À LA RECHERCHE DE MOBY DICK

Fred Di Meglio
Frédéric Di Meglio
Publié le 5 nov. 2019, modifié le 18 sept. 2024
L’île Maurice représente une destination privilégiée pour un rendez-vous avec les cachalots, des animaux qui comptent parmi les plus grands mammifères marins de la planète. En effet, Maurice est le seul pays au monde avec le Portugal (archipel des Açores), où ces cétacés résident en groupes toute l’année,ce qui facilite leur observation et rencontre. Un reportage, texte et images,de Frédéric Di Méglio.

Plusieurs clans de cachalots vivent de façon sédentaire autour de l’île Maurice, essentiellement sur la côte ouest. Une population d’environ 130 spécimens patrouille en groupes à quelques miles nautiques au large de Rivière Noire et entre Port Louis et les îles du Nord. Parmi ces différents clans, celui qui nous intéresse compte une soixantaine d’individus identifiés, femelles, jeunes mâles immatures et enfants, avec comme figure matriarcale Irène. À la saison des amours, quelques mâles adultes, solitaires le reste du temps, rejoignent cette tribu. Les accouplements comme les naissances se font de février à avril et, en ce début 2019, trois nouveaux venus ont été observés.

Pour aller à la rencontre du clan, notre point de départ sera Trou aux Biches au nord-ouest près de Grand Baie, avec le centre Blue Water Diving géré par Hugues Vitry. Hugues est un des premiers à avoir travaillé, en 2009, avec l’association internationale Megaptera qui a réalisé les toutes premières observations scientifiques de cachalots des eaux mauriciennes.

Un hydrophone pour repérer les mastodontes

Départ du petit débarcadère pour le large de l’océan au petit matin. Nous franchissons la passe du lagon de Trou aux Biches. Derrière nous et au loin, la silhouette familière du piton du Pieter Both se dessine dans le décor de la montagne de l’île. Direction le nord-ouest. Après quelques miles nautiques, nous stoppons pour essayer de trouver les animaux.

Pour les localiser dans le silence de l’océan, un hydrophone avec sa parabole au bout d’une perche est indispensable. Sur la trajectoire le capitaine, casque et écouteurs sur les oreilles, oriente avec dextérité la parabole sous l’eau dans toutes les directions à la recherche des clics sonores des cachalots. C’est leur intensité qui permet d’appréhender la distance de leur source. Sourire, leur direction est identifiée. Nouveau cap… Hugues, sur le pont supérieur scrute l’horizon, à la recherche d’un souffle caractéristique. Car chez le cachalot, seul le conduit nasal gauche sert pour la respiration, le droit, obturé, servant à l’écholocalisation. Ainsi, une expiration de cachalot est facilement reconnaissable depuis la surface puisque l’animal n’a qu’un seul évent (l’équivalent d’une narine, situé à gauche donc), et que son souffle sort en buisson à 45° d’angle, montant jusqu’à 5 mètres de haut. Une hauteur respectable mais toutefois inférieure à ce que peuvent faire les baleines à fanons (ou mégaptères), qui elles ont deux évents, propulsant un jet vertical à près de 10 mètres !

Notre route nous fait descendre à l’ouest, vers Port Louis dont nous devinons les immeubles au loin. Les fonds sous notre sillage dépassent les 1 000 mètres. Ça y est, nous découvrons plusieurs individus. Ils nagent paisiblement, moins vite que leur vitesse de croisière habituelle qui est de 5 km/h. Leurs silhouettes ressemblent à des troncs d’arbre sombres glissant à la surface. Nous approchons à vitesse réduite, en parallèle d’un groupe de trois dont un probable juvénile. Notre capitaine précise alors : « Lors d’une interaction, ce sont les animaux qui choisissent de venir à vous, et pas le contraire. » Sur ordre de ce dernier, Pascal, Chantal et moi glissons à l’eau sur leur trajectoire, sans bruit, pour une première immersion en palmes, masque, tuba.

Le trio de mastodontes avance placidement vers nous. Nous avons comme consigne de ne pas nous éparpiller et de les laisser venir à nous. Comme l’Homme ne les chasse plus depuis près de 40 ans, ces animaux s’approchent sans crainte. Leurs corps, couleur gris foncé, sont trapus et massifs. Les cétacés se rapprochent lentement dans le bleu du large, leurs nageoires pectorales sont comme des petits battoirs peu visibles. Ce n’est qu’au moment où un animal défile le long de nous, très proche, que nous percevons toute la véritable dimension d’un cachalot. Une bonne quinzaine de mètres pour un adulte moyen, ça fait long ! Et si l’animal montre son ventre, alors sa mandibule inférieure est facile à visualiser, le dessin de sa bouche formant un Y géant bordé par le blanc des lèvres, dans une tête démesurée et balafrée de cicatrices… Enfin, arrive une queue triangulaire et fendue des plus imposantes car large de près de quatre mètres.

Des animaux socialement évolués

Ce trio que nous allons retrouver plusieurs fois dans la matinée, est composé de deux femelles, souvent ensemble, Delphine et Emy, et d’Alexander, le « petit » d’Emy (près de 5 mètres à 2 mois à peine…). Les juvéniles comme Alexander allaitent jusqu’à 3 ans environ.

Illustration d'un ordinateur de plongée
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Illustration d'un mérou brunIllustration d'un rocher