Précédemment, nous avons abordé l’accident bullaire initial, pivot central dans la physiopathologie de l’accident de désaturation, à travers la genèse du phénomène bullaire lors de la décompression et du cheminement des bulles circulantes dans l’organisme depuis les différents tissus jusqu’au filtre pulmonaire. Cette agression bullaire va être rapidement accompagnée et compliquée par la survenue de la maladie de décompression. Sa prise en charge médicale constitue dès lors un véritable défi, en particulier durant la phase pré-hospitalière. Par Jean-Michel Pontier MD, PhD, médecin fédéral national.
Dans un premier volet (Subaqua 285), ont été détaillés les mécanismes biochimiques (théories des noyaux gazeux et vasculaire) menant au stade ultime de la maladie biologique de décompression. Pour rappel, un accident de décompression (ADD) se traduit par l’agression par des bulles circulantes du contenu (plaquettes sanguines et éléments figurés du sang) et du contenant (endothélium vasculaire), via le couplage d’un état prothrombotique et d’une réaction inflammatoire. Localement, le point de départ serait pulmonaire. Puis, la diffusion de ce couplage thrombose-inflammation serait assurée par la libération de médiateurs prothrombotiques et pro-inflammatoires dans la circulation sanguine en particulier par le biais des microparticules. Ce couplage thrombose-inflammation pourrait entretenir et compliquer la dysfonction de l’endothélium vasculaire commencée par l’agression mécanique des bulles circulantes au contact de la paroi interne des vaisseaux dans la micro-circulation.national détaille les mécanismes à l’origine d’un accident de désaturation.
La prise en charge médicale repose sur une oxygénation normobare précoce commencée dès l’apparition des premiers symptômes. Cette oxygénation permet de réduire l’importance du phénomène bullaire en optimisant la dénitrogénation du plongeur et l’élimination des bulles circulantes. Dans le même temps, elle vise à réduire l’ischémie débutante des tissus du plongeur accidenté en augmentant la délivrance de l’oxygène en périphérie. Enfin, l’oxygénation précoce pourrait réduire la réaction inflammatoire loco-régionale et la diffusion à distance du potentiel prothrombotique par les micro-particules. En pratique, cette oxygénation est réalisée au masque facial à haute concentration et à fort débit (12-15 l/min). Une bouteille d’oxygène médical d’une contenance de 3 litres à 200 bars de pression ne permet pas toujours d’assurer la continuité de l’oxygénation pendant la durée de l’évacuation sanitaire. Le tableau (voir page ci-contre) permet d’évaluer l’autonomie résiduelle en fonction du débit administré au plongeur accidenté et de la pression d’une bouteille d’oxygène de 3 litres.
Quant à l’hydratation orale, elle commencera avant même l’arrivée des premiers secours sur la zone. Elle vise à corriger la déshydratation et la diminution du volume plasmatique du fait des contraintes hémodynamiques de l’immersion. En pratique, la victime, si consciente et en absence de nausées ou de vomissements (cas d’un accident de désaturation de l’oreille interne en particulier), débutera par une prise de 500 ml d’eau minérale. Cette hydratation a pour objectif de diminuer la viscosité sanguine et de limiter l’agression mécanique des bulles circulantes (ou immobiles dans la micro-circulation) au contact de l’endothélium vasculaire. Enfin, la correction de la déshydratation participe à optimiser la rhéologie sanguine tissulaire et, in fine, la délivrance de l’oxygène en périphérie. Lors de la prise en charge par les premiers secours, cette hydratation sera poursuivie et complétée par l’administration parentérale d’un soluté de perfusion et au moyen d’une voie veineuse périphérique.
Crédit photo: BMPM/ Nicolas Zucchelli
Cette réhydratation sera alors poursuivie durant le temps de l’évacuation sanitaire (par voie maritime, terrestre ou aérienne) vers le centre hyperbare.
À ce jour, peu d’études se sont intéressées aux mécanismes d’activation plaquettaire dans l’accident de désaturation. Une étude réalisée sur un modèle animal a montré que l’activation, l’agrégation et la consommation des plaquettes sanguines étaient en relation directe avec l’importance du phénomène bullaire.