. Toujours en mars 1961, Clouzot réitère la question du comité de lecture qui visiblement n’apporte plus son soutien à un homme que l’on devine un peu seul… À la fin de l’année, « L’heure tardive ne permet pas à M. Clouzot d’exposer le problème du bulletin fédéral. Il le regrette et souhaite que le prochain comité directeur réserve (…) au bulletin fédéral une place de priorité à l’ordre du jour. » Seul d’accord mais de bonne volonté : c’est lors de cette réunion que Clouzot suggère un format plus grand pour lequel il a déjà fait établir des devis… En mars 1962, lors d’une réunion à Brest et à la demande de Maître Jacques Dumas, le comité directeur adresse des félicitations unanimes à François Clouzot pour « la belle présentation du dernier bulletin et pour le dévouement avec lequel il s’y consacre. » Surfant sur la vague, Clouzot en profite pour faire quelques demandes. Il veut notamment connaître le nombre de numéros à paraître annuellement pour obtenir un numéro de commission paritaire (ce numéro garantit que la publication est bien une revue d’informations et à ce titre qu’elle peut bénéficier d’une fiscalité particulière et de tarifs postaux préférentiels). On fixe le nombre à quatre. Messieurs Dumas et Bouat demandent que soit laissée à François Clouzot « une certaine liberté d’action. » De plus, et là, la proposition a de quoi laisser rêveur tout rédacteur en chef normalement constitué, Bouat « demande que la cotisation annuelle fixée à 6 NF pour 1962 (…) soit considérée comme une cotisation globale comprenant, entre autres avantages, le service gratuit du bulletin Études et Sports sous-marins. »

L’idée est acceptée, et pendant des années il en ira ainsi. C’est aujourd’hui chose impossible : le législateur, soucieux de la liberté du citoyen, interdit désormais le procédé. Tout acte d’abonnement doit être volontaire et dissocié d’une cotisation globale. Mais si nous étions restés dans le contexte d’antan, le tirage de Subaqua dépasserait, en 2005, celui de Libération

Sans qu’il y ait un lien de cause à effet, fin 1962, les finances fédérales ne permettent pas le tirage du numéro 18 de janvier 1963… Le président Ferrat propose un numéro double 18-19. On y trouvera un article du Pr Chouteau sur l’expérience Diogène ainsi qu’un cours de physiologie signé par le Dr Fructus à l’usage des moniteurs. Fin avril, l’impression du n° 19 seul est imminente… Il sort en mai… Et provoque quelques remous…

Lors d’une réunion du CSN du 15 septembre, le Dr Fructus exprime son mécontentement pour la forme du bulletin « qui aurait dû être particulièrement soigné. Notamment les interversions dans l’article du Dr Peytraud qui le rend(ent) incompréhensible, la publication tronquée de l’article d’Yves Girault, enfin, il (le Dr Fructus) ne s’explique pas pourquoi M. Clouzot, de sa propre autorité, a ajouté un texte sur les bouées sans l’avis du comité de rédaction. »

Clouzot admet un certain nombre de coquilles, l’imprimeur ayant mélangé les plombs… Il ajoute ensuite qu’il avait pris le soin de faire passer les textes aux auteurs pour correction avant publication… Et que son texte sur les bouées avait reçu l’aval du président Ferrat ainsi que du Cdt Philippe Tailliez, le président de la commission technique nationale… Le ton monte, la discussion s’envenime. On devine un Clouzot excédé lorsqu’il met sur la table sa double démission des postes de président de la commission de propagande ainsi que de rédacteur en chef du bulletin fédéral. Les textes du numéro en préparation sont remis au président Ferrat sur le champ.

Le Dr Lescure, représentant André Védrines, du Club subaquatique de Toulouse, signale aux membres du comité directeur que son club a voté une motion de félicitations à François Clouzot précisément pour le numéro 19 et se désolidarise des critiques émises par le Dr Fructus. Plus pragmatique, Ch. Decatoire demande qui pourrait bien remplacer Clouzot… Heu… Un rien embarrassé, le comité directeur remercie François Clouzot tout en lui demandant de revenir sur sa décision… Réaliste, Élie Ferrat fait toutefois remarquer que la réalisation du bulletin « est un travail absorbant qu’il faut envisager sous une autre forme. » Le président suggère alors que l’on contacte un professionnel, Yves Baix, « spécialiste des questions de publications » pour étudier « les conditions dans lesquelles pourrait être réalisé le bulletin dans l’avenir. » Si nous étions dans une sitcom, ce serait le moment d’une pause publicitaire…

Le bulletin devient « Plongées« 

Plongées a conservé Essm en sous-titre le temps de sa "liaison" fédérale...

Plongées a conservé Essm en sous-titre le temps de sa « liaison » fédérale…

Nous retrouvons le comité directeur lors d’une réunion datée du 14 février 1964. Le Dr Peytraud, le remplaçant de François Clouzot au poste de président de la commission de propagande, est assisté par Yves Baix pour présenter la nouvelle formule du bulletin fédéral… On corrige le projet et s’interroge notamment sur la propriété du titre, le choix des publicités, les clauses de revalorisation comme de suppression du bulletin. Le bureau décide de s’attribuer un délai de réflexion justifié. Il donnera toutefois son aval pour une collaboration que l’on peut, avec la force du recul, qualifier de… houleuse. Elle perdurera jusqu’en 1973. Et le bulletin fédéral va bientôt être titré Plongées pour cinq ans avant d’être débaptisé, puis rebaptisé trois fois… La vie d’une revue possède un côté définitivement biologique… Pendant une grosse année, tout se passe à peu près bien. Les éléments se mettent en place même si l’on déplore un glissement rédactionnel moins fédéral et plus « généraliste ». La signature de l’accord entre les parties se fait par ailleurs attendre. Baix envisage une durée de dix ans, le CDN préfère une année renouvelable. Dans le même temps et vérifiant une fois de plus les principes d’une loi physique aussi inéluctable que celle de la gravitation, le journaliste « déplore que certains présidents de commission (…) ne communiquent aucun rapport d’activité pouvant intéresser le bulletin fédéral et ce, malgré de nombreuses correspondances. »

Yves Baix, rédacteur en chef, 1963-1973.

Yves Baix, rédacteur en chef, 1963-1973.

Oublions les détails disait un fameux général : le CDN félicite Yves Baix pour la qualité de son travail dans un contexte de marché publicitaire en récession. Le nouveau rédacteur en chef de ce qui est encore Études et sports sous-marins signe un éditorial dans le numéro 20 qui mérite d’être publié in extenso. Nous le reproduisons ci-dessous :

Mutation

Page 42.milieu copieÀ dix-huit mois, un enfant marche. Il découvre le monde. À 12 ans il mue. Il apprend la vie. À 20 ans, il devient un homme, s’émancipe et prend de l’assurance. Le bulletin Études et Sports sous-marins, enfant choyé de la Fédération, subit un peu la même évolution. Vous l’avez lu ronéotypé, vous l’avez lu imprimé, vous l’avez lu illustré. Vous avez suivi, pas à pas, ses progrès. Le voilà maintenant arrivé à sa vingtième sortie dans le monde. Encore un numéro et c’est la majorité. Études et Sports sous-marins part à la conquête de nouveaux succès. Sa curiosité se tourne vers des horizons nouveaux. Il dit avec plus d’aisance ce qu’il avait à dire. Il traite en souriant les sujets sérieux qu’il n’avait jusqu’à présent abordés que dans l’austérité. Il s’épanouit. Au numéro 21, qui sortira en mars, la mutation sera terminée. Études et Sports Sous-Marins ne sera pas seulement le bulletin d’information intérieur d’une Fédération, mais un magazine qui ne cédera en rien aux autres revues. Le format sera plus grand, la couverture comportera plus de couleurs, l’intérieur sera plus vivant. La diffusion sera plus large et la parution s’effectuera 4 fois par an, à dates fixes. Ainsi la Fédération sera mieux armée pour mener son combat. C’est du moins ce que je vous propose et ce que je souhaite, puisque le comité directeur me charge de prendre la relève de François Clouzot, qui dirigeait cette revue à votre grande satisfaction depuis sa création, et a demandé à en être déchargé. Yves Baix

La périodicité de Plongées était assez "fantaisiste" malgré les bonnes volontés...

La périodicité de Plongées était assez « fantaisiste » malgré les bonnes volontés…

Quelques semaines plus tard, en février 1965, Me Jacques Dumas fait remarquer que 258 voix contre 197 se sont exprimées lors de l’AG contre une augmentation de la cotisation fédérale… Parmi ces opposants, 155 préfèrent un bulletin moins coûteux (4 F pour 4 numéros, sur proposition de Maurice Braud) et 84 veulent voir le bulletin perdurer dans sa forme actuelle moyennant un prix de 5 F pour quatre numéros à servir. Le nombre de pages pourrait être plus réduit.

Dans un tel contexte d’opinion, le CDN s’interroge sur le contrat proposé par Yves Baix que l’on avait (prudemment) pris soin de ne pas entériner avant l’assemblée générale… On discute le montant, on ergote sur la pagination (qui pourra être revue à la hausse si l’on recueille suffisamment de publicités) … Braud propose une édition en interne, moins chère que celle réalisée par un professionnel. Cette dernière solution retient malgré tout l’intérêt de la majorité aussi « le comité directeur est-il d’avis de signer avec M. Baix un contrat de trois ans, M. Baix s’engageant à sortir 160 pages minimum pour quatre numéros annuels et la Fédération à prendre autant d’abonnements qu’elle a de licenciés à raison de 5 F par abonnement ». Tout roule, si nous osons écrire. Un annuaire est mis en chantier, piloté par Yves Baix qui, fin 1966, interroge le comité directeur sur une possible modification de périodicité du bulletin.

Un bel exemple de couverture, inconcevable aujourd'hui...

Un bel exemple de couverture, inconcevable aujourd’hui…

De fait, Plongées devient mensuel en mars 1967. Pourtant, à la fin de l’année, une réunion du comité directeur préfigure de prochaines difficultés. François Clouzot qui a réintégré l’équipe dirigeante fédérale, demande en particulier « s’il serait possible de connaître les termes du contrat passé entre la Fédération et la revue Plongées. » Me Dumas rétorque que « le contrat est classé dans les archives de la délégation parisienne, rue du Colisée où les membres du bureau peuvent en prendre connaissance. »

Clouzot évoque en outre la possibilité de mise en place d’un comité de lecture. Yves Baix rappelle que Plongées « est la revue fédérale et qu’à ce titre, elle peut être relue par les personnes compétentes. Et que c’est même vivement conseillé ! »

On évoque ensuite des textes non publiés, on établit un processus de relecture qu’il serait trop long de relater ici mais dont la lourdeur ne laisse rien augurer de bon… Dans un registre plus badin, le CDN reproche à Yves Baix un article sur la mode féminine. Critiques auxquelles répond le journaliste en précisant « qu’il a déjà pris des dispositions pour que cesse ce genre d’articles et pour le remplacer par des informations féminines (?) plus proches des disciplines fédérales. »

Pour clore le sujet, François Clouzot pose la question du droit de contrôle comptable de la revue à laquelle Jacques Dumas répond par l’affirmative « puisque la Fédération est associée ». Yves Baix précise que « les comptes d’exploitation seront envoyés aux membres du Bureau avant l’assemblée générale. »

Nous citons ces exemples anecdotiques — choisis parmi bien d’autres — parce qu’ils restituent le climat d’une époque que l’on ne peut saisir en replongeant simplement dans les vieux magazines. Reconnaissez en effet avec moi que la lecture des revues passées, avec une connaissance des coulisses, s’imprègne d’un tout autre parfum !

Vers un titre nouveau

Le 6 octobre 1968, à Lyon, lors d’une réunion plénière du comité directeur présidé par Me Jacques Dumas, Claude Jouve, alors trésorier, rappelle qu’Yves Baix n’a toujours pas fourni le compte d’exploitation de Plongées. L’intéressé rétorque que « le document sera remis à la Fédération ». La situation ne s’améliore pas. Ainsi, le 13 avril, après que quelques-uns des membres du CDN aient critiqué négativement Plongées selon des critères purement subjectifs, André Védrines, le directeur administratif de la FFESSM, donne lecture du contrat liant la Fédération à Yves Baix. Puis on évoque des contenus rédactionnels « motonautiques » très éloignés de la philosophie fédérale. Le CDN convient de la nécessité de changer les termes du contrat. En juin, on met la question de la rupture au vote. Il est décidé, à 18 voix sur 21, qu’Yves Baix continuera malgré tout d’éditer la revue fédérale…

 Sub, l'éphémère et chaotique bulletin de liaison avant le grand retour à ESSM, édité en interne.


Sub, l’éphémère et chaotique bulletin de liaison avant le grand retour à ESSM, édité en interne.

En octobre de la même année, le président Ducommun, qui a remplacé Jacques Dumas, donne lecture d’un nouveau contrat établi entre la FFESSM et Yves Baix autour d’un nouveau titre Sub, la revue Plongées n’ayant plus rien à voir avec la FFESSM. Notons entre parenthèses que Plongées, hors du giron fédéral, survivra jusqu’en 1971 et son n° 77. D’abord sous-titrée Le Magazine de la mer, la revue est finalement absorbée par Les Cahiers du Yachting, pour le formuler avec élégance. Plus prosaïquement, dans ce genre de situation courante, la revue cannibale mieux portante récupère le portefeuille d’abonnés du titre moribond avec, pour se donner bonne conscience, un double titre en couverture (pendant deux ou trois numéros). Si les nouveaux propriétaires sont des gentlemen, ils tendent éventuellement une bouée à quelques pigistes dans la débine. Mais les éditeurs de Presse sont de plus en plus rarement des gentlemen**… Revenons à Sub. Yves Baix a dans l’idée de sortir une revue, Océans, consacrée non pas à la plongée, comme on le croit souvent mais à l’océanologie et à la mer en général (la première couverture est une photographie de barge pétrolière). Le numéro un sort en janvier 1970. On suppose donc que l’intérêt intellectuel (sinon financier…) d’Yves Baix est ailleurs. La revue fédérale devenue Sub s’insère dans ce contexte. Mais qui y croit vraiment ? Le comité directeur note, en particulier, la « périodicité fantaisiste » du bulletin et l’on s’interroge sur le bien-fondé d’une table ronde, avec d’autres fédérations, pour évoquer les problèmes posés par les bulletins de liaison… On sent que les accords entre Yves Baix et la Fédération ne vont plus durer très longtemps…

Le retour au bercail

Page 43. Sub1 copieSautons deux années pour arriver au mois de janvier 1973. Le président de la FFESSM est de nouveau Me Dumas, qui connaît parfaitement le dossier de la revue. Le contrat liant Yves Baix à la Fédération a été dénoncé par l’ancien comité directeur et sur les trois numéros que le journaliste doit fournir, deux sont encore à venir. Baix demande que le prix de l’abonnement soit porté à 10 F. Le comité directeur trouve la proposition inacceptable au regard du montant de la licence (15 F soit les deux tiers de la cotisation !). Deux solutions sont alors possibles, soit trouver un autre prestataire extérieur moins cher qu’Yves Baix, soit le réaliser en interne…

Guy Mauriès, réd. en chef 1973-1989.

Guy Mauriès, réd. en chef 1973-1989.

C’est alors qu’apparaît Guy Mauriès (qu’il ne faut pas confondre avec Robert Mauriès, le créateur d’Apnéa et, en 1992, repreneur d’Océans, titre acheté à J.-P. de Kerraoul, actionnaire principal de la société Nautic Press International et, pour 15 % des parts, à l’auteur de ces lignes… Robert Mauriès jouera par ailleurs un rôle chronique dans l’histoire de la revue fédérale, nous y reviendrons…). En 1973, Guy Mauriès, lui, est membre du comité directeur et secrétaire général adjoint de la Fédération. Rédacteur en chef de la revue du « Centre technique du bois », c’est un homme qui connaît la question. On le constate notamment en lisant ses remarques sur le problème de la commission paritaire. Cette obtention d’un numéro passe par un acte d’abonnement volontaire, nous l’avons vu plus haut. Guy Mauriès est sûr de pouvoir arriver à un résultat. Le débat dure. Il porte sur des points techniques bien sûr mais aussi stratégiques, pour ne pas écrire philosophiques. À la question « Êtes-vous d’accord [pour] qu’à partir du 1er octobre 1973, la Fédération sorte un bulletin fédéral dans la limite d’un prix de revient maximum de 1,25 F le numéro ? » À l’exception d’une voix contre et d’une abstention (légitime compte tenu des liens qui unissent Baix et l’abstentionniste…), le comité directeur est favorable à la proposition. Guy Mauriès est donc nommé responsable de la revue. Le titre Études et Sports sous-marins est choisi à l’unanimité et sa numérotation reprendra au numéro 21. On efface ainsi de l’histoire de la revue fédérale tous les numéros de Plongées, de Sub, de Sub-Océans et d’Océans qui représentent une cinquantaine de publications…

Derniers soubresauts

Ultime péripétie avant la mise sur les rails de la revue fédérale, Yves Baix demande à être entendu par le comité directeur lors de sa réunion du 15 avril. Précisons qu’Océans traverse une période difficile de mise en règlement judiciaire (dont elle se sortira par sa qualité, bien sûr, l’opiniâtreté de son fondateur évidemment, mais aussi, osons l’écrire, grâce au chéquier d’un généreux « mécène »…).

Revenons au quai de Rive-Neuve, le siège de la FFESSM en cette mi-avril… Nous possédons un document très détaillé de la teneur des débats… En résumé, Baix évoque la possibilité de « maintenir pour les licenciés la possibilité de s’abonner au choix, soit à Océans, soit à Études et Sports sous-marins, soit au deux grâce à une mention portée sur la licence ». Contrepartie proposée, Océans réserverait trois pages par numéro aux informations fédérales plus un abonnement gratuit aux clubs… On imagine sans peine le silence qui a dû faire suite à cet exposé… Pour laisser le CDN débattre librement, Baix quitte la salle. Jacques Dumas est un juriste. Il sait que le risque est grand de signer un accord dans le cadre des difficultés rencontrées par Océans. Quid dans le cas d’une mise en faillite ? De plus n’y aura-t-il pas concurrence entre les deux titres ? Finalement, Dumas trouve la proposition pour le moins… cavalière. Une proposition d’autant plus étonnante que, selon les propos du président retranscrits dans le compte rendu de la réunion, l’audition d’Yves Baix avait été obtenue l’avant-veille en évoquant la possibilité d’une ristourne aux comités régionaux de 2 F par abonnement pris à Océans. Or, cette éventualité n’a pas été évoquée lors de l’exposé du journaliste…

Le comité directeur, avec une belle unité d’ensemble, réfute évidemment l’idée d’Yves Baix… Ajoutons, pour conclure l’épisode Océans inscrit dans le cadre de l’Histoire de la revue fédérale, que dans son éditorial du numéro 20 (surtitré Sub 75), Yves Baix évoque ses dix années de collaboration avec la FFESSM tout en déplorant sa fin. Dans le numéro 21 qui fait suite au refus du CDN, un article non signé mais titré « Moi y’en a vouloir des sous » évoque « une augmentation des ressources de la Fédération de 50 % aux dépens de ses adhérents. Une remontée sans palier qui risque de provoquer plus que des bulles ». Le propos possède un je-ne-sais-quoi qui fleure le règlement de compte… Même chose, en juillet 1974 avec un article titré « Quand les rats quittent le navire ». Restons calmes : hormis quelques débats dans les couloirs, les affaires évoquées se révèlent des pétards mouillés. Fin du chapitre.

Quelques couvertures sont des modèles d'humour au second degré...

Quelques couvertures sont des modèles d’humour au second degré…

ESSM sur rails

Études et Sports sous-marins va vivre jusqu’en 1988 à travers les soixante-quinze numéros publiés. La revue connaîtra, bien sûr, les péripéties inhérentes à ce genre d’aventure mais Guy Mauriès sait parfaitement tenir sa barque, mettre à la cape quand il convient, pointer au vent lorsque les conditions s’améliorent. Il faut lui rendre cet hommage : on ne juge pas un rédacteur en chef sur un numéro mais sur la longueur, sa capacité à vivre la solitude du coureur de fond. C’est toute la difficulté du métier : durer sans claquer la porte ! JAF apporte, après l’absorption de l’Aventure sous-marine déjà évoquée, un sérieux soutien rédactionnel.

De son côté, le gâteau publicitaire prend du volume. Max Walker, le chef de pub, est un vieux routier qui connaît parfaitement — et depuis longtemps — son réseau. Non, si la revue rencontre quelques difficultés, elles sont plutôt d’ordre interne, tant il est vrai que nous devons convenir de l’étrange lien qui unit la Fédération et son magazine. Le vers de Gainsbourg le définit exactement : « Je t’aime moi non plus ! » La relation fluctue ainsi au gré des attentes (pas toujours formulées) des présidents successifs, indifférents ou autoritaires, impliqués ou intimidés. La revue doit-elle être faite pour ses dirigeants ou pour ses lecteurs ? Bonne question à laquelle chacun apporte une réponse aussi fondée que justifiée. Mais différente. Nous avons la nôtre et savons d’expérience que le chemin du milieu n’est pas aisé… Peu importe, dans cet étroit couloir de manœuvres, Études et Sports sous-marins survit et c’est bien là le plus important !

Subaqua remplace EssM

Le tout premier numéro de Subaqua, n° 97 en réalité...

Le tout premier numéro de Subaqua, n° 97 en réalité…

Les mandats des présidents se succèdent… En 1987, convaincu du manque d’efficacité des opérations (sporadiques) d’ouverture vers l’extérieur, le comité directeur décide de « relooker »l’image fédérale. Ce projet inclut naturellement la revue. En juin, il est convenu de plancher sur un nouveau titre. Le 10 octobre, Jean-Claude Goualc’h le président adjoint annonce que « (…) la revue s’appellera désormais Subaqua car c’est ce que nous avons trouvé de mieux (sic). La paternité en revient à André Védrines. » On demande à Hubert Bischoff, le président de la commission promotion du comité Est dont le projet de maquette a été retenu, de s’occuper aussi de la fabrication. Le produit, en termes d’édition est beau : 90 g tout quadrichromie, dos carré collé. Vraiment la robe est de qualité même si, avec le recul du temps, le graphisme plus proche du tag, nous semble assez éloigné de la mer…

Allez savoir pourquoi ? L’image qui me vient ad abrupto est celle d’un mouton appétissant (la revue fédérale) seul au milieu d’une clairière et assis sur un confortable fichier. Des loups l’entourent plus ou moins faméliques (les éditeurs). Les paires d’yeux brillent… Comme l’histoire est un éternel recommencement, un membre du comité directeur, Robert Mauriès, l’éditeur d’Apnéa et d’Info-Sub déjà évoqué, fait une proposition d’externalisation… Le projet mérite d’être discuté bien que l’on reproche à Robert Mauriès certains papiers « antifédéraux » publiés dans ses magazines… Celui-ci répond que « La revue Apnéa n’a rien à voir avec la Fédération. Si je ne suis pas toujours d’accord avec elle, je ne fais pas part de mes états d’âme et l’on ne peut pas me taxer d’antifédéralisme. » La proposition n’est pas retenue et le premier numéro de Subaqua sort donc en interne, piloté par Guy Mauriès et Hubert Bischoff, en mars 1988. Il est numéroté… 97 ! Le CDN fait un tour de table lors d’une réunion en avril pour critiquer le nouveau concept… La nécessité d’un rédacteur en chef, journaliste professionnel, transpire… Je serai ainsi contacté directement par Bernard Dargaud en juin 1988 pour prendre un poste que l’on me refusera à la fin de l’été « ma candidature (sic) n’ayant pas été retenue. » Ce n’est qu’à partir du numéro 107 de novembre-décembre de l’année suivante que Paul Robin, l’ancien rédacteur en chef d’Océans assumera cette fonction pour le compte de Subaqua.

Un passage difficile

Paul Robin, rédacteur en chef 1989-1996.

Paul Robin, rédacteur en chef 1989-1996.

L’arrivée de Paul Robin aux commandes de la revue fédérale va lui faire prendre un virage radical. Une présence quotidienne dans une rédaction déplacée de Paris à Marseille, une vision professionnelle extérieure aux implications fédérales passionnelles (si l’on s’autorise le propos…) va donner à Subaqua l’impulsion nécessaire pour faire d’elle une revue « à part entière ». Trop peut-être…

Le glissement du contenu rédactionnel vers des sujets plus généralistes, au détriment de la vie fédérale déplaît parfois. Nous en revenons à la question de la mission du bulletin fédéral précédemment posée. On sait aussi qu’un des risques encourus par tout rédacteur en chef est une identification, une appropriation de la revue. La situation peut aussi être jalousée par ceux qui en ignorent les servitudes… Nous nous gardons de juger et constatons simplement les faits : sans doute soumis à une pression un peu trop forte, Paul Robin quitte la rédaction en pleine réalisation du numéro de janvier 1996. On le remplace par un ancien chef de publicité du magazine Bateaux retiré à Bandol, Jacques Stouls, dont la tâche bénévole aura le mérite de faire passer un bien mauvais cap. Subaqua lui doit une fière chandelle. Pendant ce temps, évidemment, les loups se rapprochent du petit mouton qui frissonne…

Nous avons pris la liberté de dévoiler quelques secrets, finalement assez anodins, de réunions de comité directeur partant du principe que le magnétophone est coupé quand on touche aux choses vraiment sensibles. De toute manière, il y a prescription ! Décrire mon arrivée au poste de rédacteur en chef me met cependant dans une situation délicate tant il est vrai que je deviens ainsi juge et partie d’une histoire commencée quarante années plus tôt. Disons, pour faire bref, que devant les multiples propositions d’éditeurs extérieurs, soutenues par des courants divergents au sein du comité directeur, le président Francis Imbert a choisi une solution tout autre, une sorte de lapin sorti d’un chapeau clac, si j’ose écrire…

Pierre Martin-Razi, rédacteur en chef 1996-2019.

Pierre Martin-Razi, rédacteur en chef 1996-2019.

 

Un hasard heureux nous a fait nous retrouver alors que, libéré de mes fonctions de rédacteur en chef d’Océans, je goûtais aux plaisirs de l’escale en Martinique… Une proposition de service m’a simplement fait tourner à droite au lieu de passer Panama. Ce qui me fait dire que les seules manœuvres que j’ai dû effectuer pour saisir les rênes de Subaqua ont été celles de mon voilier ! En solitaire… J’ai donc réalisé le premier numéro, celui de novembre-décembre 1996, les aussières de mon bateau tout juste tournées, les yeux encore chargés de sel. Le temps a filé sans que je m’en aperçoive et la revue que vous feuilletez aujourd’hui est mon cinquante-deuxième numéro…

SUB COUVERTURE 197Nous allons encore travailler pour que Subaqua soit plus belle, plus aimée, plus lue… Qu’elle se maintienne au rang qui est désormais le sien, c’est-à-dire celui d’une revue fédérale ancrée dans le paysage de la presse des activités subaquatiques généralistes. Une position démarquée cependant puisqu’elle est, au moment où j’écris ses lignes, la seule à justifier sa diffusion par une adhésion à un organisme de contrôle, l’OJD. Son portefeuille d’abonnés augmente régulièrement et les retours d’informations des lecteurs comme des annonceurs sont des plus positifs. Je n’en tire pas gloriole : cette position, nous la devons aussi à tous mes prédécesseurs, tous ceux qui ont œuvré à la revue fédérale. Sans leur volonté, sans leur énergie, nous ne serions pas là aujourd’hui…

* Voir à ce sujet notre article consacré à la naissance d’un nom paru dans Subaqua n°199. ** Cela a, notamment, été le cas lors de l’absorption de L’Aventure sous-marine, arrivée à bout de souffle, par Études et Sports sous-marins seconde mouture. Si les « pigistes » de la revue fédérale — y compris les journalistes et photographes professionnels — sont, par un principe inamovible, des bénévoles, une exception a toutefois été faite pour l’ancien rédacteur en chef de la revue défunte… Jean-Albert Foëx est ainsi devenu « conseiller de la rédaction ». C’est la seule entorse au sacro-saint principe du bénévolat que nous avons relevée chez les pigistes de la revue fédérale. Nous la considérons comme une preuve de noblesse autant que d’intelligence… Au demeurant, la FFESSM, hors du bulletin (nous connaissons au moins une autre occasion), a eu cette attitude que nous pourrions qualifier de « philanthropie réfléchie » : pour les dirigeants fédéraux, le souci du bien social n’est pas une vaine expression…

Ceci est un extrait du Dossier paru dans le numéro 300 Abonnez-vous

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